Avec l’AFP
L’assemblée générale ordinaire du groupe Gaussin s’est tenue ce mardi 18 juin. Elle devait conforter la place de l’actionnaire de référence du groupe, qui détient plus de 20 % des parts. L’assemblée générale a nommé quatre nouveaux administrateurs : Ewen Extier, Antoine de Koninck, Matthias Laurin et Jakub Šíp. Ils étaient justement proposés par l’actionnaire de référence du groupe, la société tchèque Czechoslovak Group (CSG), représentée par Tablon SPV. C’est un conglomérat d’une centaine d’entreprises de l’industrie et de la défense selon son site Internet.
Le groupe, qui emploie 400 salariés, est empêtré dans une crise de gouvernance depuis plusieurs mois (lire notre enquête). Il est en conflit, également, avec sa filiale de Saône-et-Loire Metalliance, qui produit ses véhicules de manutention, notamment pour le marché américain de la logistique. Un fonds de pension américain, Coral Reef Capital, a joué un rôle important dans cette crise. Il est au cœur d’une dissension entre trois membres du conseil d’administration : Christophe Gaussin, Martial Perniceni et Volker Berl. Des négociations étaient en cours pour que le fonds de pension entre au capital du groupe, avant que l’offre ne soit refusée par Christophe Gaussin, jugée trop faible. L’autre origine des difficultés se trouve dans le retard de livraisons des 355 véhicules logistiques électriques décrochés en Amérique du Nord, notamment pour Amazon. Il en est résulté un chiffre d’affaires 2023 nettement inférieur aux prévisions (35,7 millions d’euros au lieu de 100 millions d’euros visés) ; un retard qui s’explique aussi par ces tensions de gouvernance. CSG “a la possibilité de devenir majoritaire à tout moment”, a indiqué un porte-parole du groupe, par conversion en actions de son prêt de 15 millions d’euros octroyé à Gaussin l’an dernier, s’étant ajouté à l’injection au capital de 15 autres millions d’euros.
Deux administrateurs révoqués
L’assemblée générale de ce 18 juin a nommé un nouveau conseil d’administration, composé de cinq personnalités : les quatre nouveaux administrateurs et Christophe Gaussin. Martial Perniceni et Volker Berl ne sont plus membres du conseil d’administration. Les Tchèques détiennent ainsi quatre des cinq postes d’administrateurs. Selon des documents internes, consultés par Le Trois, l’actionnaire de référence a demandé de révoquer Martial Perniceni et Volker Berl. “Il est crucial que les administrateurs en place partagent la vision et les objectifs de l’actionnaire de référence pour garantir une gouvernance efficace et harmonieuse”, peut-on lire dans le compte rendu. Le groupe regrette que ces deux hommes ne soient pas “en alignement avec cette nouvelle orientation stratégique”.
Tablon SPV a aussi décidé de mettre au vote “la révocation” de Steve Filipov, “pour éviter toute ambiguïté sur la composition du conseil d’administration”. Des recours juridiques avaient été engagés à la suite d’une assemblée générale convoquée par Martial Perniceni et Volker Berl, début mai, et au cours de laquelle Steve Filipov avait été nommé directeur général. L’assemblée générale de ce 18 juin a approuvé ces trois révocations.
À la suite de l’assemblée générale, le conseil d’administration a décidé de dissocier les fonctions de président, dévolue à Jakub Sip, et de directeur général, confiée à Christophe Gaussin. L’entreprise familiale n’a plus totalement la mainmise. C’est une page qui se tourne à Héricourt. Les prochains mois permettront de définir quelles seront les conséquences ou opportunités que cela ouvre pour les sites de Bourgogne-Franche-Comté, alors que l’entreprise passe sous bannière tchèque.
Du côté de Metalliance, les offres de reprises pouvaient être déposées jusqu’au 17 juin. L’entreprise est placée en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Dijon (Côte-d’Or) depuis le 17 mai. Selon le porte-parole, Gaussin “ne se positionne pas” pour la reprise de sa filiale Metalliance de matériels de travaux souterrains d’environ 130 salariés à Saint-Vallier (Saône-et-Loire), en redressement judiciaire.
Gaussin va se “recentrer sur ses activités rentables à court terme”, a-t-il annoncé mardi, dans un communiqué. Il a obtenu, le 14 juin, l’autorisation de céder sa participation de 51 % dans le constructeur français de véhicules autonomes Gama (Gaussin-Macnica-Mobility, anciennement Navya) à son partenaire japonais Macnica, “par décision du juge-commissaire du tribunal de commerce de Vesoul”.
Une très longue histoire
L’histoire de la société Gaussin remonte au XIXe siècle. Elle était déjà tournée vers l’ailleurs. Elle intervient par exemple dans la construction d’ouvrages d’art en Indochine, sur la ligne de chemin de fer qui reliait Hanoï à Saïgon. La société Gaussin remonte à 1880. Elle est lancée par Eugène Gaussin et produit de l’acier. Elle travaille notamment pour les constructions de Gustave Eiffel. L’entreprise est officiellement immatriculée en 1962, par Henri-Paul Gaussin, le père de Christophe, l’actuel dirigeant et représentant de la 4e génération. Gaussin produit des véhicules de manutention portuaire, que l’on retrouve dans des ports d’Afrique (Tanger, au Maroc, et Abidjan en Côte-d’Ivoire) ou d’Asie (Singapour ou Surabaya en Indonésie). Elle propose aussi ces véhicules pour la manutention logistique, dont un marché nord-américain, avec un opérateur d’Amazon.