Le marché des voitures d’occasion s’était très bien repris depuis le printemps, revenant presque au niveau exceptionnel de l’année 2019, mais les professionnels craignent que le reconfinement ne remette le marché au point mort.
Taimaz SZIRNIKS – AFP
Le marché des voitures d’occasion s’était très bien repris depuis le printemps, revenant presque au niveau exceptionnel de l’année 2019, mais les professionnels craignent que le reconfinement ne remette le marché au point mort.
Il s’est vendu en octobre 583 207 véhicules d’occasion, soit 3,4 fois plus que de véhicules neufs, dans la foulée d’une forte reprise depuis le premier confinement avec +27,5% en juin, +19,7% en septembre ou +9,9% en octobre. Plus de la moitié des ventes d’occasion s’effectuent entre particuliers, contre un gros tiers pour les professionnels et 10% d’importations: le marché a donc été moins affecté par les mesures sanitaires que celui du neuf, fortement ralenti par la fermeture des concessions automobiles.
En octobre, l’occasion avait quasiment retrouvé des volumes comparables aux dix premiers mois de 2019 (-4,7%), tandis que le neuf en restait très loin (-27%). Sur Leboncoin, qui affiche 90% des annonces de voitures d’occasion en France, l’effondrement était si impressionnant au printemps que L’Argus (propriété du site depuis 2019) avait décidé de suspendre ses cotes pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale.
Depuis, “il y a une demande très forte des particuliers”, avec +6% de pages consultées en octobre 2020 par rapport à octobre 2019, a indiqué à l’AFP Olivier Flavier, directeur général du groupe Argus. Comme d’habitude, les acheteurs cliquent davantage sur les voitures de marque allemande, mais les véhicules les plus vendus sont, dans l’ordre, des Renault, Peugeot et Citroën. Sur la plate-forme Carventura, qui met en relation des particuliers après expertise, “la voiture emblématique en sortie de confinement était la Peugeot 2008”, un SUV, souligne son fondateur Frédéric Lecroart.
Ralentissement à prévoir
Pour autant, chez les professionnels, l’ambiance n’est pas à la fête. “Sans reconfinement, on aurait récupéré ce qu’on avait perdu en mars-avril”, estime Olivier Flavier. Depuis le vendredi 30 octobre, Leboncoin constate une légère baisse du nombre d’annonces déposées, mais le nombre de vues reste identique. “On est dans une situation un peu différente: en mars-avril il y a eu un coup d’arrêt brutal et on n’était pas préparés”, souligne le directeur de L’Argus. “Les ventes entre particuliers pourraient chuter parce que les déplacements ne sont pas autorisés au-delà d’un kilomètre, même si certains acheteurs sont prêts à attendre pour avoir leur achat”.
Les professionnels, de leur côté, s’organisent de mieux en mieux pour effectuer des ventes à distance. Mais les concessions restent fermées au public, accueillant le public uniquement pour les livraisons. “Il n’est pas sûr que cela puisse suffire pour évaluer un véhicule d’occasion”, souligne Vincent Hancart, directeur Général de la plateforme AutoScout24 en France, dans un communiqué. “Cela devrait dans tous les cas profiter aux jeunes occasions, où le risque est plus limité”. “Les showrooms sont fermés! Cela peut reprendre à la réouverture des concessions”, souligne Marc Bruschet, du Conseil national des professions de l’automobile (CNPA). “Cela dépendra du contexte sanitaire et du climat des concessions”.
“Aujourd’hui, les ventes avec livraison représentent déjà un quart des ventes, contre 4 à 5% avant le premier confinement”, souligne Frédéric Lecroart de Carventura. “On était dans une logique où on voulait essayer la voiture avant de l’acheter”. Mais les automobilistes auront-ils envie de changer de voiture alors que la leur ne bouge pas du parking? “Un changement de voiture correspond presque toujours à un changement de vie: un enfant, un mariage”, philosophe Frédéric Lecroart. “Le Covid freine ces changements de vie, ça aura a priori une conséquence sur le marché.”
Très jeunes et très vieux véhicules,
les chouchous du marché de l'occasion
Sur Internet et dans les concessions, deux types de véhicules se sont arrachés entre les deux confinements, reflétant “la fracture sociale française”, souligne Marc Bruschet, du Conseil national des professions de l’automobile (CNPA). Les ventes de vieux véhicules de plus de 15 ans ont connu “une inflation soutenue” (+17,3% par rapport à octobre 2019). “Ils procurent pour un coût modique une solution individuelle de mobilité”, constate M. Bruschet, surtout en ces temps de pandémie, avec une “profonde défiance des Français envers les transports en commun, renforcée par les protocoles sanitaires mis en place dans les entreprises”.
À l’autre bout du spectre, les occasions de moins de deux ans, chères mais option alternative à l’achat d’un véhicule neuf, se sont bien vendues cet été, selon les chiffres du cabinet C Ways. Les concessionnaires ont notamment écoulé beaucoup de véhicules de démonstration, éligibles jusqu’en juillet à la prime à la conversion. On constate maintenant une pénurie de voitures récentes, selon la plate-forme AutoScout24. “Au moment du départ en vacances, les Français se sont bien rendus compte qu’ils ne partiraient pas à l’étranger”, analyse Marc Bruschet. “Ils ont fait entretenir leur véhicule ou ont pris un véhicule plus récent”. Les véhicules de deux à cinq ans se vendent extrêmement bien depuis le printemps (+17,7 % en octobre), mais l’offre diminue. Les loueurs longue durée, principaux fournisseurs de cette catégorie, “ont vraisemblablement constaté ou anticipent une augmentation des défaillances d’entreprises, et donc d’impayés à court terme”, analyse M. Bruschet. Ils ont donc prolongé les contrats, plutôt que de renouveler leur flotte de véhicules. Sur la plate-forme Carventura, qui met en relation des particuliers après expertise, son fondateur Frédéric Lecroart a relevé le succès de la Peugeot 2008, un SUV, à la sortie du confinement.
“Notre clientèle voulait s’évader, mettre les valises dans un grand coffre et partir. Surtout en région parisienne où les SUV compacts représentaient presque 60% des ventes”, souligne-t-il. Sur cette plate-forme lancée en 2018, “on a vu une nouvelle clientèle qui achetait plutôt des véhicules neufs” et qui cherche des véhicules d’occasion très récents, explique M. Lecroart. “Certains gèrent leur budget, mais certains nous disent aussi acheter “tout d’occasion” par conviction.” Comme d’habitude, les acheteurs cliquent davantage sur les voitures de marque allemande sur Leboncoin. Mais les véhicules les plus vendus en octobre 2020 sont, dans l’ordre, des Renault (20,2 %), Peugeot (11,83 %) et Citroën (11,53 %). La Peugeot 208, renouvelée il y a peu, est en forte croissance. En matière de motorisations, le diesel reste prédominant (57 % du marché), mais l’essence progresse (+2,7 %), tandis que les hybrides et les électriques pointent le bout de leur nez (2,5 % du marché). “L’offre s’est vraiment développée depuis début 2020, il est encore trop tôt pour avoir un impact significatif des véhicules électrifiés sur le marché de l’occasion. Ce sera plutôt pour 2021 et surtout pour 2022”, prévoit Marc Bruschet.