Non, cela ne touche pas que les zones touristiques ! Et c’est bien ce que met en valeur l’étude réalisée par la confédération des petites et moyennes entreprises du nord Franche-Comté (CMPE NFC). Elle vient de publier un rapport coup-de-poing sur les conséquences économiques de l’hébergement de courte durée. Pour faire simple : quel est le poids d’Airbnb et des autres plateformes de location de courte durée, comme le proposent leboncoin ou encore Booking, sur l’économie hôtelière ?
« Nous ne sommes pas contre la location autonome de courte durée, tempère Louis Deroin, président de la CPME Nord Franche-Comté. Le problème, c’est l’iniquité concurrentielle. » Il croit en la liberté d’entreprise, mais réclame les mêmes règles du jeu pour tout le monde. L’étude a été lancée à la demande du groupement des hôteliers du pays de Montbéliard, présidé par Alix Gauer, par ailleurs directeur de l’Ibis Style du centre, à Montbéliard. Il est aussi administrateur de la CPME. « Tous les hôteliers ont le même discours », observe Jérôme Codol, chargé de développement de la CPME. Des hôteliers qui ont été sondés, ainsi que les campings, pour mener ce travail. On compte 16 hôtels dans le pays de Montbéliard, représentant 1 672 lits, répartis dans 934 chambres. Dans l’agglomération de Belfort, on recense 21 hôtels, soit 2 020 lits pour 961 chambres.
20 points de taux d'occupation perdu par les hôtels
Qu’ont-ils découvert dans leur enquête ? Lorsqu’ils ont cherché des logements sur la plateforme du leader du marché de la location de courte durée, d’abord pour Belfort puis pour Montbéliard, ils ont à chaque fois trouvé plus de 1 000 occurrences. C’était ce qu’inscrivait le site en tout cas. Premier constat : on remarque que malgré une recherche sur Montbéliard, des annonces arrivent depuis Belfort au bout de quelques pages de recherches, et vis-et-versa. Première remarque : « Attention à la volumétrie. » On ne peut pas grossir volontairement son offre, ce qui est illégal alerte Louis Deroin. Qui a aussi relevé que des offres étaient postées plusieurs fois. Ils ont donc pondéré leur recherche, pour obtenir une estimation de 700 logements pour chacun des deux bassins. Selon les services fiscaux du Territoire de Belfort, rencontrés dans le cadre de la rédaction de ce rapport, on estime à 300 ce type de logement dans le département ; c’est plus de deux fois moins que ce qu’ils ont repéré.
En poursuivant leur recherches et en la centrant sur une semaine, le nombre de logements disponibles oscille systématiquement entre 250 et 350, soit un taux de disponibilité minimum de l’ordre de 50 % ; c’est-à-dire que sur les 700 logements, la moitié est louée au moins une nuit par semaine. Selon leur étude, le poids de ces locations est de 20 points sur le taux d’occupation du secteur hôtelier. Il pourrait être de 75 % et non de 55 % comme c’est le cas actuellement. « Ce n’est pas une zone touristique, mais cela a un impact de malade », analyse Alix Gauer. Les hôteliers perdent de plus en plus de tourisme d’affaire. « Les Airbnb me font mal, convient-il. Cela touche le cœur de semaine et le monde des affaires. »
« Il est temps de prendre des décisions »
La première difficulté de cette offre de location en courte durée, c’est sa visibilité. « C’est le flou artistique », interpelle Louis Deroin. « Aucun outil ne permet de mesurer l’offre de ce type de location », poursuit-il. Et d’évoquer le cas d’un habitant qui détient plus de 40 logements. « C’est un hôtel fractionné », interpelle le leader syndical. Il demande ainsi de mettre en place un registre des hébergements, qui permet d’avoir une meilleure visibilité de l’offre, mais aussi de mieux collecter la taxe de séjour.
« Quand c’est un véritablement business, cela doit être géré socialement et fiscalement comme une entreprise », estime Louis Deroin, qui réclame aussi qu’un statut d’entreprise soit mis en place pour les personnes qui ne font plus ces locations comme une activité complémentaire. Ces hébergements n’ont, qui plus est, pas à répondre aux mêmes obligations que les hôtels, considérés comme des établissements recevant du public : portes coupe-feu ; draps et meubles ignifugés ; normes pour nettoyer les draps et le linge de bain ; produits non-allergènes ; plans d’évacuation ; présence d’extincteurs… « C’est une concurrence déséquilibrée », regrette-t-il. « Quand on nous impose des règles, en termes de concurrences des prix, on ne peut pas s’aligner », explique Alixe Gauer. Surtout, hôtels et gîtes ont un système normé de classement (étoiles ou épis), qui donnent des repères aux clients. Rien de tel sur les plateformes en ligne.
Louis Deroin, en professionnel de l’assurance, alerte enfin sur les trous de garanties dans la couverture de ces hébergements. « Si aujourd’hui tu ne me donnes pas ton permis de conduire, tu ne ressors pas avec une assurance pour ta voiture », compare-t-il, estimant qu’il faut quelque chose de similaire pour ces locations. Autres trous dans la raquette : la gestion des copropriétés, fragilisée par ce système de location.
« Il est temps de prendre des décisions », recommande Alix Gauer. Et des actions sont possibles localement. En qualité de président de l’office de tourisme du pays de Montbéliard, il valide l’importance d’avoir « une diversification des types de logement ». Mais il alerte sur l’absence de contrôle. Le livre blanc que vient d’éditer le syndicat a été envoyé à 600 décideurs politiques et économiques du territoire, dont les parlementaires. Un rapport qui invite notamment à s’appuyer sur les dispositions de la loi Le Meur, publiée en novembre 2024. Avec un objectif : établir une équité concurrentielle.