« On se décide, enfin, à communiquer avec le soutien du conseil d’administration. Jean-Paul Roland (directeur du festival) et moi-même sommes viscéralement attachés aux valeurs du festival que sont la tolérance, le respect et la diversité », a déclaré Matthieu Pigasse lors d’une conférence de presse organisée ce dimanche après-midi.
Freeze Corleone, régulièrement accusé d’antisémitisme et d’homophobie, mais jamais condamné pour ses textes, a vu plusieurs de ses concerts annulés ces derniers mois à Lille, Lyon ou Nantes. Une décision préfectorale a fait interdire son concert aux Eurockéennes de Belfort ce dimanche 6 juillet. Une décision validée par le tribunal administratif de Besançon vendredi.
« Nous condamnons les propos d’incitation à la haine, les propos racistes et antisémites. Ceci étant dit, cette décision porte atteinte à la liberté fondamentale, la liberté d’expression, de création et de programmation. Interdire un concert, c’est interdire à chacun de penser, de débattre, de ressentir », a poursuivi le président.
Le préfet du Territoire de Belfort, Alain Charrier, a pris sa décision « à partir d’un positionnement d’une personnalité d’extrême droite, qu’on ne peut que déplorer », selon Matthieu Pigasse. Il a insisté : « Freeze Corleone n’a jamais été condamné, jamais de troubles à l’ordre public pendant ses concerts. »
L’homme d’affaires souligne l’inédit de la situation : « Jamais en 35 ans d’existence, un concert n’avait été interdit. Jamais. Et derrière, aucun concert n’a jamais été interdit dans un festival. » Il martèle : « Aucun des concerts de Freeze Corleone n’avait donné lieu à des troubles publics. »
Un précédent pour les autres festivals
En rappelant que le festival a déjà accueilli des artistes controversés comme NTM, Pigasse insiste : « À chaque fois, on a insisté sur l’ambiance particulière du festival. La paix a toujours prévalu. » Il évoque les émeutes de 2023 : « On nous a demandé, à Matignon, d’arrêter le festival. Autre temps, autres mœurs, avec l’ancien préfet, nous avions décidé de le maintenir et il n’y a eu aucune violence. Ce festival, c’est un temps suspendu en dehors de la violence. »
Très critique envers le représentant de l’État, il dénonce : « Cette interdiction politique est annonciatrice de séries. Je le déplore, pour le futur de la culture. »
Jean-Paul Roland, directeur du festival, a précisé que plusieurs précautions avaient été prises pour accueillir Freeze Corleone, notamment un contrat incluant une clause comportementale : « Il y avait une clause particulière qui mentionnait qu’aucun propos condamnable ne devait être diffusé. On avait demandé la liste des chansons et des paroles en entier. »
Il met en garde contre un précédent inquiétant : « La question risque de se poser pour des confrères et des consœurs. » Il évoque aussi des tentatives d’annulation (qui n’ont pas de lien avec la préfecture) pour une autre performance du festival : « Il y a eu des pressions pour faire interdire la prestation de la Comédie Française rendant hommage à Serge Gainsbourg car ce n’est pas un personnage à diffuser. »
Matthieu Pigasse a aussi regretté le positionnement du juge des référés de Besançon : « Il a considéré que dans un festival regroupant 50 concerts, ce n’était, citant ses mots, “pas grave” d’interdire un artiste. Il a oublié que c’est constitutif d’une censure, c’est inacceptable. » Avant de conclure sur le préfet : « Il a un problème avec la culture. J’ai coutume de dire que les Eurockéennes est l’un des plus beaux festivals du monde. Le préfet qui n’est jamais venu ne le savait peut-être pas. » Les organisateurs se réservent le droit « d’aller au fond » devant le tribunal administratif. La préfecture, sollicitée, ne souhaite pas réagir.

Une édition record
Malgré la polémique, le festival a attiré 130 000 spectateurs sur quatre jours, signant la deuxième plus grande édition de son histoire. « Iron Maiden a été un grand moment, avec une communion avec le public que j’ai rarement vue », a salué Kem Lalot, programmateur du festival. Il a aussi tenu à défendre le groupe controversé Kneecap, également ciblé par la préfecture : « Ils ont joué à Glastonbury, le plus gros festival du monde, sans aucun problème. »
Autre fait marquant de cette 35e édition : un record d’affluence de personnes en situation de handicap, avec 1 500 festivaliers concernés, dont 600 pour la seule journée de jeudi, où Iron Maiden se produisait.
Les Eurockéennes reviendront du 2 au 5 juillet 2026.