Une petite marche de quelques minutes à peine, sur les hauteurs des Glacis, et voici déjà le fort de la Justice qui s’érige devant les yeux des quelques coureurs ce mercredi midi. Des filets le long des murs de la forteresse protègent les passants de potentielles tombées de pierres. Un passage voûté mène dans la cour intérieure de l’édifice. Là, tas de terres, de ferrailles et de pierres sont soigneusement érigés pour être triés. « On a encore beaucoup de travail, c’est vrai », plaisante Manuel Rivalin, président de l’association les Jardins du Fort. Cette association, il l’a fondé pour ce fort. Pour le voir renaître, vivre, vibrer au rythme d’événements culturels. Choisi par le fonds impact de la Fondation du patrimoine, le fort subit des travaux d’envergure, lancés grâce à une subvention de 240 000 euros (lire notre article). Le projet a emballé. Pour le faire découvrir, Manuel Rivalin se lance dans une visite guidée du fort.
« Si nous avons tellement de choses à trier, c’est parce que le fort était habité dans les années 50, après la guerre.» Ressort de lits, chaussures, gazinières, beaucoup d’objets ont été récupérés. Depuis, le fort est squatté régulièrement pour des fêtes, ce qui cause des dégâts assez récurrents. Côté gauche de la cour, de grands espaces verts, encore sauvages, où poussent des fleurs et des herbes de toutes sortes. « On n’y voit plus rien, mais tout l’espace est balisé pour créer de véritables jardins d’artistes autour du fort. Cela restera dans l’esprit : un jardin non pas à la française, mais quelque chose d’assez sauvage, avec des plantes vivaces qui résistent aux fortes chaleurs. » Le plantage est prévu pour l’automne pour en faire profiter les visiteurs dès le printemps prochain.
Direction l’intérieur du fort, avec toutes ses surprises. Face à la cour, d’immenses espaces voûtés, où trônent déjà les oeuvres de plusieurs artistes. Des étudiants de l’école d’art sont sur place. « C’est un lieu de vie. » L’ambition n’est pas de rénover entièrement le fort. Il est de le sécuriser pour permettre les balades des visiteurs, autour des jardins d’artistes et de plusieurs projets culturels : exposition, démonstration, visite. En ce moment, ce sont les oeuvres de Zélie Noréda, photographe qui sont exposées à l’intérieur et à l’extérieur du fort, notamment connue pour son travail sur les Eurockéennes de Belfort (lire notre article).
Pour rendre ce projet possible, plusieurs chantiers sont en cours : l’aménagement des jardins, le déblaiement de la cour, la sécurisation du passage voûté de l’entrée, la re-création d’un escalier, également. « C’est important qu’on le fasse. Depuis le haut du fort, il y a une vue absolument exceptionnelle, à 360°. »
Le loto du patrimoine dans le viseur
En attendant, les six adhérents actifs des Jardins du Fort et quelques bénévoles actifs, aidés par des étudiants d’école d’art, les scouts encore d’autres associations rénovent peu à peu. Au cour de la balade, Manuel Rivalin désigne un autre passage voûté, assez bas de plafond. « Ici, tout était bouché par de la terre et des pierres. Avec les bénévoles et des pioches, nous avons déblayé le plus gros. » Accroupi, il se dirige vers plusieurs salles du fort. « Ici, il y avait les stockages de poudre. Avec la hauteur sous plafond, il y a de quoi exposer plusieurs oeuvres. » Alors qu’il se dirige vers une autre salle entièrement dans la pénombre, il explique : « J’ai trouvé des lampes torches qui n’éblouissent pas pour que les visiteurs puissent admirer une exposition, qui sera entièrement en noir et blanc. » Dans la salle d’après, un dispositif a été mis en place pour que de la musique se déclenche lorsque les visiteurs entreront.
Sur les pourtours du château, en lisière de forêt, se cachent les oeuvres de Zélie. « On pourra imaginer des sculptures dans les bois, des concerts ou des représentations par ici. On pense aussi à mettre une immense toile tirée en tissu. » . Les idées ne manquent pas.
Mais pour envisager de plus grosses transformations, outre la sécurisation du site et les jardins, il faudra attendre le loto du patrimoine. Le président y a postulé dans le cadre d’un fond attribué à un projet par département. Il attend cette réponse phare pour la fin d’année. Cela permettrait de s’attaquer à l’étanchéité du toit, pour préserver la bâtisse, vieille de 300 ans. Cela pourra aussi permettre la création d’un belvédère pour admirer la vue. À terme, Manuel Rivalin voudrait que le site puisse avoir des visites libres avec l’application de la ceinture fortifiée (voir notre article), avec des panneaux, etc. S’ils gagnent le loto, alors le belvédère sera aussi envisagé. Mais patience. « Avec des projets comme celui-ci, j’ai appris la lenteur. » plaisante-t-il. Une ouverture au public est prévue ce samedi 17 juin mais aussi le 17 septembre, pour les journées du patrimoine.
« Tu feras ça quand tu auras du temps »
Originaire des Vosges, Manuel Rivalin habite depuis 25 ans à Montbéliard. Il est juriste de formation. « Mon travail m’a amené à travailler sur la ceinture fortifiée de Belfort et sur les forts. » Celui-ci le passionne, car il s’agit du moins connu. « Jusqu’en 2020, le fort était muré. Le camp retranché. Ce fort, personne ne le connaît. Pourtant, le patrimoine est superbe entre les jardins, la vue, l’histoire. » En 2020, il décide de fondé cette association après avoir eu le soutien de la mairie durant l’hiver 2019. « C’est devenu un hobby », explique-t-il.