Ce sont des métiers peu connus de l’univers d’Arabelle solutions, entité du groupe EDF rachetée en 2024 à General Electric (lire nos articles) qui conçoit, fabrique et installe des turbines à vapeur Arabelle ainsi que des alternateurs pour les centrales. Ces métiers sont portés par Arabelle services, en charge de la maintenance, de la réparation, du remplacement voire de l’installation et de la mise en service des éléments du groupe turbo-alternateur (turbine, alternateur, échangeurs de chaleur…) des centrales nucléaires. Ce sont ces éléments clés qui permettent de transformer l’énergie thermique générée par la fission nucléaire en énergie électrique.
Cette filiale comprend 620 personnes, dont près de 200 collaborateurs sont des itinérants qui assurent ces chantiers dans les centrales, informe la CFE-CGC. En France ou à l’étranger. Pour des missions de quelques jours ou de quelques mois. Ces itinérants interviennent ainsi lors des arrêts de tranche (arrêt d’un réacteur nucléaire), programmé par EDF pour l’entretien.
« Nous menons les chantiers en salle des machines dans les centrales nucléaires », explique Raphaël Mahaut, délégué syndical CGT, chef de chantier alternateur. Ces salles des machines sont directement connectées aux réacteurs. C’est ici que sont installées les turbines et les alternateurs et que circulent l’eau pressurisée à très haute température, dans des kilomètres de canalisation. Les salles des machines sont elles-mêmes connectées au réseau électrique. Arabelle services intervient notamment sur tout le parc nucléaire français et s’occupe autant des premières générations de ces centrales (les 900 MW) que des plus récentes ; des équipes participent, par exemple, à la mise en route de la nouvelle unité de Flamanville (Manche).
Grève très suivie chez les itinérants
Selon les syndicats CGT et CFE-CGC, l’entité a été redressée par l’Urssaf. Chez les itinérants, la rémunération comprend des primes et indemnités. « Certaines dépassaient les limites de l’Urssaf, replace Philippe Lambeaux, délégué syndical CFE-CGC. Et elles apparaissaient comme des avantages en nature non justifiés. » Une situation qui a provoqué le redressement. Il a été décidé de tout remettre à plat, tout en ayant la volonté de revoir « le référentiel des itinérants », dixit Philippe Lambeaux, qui datait d’une vingtaine d’années. « Nous voulions voir s’il fallait adapter, faire des évolutions, tout en écoutant les doléances des itinérants », poursuit-il.
La nouvelle proposition de la direction a entraîné une grève, débutée le 10 juillet. « Sur 100 % des personnes qui sont dans les centrales en France aujourd’hui (hors international et vacances), il y a entre 80 et 90 % de grévistes », estime Raphaël Mahaut, délégué syndical CGT et chef de projet alternateur. La CFE-CGC confirme « une grève très suivie » chez les itinérants, sans donner plus de chiffres. « Il touche notamment à la prime incommodité », s’indigne Raphaël Mahaut, qui rappelle les conditions de travail difficiles : chaleur très forte dans la salle des machines ; bruit ; vibration ; graisse… Surtout, les missions impliquent un fort éloignement de son domicile, pour plusieurs semaines.
« Double peine »
Car au-delà de primes, ce sont des avantages qui sont remis en question, notamment des aides relatives à cet éloignement et au défraiement des trajets pour rentrer le week-end chez soi. Normalement, lorsque les salariés sont en mission à moins de 250 kilomètres de chez eux, ils ont des aides pour pouvoir rentrer toutes les deux semaines. Entre 250 et 400 km, c’est possible d’être aidé pour rentrer toutes les trois semaines et au-dessus de 400 kilomètres, c’est possible toutes les 4 semaines. « On ne rentre pas souvent chez nous », replace Raphaël Mahaut, soulignant ainsi toutes les difficultés que cela implique dans la gestion de la vie de famille. Avant, il y avait aussi une aide pour financer le gîte d’accueil, même quand ils rentraient le week-end. C’est remis en question regrette Raphaël Mahaut, qui fait ce métier depuis 23 ans. « Si on veut rentrer chez nous, il faut tout payer de notre poche », dénonce-t-il. Le temps de trajets est aussi moins avantageux liste encore le délégué syndical CGT. Il a le sentiment « d’une double peine ». Raphaël Mahaut demande « de ne pas toucher aux acquis » et réclame « une prime d’éloignement », ainsi « qu’une réévaluation du forfait grand déplacement ».
Un premier protocole d’accord de sortie de crise a été présenté ce week-end aux organisations syndicales. Une prime d’éloignement a été donnée par la direction, à hauteur de 15 euros, indique la CFE-CGC. « Globalement, c’est l’équivalent d’un 14e mois », note Philippe Lambeaux. Cela ne satisfait pas la CGT. « Nous avons à peine récupéré nos acquis », critique Raphaël Mahaut. La CGT (2e organisation syndicale) n’a pas signé. Elle veut continuer la grève. Si la CFE-CGC (1re représentation syndicale de l’entreprise) et la CFDT (3e organisation syndicale) ont signé ce protocole de sortie de grève, cela ne signifie pas « la fin des négociations », pondère Philippe Lambeaux. D’autres sujets sont à redéfinir, notamment autour des temps de voyage.
Sollicitée, Arabelle solutions a répondu au Trois ce vendredi, avant la signature du protocole de sortie de grève, ce lundi matin. « Nous avons pour objectif de trouver une solution, par le biais d’un dialogue constructif, qui garantisse le succès futur de nos collaborateurs et de l’entreprise », a indiqué un porte-parole de l’entreprise.
Selon la CFE-CGC, cette entité indépendante qu’est Arabelle Services sera totalement intégrée à Arabelle Solutions d’ici la fin de l’année.