Le restaurant inter-entreprises La Découverte, au Techn’Hom, va fermer ses porter le 20 octobre, sur décision de son gestionnaire Elior. Ce lundi matin, la dizaine de salariés du site s’est mis en grève pour dénoncer le traitement qu’il leur ait réservé. Elior évoque de graves difficultés économiques et un manque de soutien local. Et la date de fermeture apparaît presque comme un ultimatum.
Le restaurant inter-entreprises La Découverte, au Techn’Hom, va fermer ses portes le 20 octobre, sur décision de son gestionnaire Elior. Ce lundi matin, la dizaine de salariés du site s’est mise en grève pour dénoncer le traitement qui leur est réservé. Elior évoque de graves difficultés économiques et un manque de soutien local. Et la date de fermeture apparaît presque comme un ultimatum.
Il est 11 h 45. Les premiers clients se pressent devant le restaurant La Découverte, au cœur des usines General Electric et Alstom, au Techn’Hom, rue de la Découverte, à Belfort. Des salariés du restaurant leur annoncent qu’il est fermé ce lundi midi et distribuent un tract. On y lit : « Contre la fermeture du restaurant ! Après le désarroi… la colère. » La dizaine de salariés de l’établissement, géré par le groupe mondial de la restauration collective Elior, a appris le matin-même que le restaurant serait fermé à partir du 20 octobre.
« [La date de fermeture], c’est la seule chose qu’on sait », s’agace l’une des salariées devant l’établissement ; les grévistes ont été rejoints par une vingtaine de membres de la CGT, de l’union départementale, de General Electric ou encore d’Alstom. « C’est inhumain », dénonce-t-on en chœur. « On tombe des nues », poursuit Isabelle, 39 ans de boutique. « J’ai un crédit, souffle Khadija. Comment va-t-on faire ? » C’est le flou. « Ce qui me fait bondir, ce sont les manières de voyous qu’a la direction d’Elior de traiter les salariés », s’indigne Christian Gallotte, de l’union départementale du Territoire de Belfort de la CGT, ancien responsable du restaurant. Ils font « fi de la vie de famille ».
« Raisons économiques »
Au Techn’Hom, la restauration collective est gérée par l’association des utilisateurs du restaurant inter-entreprises (AURIE). Elle est à but non lucratif. Elle fait le lien entre les prestataires et les entreprises ou les comités d’entreprise, qui prennent plus ou moins en charge les repas des salariés. Il y a deux restaurants sur le Techn’Hom : La Découverte, gérée par Elior, à proximité immédiate des usines General Electric ; et Les Comptoirs de l’Étang, géré par Cezam, non loin du FC Lab et de l’UTBM, sur les anciens sites de Bull.
Le 9 septembre, les salariés d’Elior ont appris que l’établissement allait fermé « pour raisons économiques », rapportent les salariés. À la direction du groupe, à La Défense, à Paris, on rappelle les pertes énormes enregistrées par le restaurant ces dernières années. On replace aussi la hausse des prix des matières premières, de 14 %, et la revalorisation salariale de 7 % de la branche glisse une cadre de l’entreprise. Elior gère en France 10 300 restaurants et points de vente, emploie 42 500 employés et nourrit 1,1 million de convives chaque jour précise le groupe.
La crise sanitaire a également profondément bouleversé les habitudes de travail, en installant le télé-travail comme une règle. Selon nos informations, les deux restaurants inter-entreprises du Techn’Hom – La Découverte et Les Comptoirs de l’Étang – accueillaient plus d’un millier de personnes chaque jour avant la crise sanitaire. Aujourd’hui, c’est entre 500 et 600. « Mais cela marche en dent de scie », remarque un observateur avisé du dossier. Il y a beaucoup de monde le mardi et le jeudi, mais beaucoup moins le lundi, mercredi et vendredi. Il faut donc des restaurants capables à la fois de servir 400 repas un jour et 150 le lendemain. À cela s’ajoute une diminution du nombre de salariés sur le site du Techn’Hom. Pour ne prendre que les principales entités de General Electric, le nombre de salariés est passé de 3 700 à 2 800 entre 2014 et 2021 (lire notre article).
