Loéva Claverie
1. Des voyages rocambolesques
Essentiel pour le festival, le rôle des runners (lire ci-dessous) est cependant loin de s’arrêter aux portes du site du Malsaucy. Ces conducteurs bénévoles effectuent régulièrement des trajets de plusieurs dizaines voire centaines de kilomètres pour transporter leurs passagers à leurs hôtels ou à un aéroport. Le trajet le plus long de Xavier Bailleux, runner depuis la première édition ? Ce coup-là, j’ai fait du midi-minuit. » Dont une partie sans GPS, puisqu’il ne fonctionne plus passé la frontière suisse. À l’inverse, son trajet le plus court fut de 70 mètres, « de la grande scène à une loge ». « Le bassiste de ZZ Top voulait voir un match de foot. »
Les longs trajets de cette ampleur sont devenus rares, aujourd’hui. Les voyages sont une occasion pour les runners de faire des rencontres et d’échanger avec leurs passagers. « C’est aussi notre rôle de mettre les personnes en confiance et de leur faire découvrir la région, explique Xavier Bailleux. Je ne vous raconterai pas mon pire voyage, qui était avec un groupe français. Mais par exemple, le meilleur voyage que j’ai vécu était avec un groupe mexicain. On se racontait des anecdotes, on n’a pas arrêté de rigoler pendant tout le trajet. »
En face de lui, Yann Faivre complète : « Quand les personnes discutent, on en profite pour faire la promotion de la région. On leur présente le Lion de Belfort, on parle des festivals comme Rencontres & Racines et le Fimu. On insiste sur l’importance de cet événement et sa gratuité. »
2. Caprices de managers
Lorsque les voyages s’avèrent compliqués, ce n’est pas forcément à cause des artistes ! « Ce ne sont pas tellement des caprices de stars, plus des caprices de managers », sourit Yann Faivre. « Une fois, pour un groupe, le manager était là à nous dire comment se garer, au millimètre près, et comment avancer avec la voiture pour que les artistes ne croisent personne. Alors que les gars n’en avaient rien à secouer, il y en a un qui est rentré à pied. »
3. Complications avec Pete Doherty
Mais il arrive que des artistes posent problème et compliquent le travail des runners. Ce fut le cas de Pete Doherty, en 2009. « Je devais le conduire lui et son manager jusqu’à l’hôtel Atria à Belfort après son concert, se souvient Xavier Bailleux. Il ne devait y avoir que trois personnes dans la voiture avec moi. On s’est retrouvés à sept au total. Il avait ramené des danseuses, d’autres personnes… »
« Il est turbulent, ajoute Yann Faivre. Pour rester poli. Il est amateur de produits illicites et réputé pour ses frasques. » « Il est ingérable, reprend Xavier Bailleux. On devait l’emmener à l’aéroport le lendemain. Quand on est arrivés à l’Atria, tout le parvis et l’intérieur de l’hôtel étaient recouverts de bouteilles de bières. On a mis une heure à le réveiller. Il s’est juste levé pour aller à la voiture, s’est écroulé dedans et on ne l’a pas entendu de tout le voyage. »
4. Voyage avec Die spitz
Heureusement, « la plupart des artistes sont super cools, on arrive à faire connaissance », relativise Yann Faivre.
Pour Xavier Bailleux, le dernier bon voyage ne date pas plus tard que ce vendredi 3 juillet 2025. Le groupe féminin Die Spitz, qui devait se produire sur la scène de la Loggia, a finalement été décalé sur la grande scène. Xavier Bailleux devait les ramener ensuite à la fin de leur concert. « Je suis tombé amoureux », déclare-t-il avec un sourire béat. Autour de lui, ses collègues se moquent gentiment. « Là, pour ce groupe il faisait tout : bagagiste, portier… », rigole Yann Faivre. « C’était comme un départ en vacances en famille avec quatre filles… Il y avait une sacrée quantité de bagages, s’amuse Xavier Bailleux en sortant son téléphone pour montrer la photo qu’il a faite du coffre rempli. Quand on est runner, il faut une formation à Tetris. »
Qu'est-ce qu'un runner ?
Au volant d’imposantes voitures noires aux vitres teintées, des hommes et les femmes jouent un rôle essentiel dans la dynamique du festival : ils « courent ». Au nombre de trente-huit, les runners (coureurs en anglais) sont chargés de véhiculer pendant quatre jours mécènes, chauffeurs de bus, personnel technique, agents, managers… mais surtout principalement les artistes. Ce système a été mis en place en 2009 et repose sur du bénévolat. Les personnes sélectionnées ont posé des jours pour pouvoir s’investir dans le festival.