Par Hélène DUVIGNEAU, avec les bureaux régionaux de l’AFP
Avec seulement trois petites semaines pour s’organiser depuis la dissolution surprise de l’Assemblée nationale, les plus grandes communes alertent sur une pénurie généralisée d’assesseurs. Selon le code électoral, au moins deux assesseurs bénévoles doivent être présents le jour du vote pour faire émarger les électeurs ou tenir l’urne, en plus d’un président, chargé de la police du bureau et souvent un élu.
Un secrétaire, en général recruté parmi les agents municipaux et rémunéré, est lui plus particulièrement chargé de rédiger le procès verbal. “Certaines communes manquent encore cruellement d’assesseurs”, confirme Murielle Fabre, secrétaire générale de l’Association des maires de France (AMF). Le surcroît de participation attendu et de possibles inscriptions “de dernière minute” qui pourraient être imposées par un tribunal ne contribuent pas non plus selon elle à la sérénité des élus.
A Bures-sur-Yvette (Essonne), 9.200 habitants, cinq assesseurs manquent au dernier pointage pour le premier tour, douze pour le second. “Je fais feu de tout bois, j’appelle les gens que je connais et je commence chaque réunion de quartier en demandant aux gens s’ils sont disponibles pour aider”, témoigne le maire Jean-François Vigier (UDI). “On galère vraiment. Dans les villages où il n’y a souvent qu’un bureau, le maire et ses deux adjoints suffisent, mais nous avons 45 conseillers municipaux pour 35 bureaux et nous ne pouvons pas tout couvrir”, abonde Brice Rabaste, maire de Chelles (Seine-et-Marne), 54.000 habitants.
C’est d’autant plus compliqué que “le mois de juin concentre les événements, mariages, communions, et que les gens partent en vacances”, poursuit l’élu LR. Historiquement, partis et candidats dépêchaient une armée d’assesseurs, mais la source s’est tarie avec le déclin des grandes structures partisanes.
"Usant"
“C’est un vrai changement, les partis politiques n’ont plus de réservoirs militants et les candidats n’ont pas d’équipe ni de sympathisants”, reconnaît Gil Avérous, maire (ex-LR) de Châteauroux, jugeant “particulièrement usant” le travail de recrutement et de constitution des plannings. Pour trouver 1.024 personnes dans ses 256 bureaux de vote, Nice a mis la main à la poche, d’autant que les candidats déclarés n’ont désigné que “104 personnes”.
La ville a même lancé un “appel à candidatures” sur son site internet, où elle détaille les indemnités: 190 euros brut la journée pour un assesseur, 210 pour un secrétaire, 230 pour un président. Une disposition interdite par le code électoral mais que la ville justifie par le risque de voir les opérations de vote des bureaux carencés “totalement annulées”. Si le nombre d’assesseurs est inférieur à deux, le code électoral prévoit pourtant la désignation d’électeurs présents et “sachant lire et écrire le français”.
“Des personnes qui ne sont pas désignées par les candidats ou les partis politiques peuvent assurer ces fonctions sous le régime des vacations”, argumente la ville dans un communiqué, assurant que “cette organisation très ancienne (…) n’a jamais fait l’objet d’une remarque du service des élections de la préfecture”.
À Besançon, 119.000 habitants, la mairie écologiste rémunèrera aussi dimanche 175 euros brut les 68 étudiants recrutés en CDD comme “secrétaires adjoints”. Au total, elle déboursera 45.000 euros en frais de personnel rien que pour le premier tour. “Sans cela, nous n’aurions pas pu ouvrir une dizaine de bureaux et puis ça remet de la jeunesse dans les bureaux”, observe Elise Aebischer, adjointe à la maire Anne Vignot. Cette dernière avait écrit en vain en décembre au ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin pour tenter de faire évoluer la législation vers une rémunération des assesseurs.
“Certaines villes n’auront pas les moyens de payer et il y a un risque de rémunérer des militants”, alerte Gil Avérous. Selon Jean-Pierre Camby, professeur de droit constitutionnel à l’université de Versailles Saint-Quentin, “les assesseurs sont une fonction totalement bénévole et n’importe quel électeur pourra exciper d’une composition illégale du bureau, saisir la préfecture ou le magistrat chargé du contrôle”. Il rappelle aussi que “s’il s’agit de masquer une absence pour vacances d’un conseiller municipal, ce dernier sera destitué d’office parce qu’il ne peut pas refuser de participer, sans excuse valable, à un bureau de vote”.