14 années d'étude des publics
[ 1 200 festivaliers ont été interviewés sur le terrain. Puis une deuxième vague a été conduite par emailing adressé aux acheteurs des billets (c’est la première fois que l’enquête en ligne était réalisée) : 4 200 personnes ont répondu. Les données ont été croisées et redressées à l’aide de différentes statistiques issues de la billetterie 2024.
L’étude a été menée par Emmanuel Négrier, directeur de recherche au CNRS en science politique, sociologue et membre du Centre d’études politiques et sociales (Cepel); Julien Audemard, docteur en science politique et chercheur au Cepel. Aurélien Djakouane, sociologue; Stéphane Laurent, chercheur associé; et des étudiantes de l’IUT nord Franche-Comté.
Elle permet de voir le profil sociologique des festivaliers, la façon dont ils pratiquent le festival et le perçoivent. Cela fait 14 années que l’étude d’observation des publics est réalisée. ]
Un public plus féminin
Amorcée depuis une décennie, la féminisation du public des Eurockéennes s’affirme comme une tendance durable. Ce phénomène touche également les équipes du festival et la scène musicale. Les femmes représentent désormais 53% du public contre 46% en 2017.
Un public plus âgé
Bien que les jeunes continuent de représenter une part importante des festivaliers, notamment dans les primo-festivaliers, on observe un vieillissement progressif du public. On parle, pour le moment, d’un vieillissement « modéré », expliquent les chercheurs. L’une des explications ? « Le festival fidélise davantage ses publics et participe à garder avec lui un public plus mature qui, d’une certaine manière, reste attaché à « son » festival et vieillit avec lui », lit-on dans l’étude.
En conséquence, les actifs ont une place très importante dans le festival. Les populations lycéennes et étudiantes, dont on avait observé le retour en 2017, sont à nouveau moins présentes. Ces actifs, en grande partie, appartiennent à la classe moyenne. « Leur part est plus importante que dans d’autres festivals », notent les chercheurs lors de la restitution.
Un public régional
Lors de cette édition 2024, 23% des festivaliers étaient de Belfort. 66% venaient de la région Bourgogne-Franche-Comté. Comment l’expliquer ? Il y a un contexte « post-pandémique », « économique », qui fait que les festivaliers ne vont plus loin pour des événements culturels. Il y a aussi des « facteurs structurels ». « Le public se relocalise, car il y a des festivals partout en France ». 7 300, au total. « Le rapport a changé par rapport à il y a 20 ans », note le sociologue Emmanuel Négrier.
Les jeunes adultes et adolescents dominent le premier cercle d’influence, tandis que les actifs des classes moyennes prennent le relai au-delà du Territoire de Belfort. Pour autant, il faut savoir que les publics extraterritoriaux ont toujours été « ultra minoritaires », relève l’étude.
Un public qui sort peu et qui vient moins longtemps
Les « Eurockéens », le public du festival, bien qu’actifs culturellement, ne sont pas des habitués des sorties culturelles, en dehors des concerts. Ils sortent plus que la moyenne des Français. Sans toutefois qu’on puisse les qualifier de familiers des sorties culturelles. « Il s’agit avant tout d’un public de la musique et des sorties au concert. Un public pour lequel les sorties sont rares et précieuses, et qui fait de la venue aux Eurockéennes probablement un point d’orgue », lit-on dans cette étude.
Quant au nombre moyen de jours passés au festival, il a chuté, passant de 3 jours en 2017 à 2 jours en 2024, tout comme le nombre de concerts suivis, qui est passé de 10 à 6.
Un public qui vient pour l’ambiance et la programmation
Les motivations restent les mêmes au fil des années : la programmation (16% des personnes interrogées l’évoquent et 80% se disent satisfaits de la programmation), l’ambiance du festival (16%) et faire la fête entre amis (15%). C’est d’ailleurs la forme majoritaire d’accompagnement pour venir aux Eurockéennes (52% viennent entre amis), tandis que 23% et 16% des publics déclarent respectivement être venus en couple ou en famille (19% et 11% en 2017).
La proximité géographique aux Eurockéennes est un motif plus fréquemment avancé qu’auparavant comme motivation pour venir, par 14% des personnes interrogées.
Un public… plus en attente de blockbusters ?
Sur scène, lors de la restitution de l’étude, le jeudi 22 octobre, Jean-Paul Roland, directeur du festival, a relevé un changement de comportement face à la programmation de la part de la génération Z (personnes nées entre la fin des années 1990 et le début des années 2010). « On s’aperçoit que la génération Z est attirée par les blockbusters, qui font d’habitude des stades. Nous devons faire avec et continuer de créer l’événement chaque année. Avoir une locomotive. Nous sommes obligés de continuer à étonner les gens. »