Bonjour François vient d’installer un atelier textile à Étupes, où travaille déjà une vingtaine de personnes. L’entreprise, dont le siège social est dans les Yvelines, propose des produits textiles fabriqués en France. Dans le nord Franche-Comté, elle s’appuie sur des partenaires de l’économie sociale et solidaire. Bonjour François raccommode les souvenirs d’une riche histoire industrielle.
Bonjour François vient d’installer un atelier textile à Étupes, où travaille déjà une vingtaine de personnes. L’entreprise, dont le siège social est dans les Yvelines, propose des produits textiles fabriqués en France. Dans le nord Franche-Comté, elle s’appuie sur des partenaires de l’économie sociale et solidaire. Dans le nord Franche-Comté, Bonjour François raccommode les souvenirs d’une riche histoire industrielle.
Les machines à coudre piquent et vrombissent. Depuis plusieurs mois, le professionnel du textile Bonjour François occupe un bâtiment de Technoland, à Étupes, où il a installé un atelier de confection textile de 500 m2. Bonjour François est une marque créée en 2017, dans la continuité de l’Agence textile GSP, dont le siège social est situé dans les Yvelines. Lancée en 2013, l’agence est un fournisseur de solutions textiles, inscrite dans une démarche éco-responsable, particulièrement sur le sourcing des matières. Cette entité conçoit notamment des produits textiles à vocation publicitaire ou pour l’évènementiel, par exemple les fameux totes-bags. Avec la marque Bonjour François, elle a voulu aller plus loin dans sa démarche.
« C’est un projet social fort », souligne Yoann Paicheur, responsable du pôle d’Étupes. Bonjour François est engagée dans le made in France. Aujourd’hui, ses produits sont fabriqués entièrement en France, « à base de produits français », insiste Yoann Paicheur. Si au lancement de la marque, cette dynamique n’était pas totalement possible – les produits étaient seulement conçus en France – ça l’est aujourd’hui. Le tissus de Bonjour François vient notamment des Vosges. Et cette volonté ne date pas de la crise sanitaire. Le virage a été pris il y a 4 ans. Dans l’entreprise, qui a réalisé globalement un chiffre d’affaires dépassant les 3 millions d’euros en 2021 annonce Yoann Paicheur, la marque Bonjour François assure aujourd’hui 50 à 60 % des résultats. Le made in France est donc un virage fort et l’axe de croissance de l’entreprise.

Des partenaires de l’économie solidaire
Bonjour François, c’est aussi une démarche solidaire. Depuis 2017, la marque travaille avec une quarantaine de partenaires de l’économie sociale et solidaire pour la confection de ses produits, des chantiers d’insertion ou des structures de travail adapté. « Nous mettons à disposition des kits de confection », explique Yoann Paicheur. Les ateliers finissent d’assembler les produits. Dans le nord Franche-Comté, Bonjour François travaille avec l’entreprise d’insertion Pluri’Elles à Belfort, le chantier d’insertion textile d’Inser-vêt à Valdoie et Frip’vie, à Grand-Charmont.
Le nouvel atelier d’Étupes ne vise pas à remplacer ces partenaires. Au contraire, insiste Yoann Paicheur. « L’Atelier doit faciliter le travail de préparation des kits », glisse-t-il. Il doit permettre d’accroître le projet et la production. Ce partenariat avec les acteurs du travail solidaire et de l’insertion a aussi permis de faciliter le recrutement. La douzaine de personne recrutée à l’été 2021 pour travailler dans le nouvel atelier a suivi un parcours d’insertion dans ces structures. « Elles étaient formées », confie Yoann Paicheur. Et connaissaient les produits et l’entreprise. Un vrai plus.
