“On nous a pris pour des fous”: avec ses montres haut de gamme qui ambitionnent une fabrication “100% française” pour son dernier modèle, la jeune entreprise mulhousienne Apose entend contribuer au “renouveau” de l’horlogerie hexagonale.
Damien Stroka et Angela Schnaebele – AFP
“On nous a pris pour des fous”: avec ses montres haut de gamme qui ambitionnent une fabrication “100% française” pour son dernier modèle, la jeune entreprise mulhousienne Apose entend contribuer au “renouveau” de l’horlogerie hexagonale.
“Au départ, quand on a dit qu’on voulait fabriquer tout en France, ou majoritairement France, on ne nous a pas crus”, confie Didier Finck, 36 ans, cofondateur de la PME avec Ludovic Zussa, 38 ans. “Fabriquer en France est complexe”, abonde ce dernier, la plupart des acteurs hexagonaux de la filière opérant en effet pour l’industrie horlogère suisse, référence en la matière.
Pour le mouvement, l’ensemble des pièces qui font fonctionner la montre, ils ont noué un partenariat avec Péquignet, unique maison horlogère de l’Hexagone à fabriquer son propre mécanisme. Basée dans le berceau de l’horlogerie française, à Morteau dans le Doubs, cette manufacture de luxe leur a proposé son calibre EPM03. Mais sur les 180 composants de celui-ci, 28% sont toutefois créés en Suisse. “Certaines compétences n’existent plus en France”, notamment “depuis les années 70 avec l’arrivée du quartz”, explique Dani Royer, président de Pequignet, entreprise de 22 salariés qui produit également ses propres montres avec “un maximum” de composants français depuis 50 ans. Il salue l’approche d’Apose, qui “permet d’accroître la visibilité de la vrai horlogerie française”.
"Horlogerie française de qualité"
“On est très peu nombreux à suivre cette démarche et plus il y aura ce genre de démarche, plus il y aura des possibilités pour réindustrialiser tous les types de composants (du mouvement) en France”, estime-t-il. “Il faut garder l’espoir de récréer une horlogerie française de qualité.” Pour les deux entrepreneurs alsaciens, l’idée de lancer leur propre marque prend forme alors qu’ils travaillent chez le géant horloger suisse Swatch. Didier Finck est dans le design, Ludovic Zussa du côté industriel.
“Dès le début, notre but, c’était de montrer qu’on pouvait faire une montre 100% en France”, insiste M. Finck. “On voulait aussi proposer une autre façon de lire l’heure, on ne voulait par exemple pas charger les cadrans”, mais des montres sobres et épurées, “avec une “patte” très française”, complète Ludovic Zussa. Après deux emprunts bancaires de 120 000 et 130 000 euros glanés auprès d’investisseurs, Apose commercialise fin 2020 sa première production, la N°3.
Chaque montre est assemblée à la main par Romain Thiriet, l’horloger d’Apose, dans les locaux de la marque à Mulhouse (Haut-Rhin). “Le challenge est vraiment particulier avec Apose”, explique M. Thiriet, 27 ans et également responsable technique de la jeune PME. Celui qui fabriquait auparavant des montres sur mesure ambitionne lui aussi de “contribuer au renouveau de l’horlogerie française”. Le passage à une montre de fabrication française fut long et complexe. En Suisse ou en Asie, “deux ou trois fournisseurs peuvent “vous faire la route””, explique Ludovic Zussa. Mais en France, c’est compliqué : par exemple, “il n’y a plus de fabriquant de cadrans” depuis 2000, ce qui nous a “obligés à passer par quatre fournisseurs”.
Longchamp pour les bracelets
“Environ une année” a été nécessaire “pour créer un pool de fournisseurs” exclusivement français, faire les prototypes et les valider. Au total, une quinzaine de fournisseurs participent au projet d’Apose, dont la maison Longchamp qui lui réserve ses chutes de cuir pour confectionner les bracelets.
Le résultat ? La N°3-100, proposée depuis avril en série limitée de 200 exemplaires à 2.250 euros. Le made in France “a un coût”, souligne le président de Péquignet. “On ne peut pas acheter une montre 50 euros et s’attendre à ce qu’elle soit fabriquée en France.” Une logique que les acheteurs comprennent de plus en plus, notamment depuis la pandémie de Covid, selon M. Royer.
Pour la suite, la jeune entreprise ambitionne d’ici 2024 d’embaucher “une dizaine” de personnes. “On est fier de prouver que l’horlogerie française n’est pas morte et qu’on a pu faire en un an et demi une montre 100% française”, la seule du marché, poursuit le designer. “On espère que d’autres vont nous suivre.”