« Derrière le tout est beau, tout est rose, il y a une autre réalité », lance Loïc Gatipon, secrétaire départemental de Solidaires Finances Publiques 90. Alors que la campagne déclarative de l’impôt sur le revenu bat son plein, il décrit, dans un communiqué, les conditions actuelles imposées à tous les agents en France. À ses yeux, la façade d’un service efficace cache une réalité bien plus tendue sur le terrain. Et il s’appuie sur des chiffres publiques pour étayer son propos.
Depuis la création de la DGFIP en 2008, les effectifs nationaux ont chuté de plus de 30 000 équivalents temps plein, passant de 125 500 à 92 562 agents prévus en 2025, soit une baisse de 25 %. Et la tendance ne s’arrête pas là : entre 2009 et 2022, les coupes ont suivi un rythme annuel moyen de 2,2 %, soit environ 2 300 postes supprimés chaque année. Pas une seule année n’a échappé à cette logique (voir ici).
Certains services ont été plus affectés que d’autres. Les effectifs consacrés à la fiscalité des PME ont reculé de 43,5 %, ceux dédiés à la gestion financière du secteur public local de 30,5 %, et la fiscalité des particuliers de 17,1 %. Le rythme ne ralentit pas : 550 suppressions de postes sont encore prévues en 2025, dans le cadre d’un plan de 3 000 ETP en moins d’ici 2027 (lire ici).
Cette politique de réduction des effectifs n’est pas nouvelle. Elle s’inscrit dans une stratégie d’économies budgétaires assumée par l’État, comme le souligne un rapport de la Cour des comptes de 2018. Dix ans après la fusion de la direction générale des impôts (DGI) et de la direction générale de la comptabilité publique (DGCP), les magistrats financiers constatent que la DGFIP a « subi une réduction notable et continue de ses moyens », contribuant « pour une bonne part à la démarche de maîtrise des dépenses de l’État ».
Des conséquences concrètes, même à l’échelle locale
Selon les données d’AEF info, entre 2009 et 2016, les effectifs de la DGFIP ont diminué de 17 %, à un rythme de 2 % par an. Une baisse bien plus marquée que celle des ministères économiques et financiers (-9 %), ou de l’ensemble des ministères (-3,6 %). Ce qui fait de la DGFIP, selon la Cour, un « bon élève budgétaire ».
Dans le Territoire de Belfort, les effets sont moins visibles mais bien réels. « En local, cela représente trois emplois en moins chaque année environ. Ce n’est pas spectaculaire, mais tout cumulé, cela fait 30 % en moins d’effectifs en 17 ans », explique Loïc Gatipon. Ce recul progressif pèse particulièrement durant la campagne déclarative, jugée « tonique » par le syndicat. « On met en avant la qualité de l’accueil mais on supprime des emplois chaque année. »
Ces réductions inquiètent les agents, notamment pour les publics les plus en difficulté. « Les personnes âgées ont besoin de lien, les primo-déclarants ont besoin d’être accompagnés. » Pour y remédier, l’État s’appuie désormais sur les maisons France Services. « C’est une bonne chose, mais ce n’est pas la même qualité de service. 25 % des questions qu’ils reçoivent concernent les impôts. » Un agent de la DGFIP se rend dans ces structures une fois par semaine, mais cela reste insuffisant, estime le syndicat. « Ce dispositif permet de cocher la case de la proximité, alors qu’on a fermé les antennes locales de la trésorerie un peu partout. Et notamment dans le Territoire de Belfort. » Aujourd’hui, seule celle de Delle subsiste.
Les agents doivent se démultiplier entre accueil physique, appui aux maisons France Services, et gestion de nouveaux services comme « Gérer mes biens immobiliers », explique-t-il. « Les collègues sont démoralisés, craignent de ne pas y arriver », confie Loïc Gatipon.
Plus d’embauches
En 2023, 2,5 millions de contribuables ont fréquenté un guichet de la DGFIP pendant la campagne déclarative. Le service a aussi enregistré 13 millions d’appels sur la même période, selon les chiffres du syndicat. À Belfort, les horaires ont été étendus pour mieux répondre à la demande des usagers (lire notre article). Une initiative saluée, mais coûteuse humainement. « À Solidaires, nous sommes pour l’ouverture maximale, mais rajoutons des agents. Arrêtons les économies à tout va. »
La logique d’économie budgétaire, va jusqu’aux outils de base, relate le secrétaire. Le guide fiscal imprimé, longtemps indispensable à chaque agent, est désormais « distribué au compte-goutte ». « Cette année, seuls 13 exemplaires ont été envoyés dans le département. Avant, chacun en avait un sous le bras. Tout est numérisé, certes, mais ce n’est pas pareil. »
Pour le syndicat, ces coupes ont des conséquences directes sur la qualité du service. « On dit que tout est fluide, mais c’est la catastrophe derrière. La qualité des réponses en pâtit car il faut aller vite, les agents sont moins formés. » Ce que revendique Solidaires, c’est un renforcement du service public : « On veut que les collègues soient formés, bien rémunérés, qu’ils puissent travailler dans de bonnes conditions. On veut développer le plus possible le service public, avec du recrutement. Car le service public, c’est le seul service de ceux qui n’ont rien. »