Thibault Quartier – AFP
D’un côté, une chaîne de production classique, avec ses robots, ses cages ou encore ses robots collaboratifs autonomes de transport. Les deux tiers de l’usine produisent des échappements, activité historique amenée logiquement à ralentir avec la fin du moteur thermique. Sur le tiers restant, Forvia lance une production en petite série de réservoirs à hydrogène. L’usine est modulaire: au fur et à mesure de l’évolution de ces deux marchés, la proportion entre les deux activités sera amenée à changer.
L’équipementier, qui rassemble Faurecia, ex-filiale de Peugeot-Citroën, et l’Allemand Hella, a engagé sa bascule vers l’hydrogène en 2016, bien avant les plans massifs approuvés en 2020 et 2021. Pour son patron Patrick Koller, les modes de transport à l’hydrogène seront moins chers que la batterie électrique avant 2030. “Les applications sont faciles à mettre en oeuvre”, expliquait M. Koller début 2023 à des journalistes, “mais il faut d’abord l’infrastructure pour produire de l’hydrogène en masse et pour pas cher”.
Utilitaires et poids lourds
Avec ses réservoirs, Forvia vise directement le marché des véhicules utilitaires légers et des poids lourds. Avec l’hydrogène, on retrouve le “même confort” et les mêmes “facilités” que les véhicules équipés d’un moteur thermique, en matière d’autonomie et de temps d’usage, assure Yves Dumoulin, en charge de l’activité hydrogène au sein de Forvia. L’entreprise travaille notamment pour Stellantis et Hyvia, coentreprise entre Renault et Plug Power.
Forvia a également créé une coentreprise ad hoc avec Michelin, Symbio, qui fabrique des “stacks”, éléments essentiels des piles à combustible. Le virage s’inscrit dans la stratégie de Forvia de réduire de 90% d’ici 2045 ses émissions de gaz à effet de serre, sur toute sa chaîne de valeur, par rapport à 2019, en compensant le reste pour atteindre “zéro émissions nettes”, selon son plan validé par la Science-Based Target initiative (SBTi), un label de référence. Les émissions dites indirectes, telles que celles liées au plastique, à l’acier et autres matériaux, représentent la très grande majorité de l’empreinte carbone du groupe.
Mais Forvia, comme tout le secteur, veut aussi réduire ses émissions directes, et donc sa consommation d’énergie: l’usine, inaugurée en 2021, dispose de 2.000 m2 de panneaux photovoltaïques et d’un réseau de chaleur alimenté par de la biomasse, et elle recycle la chaleur dégagée par les machines.
Formation en interne
Dans l’atelier d’Allenjoie, le directeur du site Franck Sarazin montre la pièce où sont façonnés les réservoirs qui accueilleront l’hydrogène, sous forme gazeuse et compressée à 700 bars. Le réservoir est un cylindre en matière composite, autour duquel s’enroulent plusieurs kilomètres de fibres de carbone et de fibres de verre. “Cela fonctionne comme un métier à tisser”, décrit Franck Sarazin. Chaque unité emporte 1,5 kilo d’hydrogène, de quoi faire environ 150 kilomètres. Chaque véhicule sera équipé de plusieurs de ces petits réservoirs, qui alimentent une batterie et un moteur électriques.
Faurecia reste cependant très discret sur les volumes produits actuellement, simplement “adapté à la demande actuelle de nos clients”, selon le service communication. En fonction des besoins, chaque salarié reçoit une formation dispensée par un institut créé en interne: “On forme de l’opérateur jusqu’au directeur”, précise le directeur du site. M. Sarazin estime que 10% des effectifs ont déjà basculé vers l’hydrogène. Plus largement, la baisse des effectifs dans l’entité ces dernières années est plutôt liée au ralentissement de la filière automobile qu’à la transition technologique. Cette transition est soutenue à hauteur de 213 millions d’euros par l’État, dans le cadre du Projet important d’intérêt européen commun (PIIEC) sur l’hydrogène. C’était l’une des 15 premières entreprises françaises retenues dans le dispositif en juillet 2022, avec son concurrent Plastic Omnium, qui doit inaugurer sa propre usine de réservoirs dans l’Oise en septembre.
Les ventes de Forvia progressent, l'équipementier rehausse ses objectifs
Les ventes de l’équipementier automobile Forvia ont fortement progressé (+21,3%) au premier semestre 2023 par rapport à l’an dernier, grâce au rétablissement du marché automobile mondial, a annoncé le jeudi le groupe, qui a revu ses objectifs à la hausse. Le résultat opérationnel de Forvia a lui bondi de 69,6%, à 675 millions d’euros. Le secteur a été porté par “une demande soutenue et une amélioration progressive de l’offre de semi-conducteurs”, a indiqué le directeur général du groupe Patrick Koller, cité dans le communiqué. Au premier semestre, les ventes de véhicules dans le monde ont atteint 43,3 millions d’unités, en hausse de 11,2%. Forvia a donc revu à la hausse son hypothèse de ventes de voiture dans le monde en 2023 à 86 millions d’unités contre une estimation de 82 millions auparavant. Le septième équipementier automobile mondial a donc relevé ses objectifs en améliorant sa prévision de chiffre d’affaires pour 2023 à entre 26,5 et 27,5 milliards d’euros, 1,3 milliard d’euros de plus qu’auparavant. Même chose pour la marge opérationnelle qui devrait se situer entre 5,2 et 6,2% contre une estimation située entre 5 et 6% précédemment. Forvia a également enregistré un niveau de commandes élevé au premier semestre, à 15 milliards d’euros. La moitié de ces commandes concernent l’activité véhicule électrique et “inclut un contrat important remporté avec un grand constructeur de voitures électriques américain et l’obtention d’un marché prometteur dans le système de stockage d’hydrogène”, indique le groupe dans son communiqué. Forvia (sièges, planches de bord, électronique, éclairage, dépollution) a également annoncé avoir renforcé son partenariat avec le constructeur de voitures électriques chinois BYD, avec la construction d’une usine d’assemblage de sièges en Thaïlande. Le chiffre d’affaire de l’équipementier a bondi de 25,2% en Asie – la plus forte hausse parmi toutes les régions du monde. Le groupe, qui rassemble le français Faurecia et l’allemand Hella, a bénéficié de l’amélioration de l’offre des semi-conducteurs. “Nous faisons face à un nombre de difficultés et une durée des difficultés qui se réduisent”, a salué le directeur financier Olivier Durand, tout en reconnaissant que le problème majeur restait l’inflation. Ces bonnes performances permettent à Forvia d’accélérer son désendettement avec un ratio dette sur Ebitda (excédent brut d’exploitation) de 2,4 contre 3,1 un an auparavant. Forvia souhaite ramener ce ratio à 1,5 d’ici 2025, soit un ratio identique à celui de Faurecia avant le rachat de Hella. “Nos résultats sont en ligne avec notre plan de marche”, a assuré Olivier Durand.