(AFP)
“Ici, ce sont des essais confidentiels”, dit en souriant, et en fermant la porte, David Bouquain, directeur adjoint du FC Lab, au cours d’une visite proposée dans le cadre du forum Hydrogen business for climate, organisé à Belfort début octobre. Derrière la porte, un industriel teste une pile à combustible, un vecteur qui permet de transformer l’hydrogène en électricité.
L’État investit massivement dans cette technologie afin de décarboner l’industrie et les transports. D’ici à 2030, il doit investir 7,2 milliards d’euros pour atteindre 6,5 gigawatts de capacité de production, soit la production de 600 kilotonnes par an d’hydrogène décarboné.
Le FC Lab est une unité d’appui et de recherche autour des systèmes hydrogène énergie, qui regroupe plus de 150 chercheurs et associe établissements d’enseignement supérieur et laboratoires de recherche. Il est né en 1999 sous l’impulsion de Jean-Pierre Chevènement, alors ministre de l’Intérieur, et Claude Allègre, ministre de l’Education nationale, de la Recherche et de la Technologie.
Vecteur
Jean-Pierre Chevènement, lui-même ancien député de Belfort, était convaincu de l’importance d’une “liaison” entre la recherche et l’industrie et se remémore le colloque national de la recherche et de la technologie qu’il organisa en janvier 1982. L’homme d’Etat, âgé de 84 ans, reconnaît auprès de l’AFP que “beaucoup d’entreprises étaient réticentes”.
Dès le début, le FC Lab est donc orienté vers une logique “appliquée”, insiste Marie-Cécile Péra, actuelle directrice et professeure des universités en génie électrique à l’Université de Franche-Comté.
L’idée de travailler sur la pile à combustible est retenue rapidement : “Nous savions très bien qu’un jour il y aurait un problème avec le développement des énergies intermittentes” – comme le solaire ou l’éolien, dont la disponibilité peut varier – explique Jean-Pierre Chevènement. Il fallait donc un vecteur. C’est la fonction de l’hydrogène et de la pile à combustible. Aujourd’hui, le laboratoire travaille aussi sur l’électrolyseur, qui transforme l’électricité en hydrogène et permet donc de “stocker” et de transporter le courant.
“Le FC Lab est le plus important laboratoire européen sur les systèmes dédiés à l’hydrogène énergie”, reprend Marie-Cécile Péra. La plateforme, accessible aujourd’hui aux entreprises, propose 600 m2 consacrés aux tests, dont 16 bancs d’essai, pour un spectre de puissance allant de 500 W à 150 kilowatts. “Il n’y a qu’ici qu’on a ces niveaux de puissance”, certifie la directrice. “Nous avons le même degré d’exigence pour une prestation industrielle que pour les activités de recherche.”
"École nationale de l'hydrogène"
La structure travaille avec une quinzaine de PME et une dizaine de grands groupes. Elle a collaboré avec le producteur de piles à combustibles français Symbio, co-entreprise de Michelin et de Forvia, dans laquelle Stellantis a récemment investi.
“Les industriels viennent avec un problème”, explique Marie-Cécile Péra, et le FC Lab les accompagne pendant une période de six à 18 mois, pour lever “un verrou technologique”. “Le FC Lab est le chaînon manquant dans le transfert des compétences de recherche vers l’industrie.”
Cette recherche est aujourd’hui “le terreau” de la filière hydrogène résume Marie-Guite Dufay, présidente socialiste du Conseil régional Bourgogne-Franche-Comté. Dans une même “stratégie d’anticipation”, la collectivité va répondre à un appel à projets de l’État pour obtenir le label “École nationale de l’hydrogène”.
Ce label reconnaît l’organisation d’une filière de compétences et de formation. “On ne peut pas avoir une ambition en matière d’hydrogène si, en même temps, on n’anticipe pas les besoins en matière de compétences”, défend la présidente. La Région veut proposer une offre de formation “du demandeur d’emploi à l’ingénieur”, en passant par “la formation continue”. L’enjeu, comme l’a rappelé à la rentrée la filière hydrogène française : pourvoir 100 000 emplois en 2030.