Belfort s’inquiète en attendant les prochaines décisions du géant américain General Electric (GE), un des plus gros employeurs de la région dans ses deux usines locales mais qui traverse actuellement de sérieuses turbulences.
« Tout le monde attend, on ne sait pas ce qui va se passer », résume Philippe Petitcolin, délégué syndical CFE-CGC et secrétaire adjoint du CE de General Electric-Energie production France. Dans ses deux usines, à Belfort et à Bourogne, petite commune voisine, GE emploie au total 4 400 salariés. Il s’agit d’un des premiers employeurs du nord de la Franche-Comté, juste derrière l’usine PSA de Sochaux et loin devant Alstom, depuis l’absorption de sa branche énergie. Sur les deux sites, on craint une mauvaise nouvelle imminente, peut-être dès l’annonce des résultats trimestriels, fin octobre. « On ne voit pas comment passer à travers », poursuit Philippe Petitcolin, les plus pessimistes allant même jusqu’à évoquer la fermeture pure et simple du site de Belfort. « La fermeture du site de Bourogne semblait actée avant les vacances. Aujourd’hui, on n’en entend plus parler », témoigne un bon connaisseur du dossier. « Est-ce que c’est parce qu’elle est écartée ou parce qu’elle est déjà acquise ? On ne sait pas. Ce qui est sûr, c’est que Belfort a été épargné jusqu’à présent en raison de l’accord lié au rachat d’Alstom. Mais le 31 décembre, il arrivera à son terme… »
« En train de crever »
Du côté des sous-traitants, c’est la même attente inquiète, d’autant que certains subissent déjà les conséquences du plan d’économies décidé par John Flannery lors de son arrivée à la tête de GE. Leurs commandes ont été gelées du jour au lendemain. « Certains sont en train de crever », témoigne Dominique Balduini, sous-traitant lui-même et président du cluster La Vallée de l’Énergie. « Il y a de fait une baisse de 40 % entre 2017 et 2018. Et le problème pour 2019, c’est qu’une quinzaine de sous-traitants majeurs vont souffrir. Ils représentent de 300 à 400 emplois. » GE Belfort se dit conscient des difficultés rencontrées par ses sous-traitants, mais un représentant rappelle que les effectifs ont augmenté à Belfort ces dernières années : « Nous étions 4 100 personnes lors de l’acquisition et nous sommes 4 400 actuellement. » Cependant, il ne cache pas que GE doit faire face à une baisse du marché : « Il y a eu une réorganisation globale de GE Power au plan mondial, avec 12 000 personnes touchées hors France », souligne-t-il. « Le marché est passé de 46 à 30 gigawatts. On s’inquiète sur le fait que cette évolution soit structurelle. Cette baisse de charge se fait au bénéfice des énergies renouvelables. » En attendant que le couperet tombe, les milieux économiques évoquent déjà un “après”, qui passe par la diversification : soit celle du site de GE lui-même, soit celle de cette terre industrielle. Certains sous-traitants se sont déjà tournés vers l’aéronautique, les techniques de fabrication des turbines de centrales étant parfaitement transférables à ce secteur.
« Centre mondial d’intégration »
L’idée de créer une filière hydrogène à Belfort fait également son chemin. L’université de technologie de Belfort-Montbéliard (UTBM) abrite un laboratoire de recherche spécialisé dans le domaine qui a déjà donné naissance à plusieurs start-ups. La filière pourrait intégrer PSA et des sous-traitants automobiles comme Faurecia. Philippe Petitcolin mise sur une diversification du site de GE Belfort : « On est le seul site au monde où tous les métiers et sous-métiers sont présents. Nous avons des compétences dans le gaz, le charbon, le nucléaire, l’après-vente, ce qui nous donne une très grande flexibilité. Et nous avons deux gros métiers : la production des turbines, mais aussi l’intégration. Les turbines ne sont pas conçues à Belfort, mais on conçoit toute l’intégration de la centrale. On pourrait être un centre mondial d’intégration. » GE a annoncé en décembre la suppression de 12 000 emplois dans le monde dans sa branche Energie (GE Power) en raison du ralentissement du marché de l’énergie. Et le géant américain, affecté récemment par la révélation de problèmes sur son dernier modèle de turbine à gaz, a vu son action chuter à son plus bas niveau depuis 2009 à Wall Street.
(AVEC AFP)