Limitrophe avec l’Alsace et la Suisse, le Territoire de Belfort a une économie très marquée par la présence historique de grands groupes industriels. Fin 2021, un emploi sur neuf est par exemple lié au nucléaire et à l’automobile. Et l’Insee alerte sur ce sujet. Cela a eu de nombreuses conséquences durant les dernières années. « Entre fin 2017 et fin 2021, le nombre de salariés baisse de 2 000, et passe sous la barre des 50 000 », résume l’Insee dans son Flash régional n°216, publié début mai. Entre 2017 et 2021, le Territoire de Belfort est le seul département où l’emploi salarié marchand non agricole baisse : -1,8 %, contre +2,0 % dans la région.
Ce repli concerne en grande partie l’industrie. L’institut souligne que plus de la moitié des pertes d’emplois provient de trois secteurs : la fabrication de biens d’équipement, la métallurgie, et les services aux entreprises. Ces activités sont justement celles où l’empreinte des multinationales est la plus forte. Ce recul de l’emploi est aussi concentré au sein des établissements des grandes entreprises, « dont plus de la moitié au sein du groupe General Electric », précise l’Insee. Des incertitudes qui conduisent, en 2024, à la reprise par EDF des turbines Arabelle utilisées dans l’industrie nucléaire (lire nos articles).
Dans le détail, entre fin 2017 et fin 2021, ce sont un quart des effectifs qui ont été supprimé dans la fabrication de machines et équipements. La baisse dépasse 10 % dans les services aux entreprises, hors recherche et développement et services administratifs. Elle est du même ordre de grandeur dans la finance et la plasturgie. Il n’y a que dans la fabrication de matériels de transport que l’emploi industriel croît sensiblement (+140 emplois), avec la création d’un établissement de la SNOP, fournisseur de pièces automobiles, à Fontaine et le développement du site de Stellantis à Bessoncourt.
Un tissu économique ultra-concentré
À la fin 2021, les quinze plus grands établissements privés du département employaient un cinquième des salariés — deux fois plus que la moyenne régionale (voir carte). Ce poids des grands groupes, souvent contrôlés par des capitaux étrangers (21% des emplois du département contre 12% au niveau régional), rend l’économie locale particulièrement sensible aux décisions prises à l’étranger. À commencer par General Electric, qui à lui seul représentait 11 % de l’emploi du territoire en 2021.
L’Insee évoque également la situation du site SMRC Automotive à Rougegoutte, propriété de l’indien Motherson, ou encore de Voestalpine à Fontaine, contrôlé par un groupe autrichien (ces deux groupes sont des équipementiers automobiles, fournissant des pièces plastiques pour le premier et métalliques pour le second).
« La dépendance à quelques grands groupes internationaux expose le Territoire de Belfort à des risques accrus de délocalisation ou de perte de savoir-faire », prévient l’étude.
« L’annonce du transfert, au 1er janvier 2025, du site Stellantis de Bessoncourt à Sochaux, dans le Doubs, en est une illustration », poursuit l’Insee.

Les défis d’avenir
Néanmoins, le paysage de l’emploi n’est pas uniforme : certains secteurs enregistrent même des progressions notables. Le commerce affiche par exemple une croissance de 6 % des effectifs entre 2017 et 2021, soit « la plus forte progression observée dans la région », note l’Insee. Le secteur médico-social est également en expansion, avec une hausse de 32 % dans l’hébergement spécialisé. Le tissu associatif contribue aussi à une légère progression de l’emploi dans le secteur non marchand, qui représente désormais 41 % des salariés du département. Ces chiffres laissent entrevoir un début de mutation vers des activités moins soumises aux logiques industrielles.
« La diversification des activités apparaît comme un enjeu important », martèle l’Insee. Le territoire possède des atouts de taille, comme la présence de l’Université de Technologie de Belfort-Montbéliard (UTBM). « La présence de l’Université Technologique de Belfort-Montbéliard et les synergies qu’elle développe avec le monde de l’entreprise sont un atout pour le développement de nouvelles filières d’excellence, comme celle de l’hydrogène », détaille l’Insee.
L’un des défis est aussi du côté du développement des emplois dans les petites et moyennes entreprises (PME) et des microentreprises. Elles sont moins présentes dans le département que dans la région (44 % de l’emploi contre 51 %). Les créations d’emploi dans les PME déjà existantes sont faibles. Légèrement supérieures dans les microentreprises, elles concernent surtout le secteur de l’enseignement, la santé et l’action sociale. À moyen terme, un dernier défi se profile : la démographie. « La baisse de la population active devrait s’accélérer dans les prochaines années », alerte l’Insee.
Retrouvez l’étude ici.