Le lin scruté
Dans l’univers des fibres naturelles, un élément n’est pas made in France : la production de coton, qui écrase largement le marché. La France ne manque cependant pas d’atout dans cet univers. Elle est le premier producteur mondial de lin fibre avec 61 % de la production mondiale, selon la confédération européenne du lin et du chanvre, dont les données sont relayées par Les Échos. Selon elle, 141 397 hectares de lin fibre sont cultivés en France, représentant 87 % des surfaces en Europe de l’ouest, avec une production de 112 000 tonnes de fibres longues en 2020 en France. Le hic, c’est que la France ne dispose pas de capacités suffisantes pour traiter sa production et fabriquer le fil de lin. Les fibres sont donc envoyées à 80 % en Asie, avant de revenir. Aujourd’hui, c’est l’enjeu de constituer des filatures françaises. Des projets sont accompagnés dans le cadre de France relance, dans cette dynamique. « Avec le prix du coton qui augmente, cela accélère l’intérêt du lin, acquiesce Yoann Paicheur. La filière se structure, une bascule est attendue. » Bonjour François opte déjà, sur certains produits, pour des mix coton-lin, avec des rapports de 80-20 %. « Le lin aura un rôle important », assure-t-il. Leurs partenaires suivent la question avec intérêt. Bonjour François d’un œil curieux.
« De plus en plus de clients nous voit comme une marque label », apprécie également le responsable de site. Bonjour François compte s’appuyer sur ce nouvel atelier pour se tourner vers de nouveaux produits textiles, en lien direct avec les clients, dans l’univers de l’art de la table par exemple ou des produits pour bébé. Ils développent actuellement, pour une marque, une éponge lavable.
Le nord Franche-Comté répond aux attentes
Bonjour François a opté pour le nord Franche-Comté alors qu’il pouvait s‘installer dans les Yvelines, où est le siège, ou dans le Nord où sont les principaux partenaires de l’entreprise. Certains membres de la jeune entreprise sont de la région, ce qui a facilité les choses, mais c’est surtout « le contexte global » du nord Franche-Comté qui a encouragé à retenir ce territoire. Il y a « la proximité avec les Vosges » qui compte mais aussi l’ouverture à l’Allemagne et la Suisse, qui pourraient devenir de nouveaux marchés. Les acteurs institutionnels, dont l’agence de développement économique du nord Franche-Comté (ADNFC), ont aussi soutenu le projet pour que Bonjour François s’installe ici.
La région n’est pas une inconnue de l’industrie textile. En 1892, une grande enquête recense 5 500 personnes qui travaillent dans cette industrie dans le Territoire de Belfort, dont la moitié sont des femmes et 591 enfants, informe une note historique dédiée à ce sujet, intitulée Clés pour l’histoire et rédigée par le rectorat de l’académie de Besançon (à retrouver ici). La filière s’est développée au XIXe siècle dans ce qui allait devenir le Territoire de Belfort (lire ci-dessous). La crise économique de 1929 va considérablement l’affaiblir. Des entreprises vont survivre. Elles disparaîtront totalement du département à la fin des années 1980. Bonjour François réactive ce souvenir. Et Yoann Paicheur apprécie « le dynamisme autour du textile dans le nord Franche-Comté », citant évidemment les chantiers d’insertion, mais aussi la manufacture Metis, à Étupes, qui a remis en état de marche d’anciens métiers à tisser. Il imagine déjà façonner des projets avec cette manufacture. On ne finit jamais de remettre l’ouvrage sur le métier.
Une longue histoire industrielle
« Avant la Révolution, il existe très peu d’ateliers ou de filatures dans le territoire de Belfort. L’essentiel du travail textile est effectué à domicile par des fileuses et tisserands qui utilisent des machines à bras afin de produire du fil ou des pièces de tissu », indique la note historique dédiée à cette industrie. L’industrie textile s’installe véritablement au début du XIXe siècle. La société Bornèque installe par exemple à Danjoutin en 1810 une entreprise de tissage de coton. « En 1845, cette entreprise demande la transformation d’un moulin en tissage mécanique pour s’appuyer sur la force motrice de l’eau. La société Boigeol, installée à Giromagny, possède une filature de 1500 broches implantée sur le site d’anciens moulins ; en 1845, elle achète la papèterie de Lepuix-Gy pour y développer un tissage. Les premières machines à vapeur seront mises en service par les tissages Koechlin de Rougement-le-Château », indique également cette note. Des industries venant de Mulhouse, comme Dolfus-Mieg, s’installent après la signature du traité de Francfort (1971), dans la même dynamique que la société alsacienne de construction mécanique (SACM), l’ancêtre d’Alstom. « On dénombre une retorderie de fil, deux teintureries, trois filatures, un tissage de feutre et trois tissages de coton », peut-on lire dans cette note historique, qui glisse que ces installations « profite à la zone urbaine de Belfort ».