« Nous sommes bien désolé [de la situation] », confie Patrick Soulayres, le président d’AURIE. « Nous avons tout à perdre », ajoute-t-il. Car avec un restaurant qui ferme, c’est une solution pour manger à moindre coût qui file. Et c’est la nécessité d’aller plus loin, à l’autre bout du Techn’Hom, pour manger, à 1,9 km, pour une partie des salariés.
Elior perçoit 1,5 million d’euros en 10 ans
Selon nos informations, Elior a bien écrit à AURIE pour leur signifier « qu’ils arrêtaient leur contrat d’exploitation », confirme-t-on au Trois. « C’est leur décision », ajoute une source bien au fait du dossier. « On a été pris de cours », avoue AURIE. « Nous alertons sur nos difficultés depuis le début de l’année », rétorque une source proche de la direction d’Elior. Entre les lignes, Elior dénonce aussi une concurrence déloyale… Selon cette même source, cette situation de fermeture conduit à privilégier la concurrence. « Les gens vont bien aller manger quelque part, souffle-t-on chez Elior. « Il n’y a pas eu de prise de responsabilité [localement] », regrette un proche de la direction, qui rappelle, que normalement, dans le métier, on fonctionne par appel d’offre et que lorsque l’on en gagne un, « on reprend les salariés ». Les salariés du restaurant La Découverte se sont justement rapprochés des Comptoirs de l’Étang pour savoir ce qu’il en était et qu’aucune reprise des salariés n’est prévue.
Une source proche du dossier confirme par ailleurs qu’Elior à demander à AURIE « de compenser les déficits ». Mais l’association n’a pas de trésorerie, rappelle-t-on. Elle ne collecte que les abonnements des entreprises aux services de restauration et refacture les parts des entreprises pour le compte d’Elior ou de Cezam, en fonction de leur participation au repas du salarié. Pour comprendre cette demande d’Elior, il faut remonter en 2010. Jusque-là, le restaurant est géré par le comité inter-entreprises des 3-Chênes. Le choix est fait de faire appel à un prestataire. Les salariés d’alors dépendaient d’un contrat lié à Alstom « bien plus favorable que les salaires pratiqués dans la restauration », explique un connaisseur du secteur. La CIE propose alors d’indemniser Elior. Pendant 10 ans, il verse mensuellement un dédommagement pour garantir « une partie des salaires Elior des ex-Alstom », rappelle le tract des salariés. Sur 10 ans, ce sont 1,5 million d’euros qui ont été versés à Elior confirme-t-on au Trois. Ce contrat a pris fin en 2020. « Elior a même tenté de conserver ce versement, rappelle un fin connaisseur du dossier. Mais un contrat, c’est un contrat. » Pendant le covid-19, Elior a aussi été soutenu par le CIE 3-Chêne confie cette même source. « Et ils ont touché des aides de l’État », s’agace encore une salariée, qui ne veut pas les plaindre.
« Que font-ils de nous ? »
Le restaurant La Découverte est installé dans un bâtiment appartenant à la société d’économie mixte Tandem, qui le loue à AURIE, et qui est spécialisé dans l’immobilier d’entreprise ; elle gère le parc immobilier du Techn’Hom. « Pour ce qui concerne la recherche d’une solution alternative, nous pourrons, si besoin, y réfléchir avec AURIE qui est en lien avec ses entreprises et les CE adhérents, indique Tandem, qui n’a pas de lien contractuel avec Elior. Cela va nécessiter un peu de temps et sans doute quelques études pour concevoir une réponse qui soit adaptée aux attentes des entreprises et des salariés. »
Devant le restaurant, ce lundi matin, Christian Gallotte dénonce « les mensonges » de la direction d’Elior. « Le mépris d’Élior envers ses équipes et ses clients doit être combattu », tance encore le tract distribué aux clients, surpris de la décision. Ce document rappelle que le groupe de restauration collective a déjà supprimé cinq emplois en 2021, justement « pour pérenniser le site », rappelle une salariée, écœurée. La direction confirme de son côté qu’elle doit rencontrer les salariés ce mardi 20 septembre. Des salariés qui sont au cœur d’un imbroglio. Et qui se demandent, encore et toujours : « Que font-ils de nous ? »