Séraphin Ahouti est né aux Glacis. Il y a fait ses premiers pas, ses premières rentrées, ses premiers apprentissages. Il y est resté jusqu’au lycée. Aujourd’hui, Séraphin a 33 ans. Il a travaillé plusieurs années dans l’immobilier, plus précisément dans le diagnostic immobilier. Il a monté une société à la JonXion, après la crise du Covid, mais elle n’a pas tenu le choc. Il a également travaillé chez des bailleurs sociaux. Il y travaille toujours, à Dijon. Mais il n’a jamais oublié ses premières punitions : l’écriture. « Quand j’étais en primaire, je m’ennuyais à l’école. Je finissais les exercices avant tout le monde, et j’embêtais mes camarades. Alors ma professeure me punissait en me demandant d’écrire des histoires », raconte-t-il, sourire aux lèvres, lors d’une rencontre le mercredi 15 janvier.
Une punition qui s’est transformée en passion avec le temps. D’abord à travers l’écriture de textes de rap. « Mais il ne faut pas se leurrer, j’étais vraiment nul pour rapper », plaisante-t-il. Cependant, c’est ainsi qu’il a compris comment transmettre des messages, grâce à des textes percutants. Un sujet lui tient particulièrement à cœur dans ses écrits : prévenir la délinquance et ses répercussions. Une délinquance qu’il a côtoyée dans le quartier où il a grandi. Un quartier « dont il est fier », mais où il a remarqué une dégradation des conditions au fil des années. « J’ai pu constater qu’avec le temps, le respect s’est perdu et la délinquance a de moins en moins de limites. » Il s’est également inspiré de séances de soutien scolaire en région parisienne et d’ateliers d’écriture qu’il anime depuis plusieurs années dans des foyers auprès de jeunes.
Alors, il entreprend. Même s’il n’est pas formé dans ce domaine, il écrit un livre. Parti d’en bas !, édité par les éditions Baudelaire au printemps 2024, raconte le parcours d’Eden, un jeune homme ayant grandi dans un quartier. Ambitieux, leader de son groupe d’amis, Eden rêve de devenir avocat, mais se heurte à de mauvaises fréquentations et à la délinquance. « Ce livre est fait pour aider et sensibiliser les jeunes. Leur dire qu’ils peuvent s’en sortir. »
« Ils sont vulnérables »
L’ouvrage aborde plusieurs problématiques, comme le football. « Souvent, dans les quartiers, les jeunes veulent devenir des Mbappé. Et quand ils n’y arrivent pas, ils abandonnent tout. Je veux leur dire, à travers ce livre, qu’il existe d’autres voies. » Il parle également des différences sociales et de la mixité dans les couples, pour montrer que « cela est possible et que la mixité n’est pas un crime ». L’auteur s’inspire de son parcours personnel aux Glacis, des histoires de personnes qu’il a rencontrées à Belfort, et le personnage principal partage de nombreuses similitudes avec lui.
Au-delà de son livre, Séraphin Ahouti souhaite, en 2025, concentrer ses activités professionnelles sur des ateliers d’écriture destinés aux plus jeunes. « Ce sont eux que l’on peut encore conseiller et aider. Ils sont vulnérables. Et dans les quartiers, les mineurs sont les plus exposés et recherchés, car ils n’encourent pas les mêmes peines », explique-t-il. Il travaille à Besançon avec des établissements de placement éducatif et d’insertion, mais aimerait revenir à Belfort, son premier amour, pour développer ce type d’activités auprès des adolescents. « Si le livre et les ateliers peuvent permettre à certains de quitter le mauvais chemin, tant mieux. »
Avec ces jeunes, il organise notamment des ateliers de rap. Pour lui, c’est un outil de communication efficace. « Les jeunes sont plus aptes à s’exprimer via la musique. Cela permet de les accrocher et de transmettre des messages clairs. Le rap a toujours été une musique de revendication, et j’aime l’utiliser avec eux. »
Il souhaite également écrire de nouveaux livres. « Je passe mon temps à écrire. C’est ma passion. Mes notes de téléphone sont remplies de textes regroupant mes réflexions. » Une suite à son livre ? Peut-être pas. Mais il veut continuer à explorer les thématiques liées à la prévention de la délinquance. « Sans être moralisateur, je veux juste aider et sensibiliser différemment sur ces questions », conclut-il.
Le livre est disponible au Chat Borgne, à Belfort, ou sur commande sur internet.