Oublié pendant près d’un siècle, l’atelier de Gustave Courbet (1819-1877), qui recèle ses seules peintures murales, a ouvert au public dans sa ville natale d’Ornans (Doubs) où le musée qui lui est dédié offre en parallèle l’exposition “Un atelier à soi”.
Angela Schnaebele – AFP
Oublié pendant près d’un siècle, l’atelier de Gustave Courbet (1819-1877), qui recèle ses seules peintures murales, a ouvert au public dans sa ville natale d’Ornans (Doubs) où le musée qui lui est dédié offre en parallèle l’exposition “Un atelier à soi”.
“Ces deux peintures ont survécu aux affres du temps, c’est un trésor !” confie le conservateur du musée Courbet, Benjamin Foudral. Les oeuvres intitulées La Seine à Bougival et L’Escaut se jetant dans la mer occupent chacune un bandeau horizontal d’une quinzaine de mètres carrés sur une surface incurvée au niveau du plafond de l’atelier, une grande pièce carrée fermée d’une verrière et peinte en rouge comme à l’époque où l’artiste l’occupait.
Les rives de la Seine et de l’embouchure de l’Escaut qui se jette dans la mer du Nord, en Belgique, “sont des paysages qui lui tenaient à coeur, où il a beaucoup peint”, explique M. Foudral. Au plafond, des hirondelles voletant dans les nuages ont été peintes “probablement par Courbet”, bien que la documentation manque pour l’affirmer de manière catégorique, note le conservateur. De la propriété qui s’étendait jusqu’aux bords de la rivière, l’artiste avait une vue panoramique sur tout le cirque des falaises calcaires de la vallée de la Loue, l’un de ses sujets de prédilection. Le chantre du réalisme a créé son atelier en 1860 à Ornans. Il peignit sur place de nombreux paysages, ainsi que L’Hallali du cerf ou encore Vénus et Psyché.
Un moment patrimonial rare
À sa mort, sa sœur Juliette hérita des lieux et construisit une extension à l’atelier, où elle installa la première salle d’exposition dédiée à son frère. Sans enfant, elle légua ensuite l’ensemble à des amies : elles le vendirent à un négociant en vins, qui utilisa la pièce comme entrepôt. Le Conseil départemental du Doubs racheta l’atelier de Gustave Courbet en 2007 et une minutieuse campagne de restauration fut engagée en 2019.
L’ouverture au public se fait pour l’instant uniquement sur réservation et en visite guidée afin de limiter la jauge et préserver les lieux. À terme, l’atelier, dont les meubles d’époque ont disparu, accueillera des expositions, des ateliers pédagogiques et des résidences d’artistes. “C’est un moment patrimonial très fort car la redécouverte d’un atelier qui concerne un artiste majeur du XIXe siècle, c’est très rare”, relève Benjamin Foudral.
Pour accompagner l’ouverture de l’atelier, le musée Courbet propose jusqu’au 27 mars l’exposition Un atelier à soi. Celle-ci explore la place de cet atelier dans la trajectoire artistique du peintre et, plus largement, l’évolution du rapport entre les artistes contemporains de Courbet et leur espace de travail.
Une soixantaine de prêts
L’exposition, qui bénéficie de plus d’une soixantaine de prêts, présente des portraits d’artistes peints dans leurs ateliers, ainsi que des sculptures, des photographies telles que Gustave Courbet peignant l’Hallali du cerf dans son atelier, par Etienne Carjat, des gravures et des dessins de l’époque. Montrée pour la première fois au public, la sculpture en bronze Le pêcheur aux chabots, réalisée en 1863 par Courbet pour la ville d’Ornans, avant d’être déboulonnée, est exceptionnellement prêtée par ses propriétaires.
Au XIXe siècle, on observe un “changement du statut social des artistes qui vont s’approprier leur espace de création”, observe le conservateur. “Ils vont l’adapter à leurs pratiques et à leur volonté de visibilité. L’atelier reste un lieu de création, mais aussi milieu de sociabilité, de représentation et d’échanges”. “Courbet est symptomatique de cette évolution”, selon l’historien, son fameux tableau intitulé L’Atelier du peintre (1855, musée d’Orsay) “synthétise ce changement en montrant toute la société qui gravite autour de l’artiste”.