Nommé à la tête du groupe mercredi 28 mai (lire ici), Antonio Filosa s’est rendu, dès ce même jour, dans l’usine sochalienne. Une visite confirmée par la direction à l’AFP, au cours de laquelle le nouveau dirigeant a rencontré une partie des équipes, parcouru les ateliers de production et visité le musée de l’Aventure Peugeot. Le geste n’est pas anodin : après deux décennies passées principalement sur le continent américain, notamment à la tête de la branche sud-américaine de Fiat Chrysler, l’ingénieur italo-brésilien de 51 ans doit désormais prendre les rênes des 14 marques du groupe Stellantis, avec une implantation stratégique en Europe.
Cette première visite a été globalement bien accueillie par les syndicats locaux, alors même que le nouveau dirigeant n’a pas encore rencontré les organisations syndicales. À commencer par la CFE-CGC. Pour Laurent Oechsel, délégué syndical central du syndicat des cadres, il s’agit d’« une vraie bonne nouvelle » qui confirme l’importance stratégique de Sochaux. « Cela montre dès le début sa volonté de s’ouvrir vers la France, contrairement à ce qui a pu être dit », commente-t-il. Il rappelle que l’usine a « toujours été mise en avance sur les produits et les investissements ».
Même constat du côté de Force Ouvrière. Pour Thierry Giroux, délégué syndical FO, « le passage par Sochaux dès le premier jour est un bon marqueur. Il voulait voir la maison mère et s’acquérir de la culture. » Il ajoute : « Il semble ouvert et semble vouloir travailler avec les partenaires sociaux. Il a l’air de remettre le client et l’humain au cœur de la stratégie. »
Des attentes précises
Au-delà du symbole, les syndicats attendent désormais les annonces et le cap fixé par Antonio Filosa. La CFE-CGC a rapidement formulé ses exigences dans un communiqué publié le 28 mai, le jour même de la visite. Le syndicat demande « un management plus ouvert », une « meilleure répartition des richesses » et « une stratégie industrielle durable et inclusive ». Il appelle à sortir de la logique de réduction des coûts, à « redresser les ventes, notamment en Europe et en Amérique du Nord » et à « restaurer l’image de marque ternie par les scandales qualité ».
La CFE-CGC insiste également sur la nécessité de préserver les sites industriels en France et en Europe et réclame un dialogue social renforcé, notamment autour des salaires. « La CFE-CGC attend du nouveau CEO qu’il rompe avec la gestion autoritaire et centrée sur la réduction des coûts de l’ère Tavares. » Elle renouvelle sa demande de présentation rapide d’un plan stratégique actualisé : « la release de Dare Forward 2030 », intégrant « des investissements pour l’avenir ».
La CFDT veut replacer l’humain au cœur du projet
La CFDT se montre, elle aussi, attentive à la suite. Par la voix de son délégué syndical central, Benoît Vernier, elle dit accueillir « avec satisfaction » la nomination du nouveau dirigeant. « La fin de cette période de transition était attendue avec impatience », déclare-t-il. Le syndicat attend maintenant « un plan stratégique clair s’adaptant à la spécificité des différents marchés mondiaux tout en assurant une transition écologique juste ».
Mais surtout, la CFDT appelle à une « nouvelle impulsion de politique sociale remettant l’humain et les salariés au cœur des préoccupations ». Elle évoque ses priorités : conditions de travail, préservation des emplois et des compétences, égalité professionnelle, éthique, renouvellement générationnel. Et prévient : « Il ne faut pas sacrifier les salariés sur l’autel de la rentabilité. » Pour le syndicat, un « meilleur équilibre entre performance sociale et performance économique » doit être trouvé.
Antonio Filosa prendra pleinement ses fonctions le 23 juin, mais la CFDT assure être déjà « prête à engager le dialogue social avec ce nouveau CEO pour préparer l’avenir AVEC les salariés du groupe ».
FO : inquiétudes sur l’emploi
Chez Force Ouvrière, le ton est plus mesuré. « Pour le moment, nous sommes dans l’attente. On va payer pour voir », explique Thierry Giroux. Si certains signes sont jugés encourageants, les interrogations demeurent nombreuses, notamment sur l’emploi. Le syndicaliste alerte sur la pyramide des âges : « La dernière vague d’embauche date de 1987-89. Désormais, il y a une attrition naturelle et je ne sais pas comment on va faire pour faire des voitures d’ici quatre à cinq ans si on n’embauche pas plus. »
FO espère également que le nouveau dirigeant « mette fin aux inquiétudes » sur la recherche et développement, et confirme la vocation industrielle de Belchamp. Mais une réserve importante persiste quant au profil du nouveau dirigeant : « La crainte de FO reste son orientation américo-latine. Ce ne sera plus la même gestion, il va devoir composer avec les 14 marques. »
La CGT ne cache pas sa défiance
Quant à la CGT, elle ne masque pas son scepticisme. « Pour quelqu’un qui veut dialoguer, il n’a rencontré personne », grince Jérôme Boussard, délégué syndical CGT, à propos de la visite de mercredi. Pour lui, « on n’attend pas grand-chose du personnage. Un requin en chasse un autre. On n’a plus confiance. Il a une mission : relancer la marque, et cela se fera à moindre coût, ce qui n’est jamais bon pour les conditions ouvrières. »
La CGT avance néanmoins des revendications concrètes si Antonio Filosa veut prouver sa volonté de rupture avec l’ère Tavares : « Ne pas fermer les sites de Poissy et Douvrin, embaucher les intérimaires et augmenter les salaires de 400 euros. »