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Les Papillon, famille belfortaine des sciences et des armes

La rue Papillon, à Belfort, dans le quartier Brasse (©TQ).

À la croisée entre le savoir et l’armée, la famille belfortaine Papillon est une dynastie atypique. Jordan Lahmar-Martins propose un portrait de cette histoire singulière pour le retour de sa chronique (retrouvez toutes les chroniques de l’Usine à histoires).

Jordan Lahmar-Martins

À la croisée entre le savoir et l’armée, la famille belfortaine Papillon est une dynastie atypique. Jordan Lahmar-Martins propose un portrait de cette histoire singulière pour le retour de sa chronique (retrouvez toutes les chroniques de l’Usine à histoires).

La famille Papillon est originaire d’Orgelet dans le Jura. Au cours du XVIIIe siècle, cette dynastie a connu une ascension progressive. L’une des raisons de ce développement social est que l’un de ses membres, Claude Joseph, a embrassé une carrière militaire. Il devient chirurgien en chef pendant les guerres révolutionnaires et napoléoniennes. Un article paru en 1932 dans la société d’émulation belfortaine évoque sa présence vers 1793 dans la cité du Lion. Cette présence est possible sachant que son premier poste est dans l’armée du Rhin. Cependant, aucune trace historique pour l’heure ne permet de confirmer cette information.

Claude Joseph participe aux guerres d’Italie et d’Espagne. Bonapartiste convaincu, il aurait été nommé maire d’Orgelet pendant les Cent-Jours. Il parvient à se maintenir dans les bonnes grâces du pouvoir au retour de la monarchie. Il effectue des recherches sur le spina bifida dont il rend compte dans un ouvrage de 1804. Il décède en 1821 à Orgelet.

Sabin Papillon, le précurseur

Claude Joseph a plusieurs enfants dont Sabin, qui embrasse la même carrière que son père. Il est né en 1800 à Orgelet. Titulaire d’un doctorat en médecine en 1824, il sert dans le corps de médecine militaire pendant trente ans. En 1832, le jeune royaume de Belgique est attaqué par les Pays-Bas. Les Néerlandais ne reconnaissent pas l’indépendance belge qui était jusqu’à peu une partie de leur territoire. Les Français interviennent pour aider la Belgique et attaquent les troupes néerlandaises. Ces dernières tentent alors de prendre la citadelle d’Anvers. Sabin Papillon fait partie des soldats qui remportent la première victoire française en Europe depuis Waterloo.

Le médecin sillonne ensuite la France entière : Sedan, Perpignan, Bastia ou encore Metz. Tous ces  hôpitaux militaires ont été les témoins de son passage. Sabin sera particulièrement marqué par son passage à l’hôpital militaire de Belfort. En ce lieu, il va devenir chef de service de chirurgie. L’hôpital militaire belfortain est un lieu en déperdition. Depuis trente ans, les autorités se questionnent sur son devenir. L’ancien couvent des Capucins abrite la médecine militaire. Il est plusieurs fois questions de procéder à des rénovations ou des extensions. Sans solution, le statu quo est décidée. Dans ce contexte, Papillon prend son droit à pension en 1852. Doté d’un revenu confortable de deux mille cinq cent francs mensuel, le médecin se retire de l’armée.

Derrière le militaire, une autre figure se dégage. Sabin est un inventeur et un essayiste. Ingénieur autodidacte, il développe en 1853 un astucieux système de bracelet mécanique. Un arbre mécanique permet par exemple de restituer la puissance d’une machine à un autre élément. Ce système présente des inconvénients comme de possibles frottements. Le bracelet de Papillon permet de limiter ces frottements en l’insérant autour de l’arbre. Bien que n’apportant pas de révolution, l’invention assure un confort à ces utilisateurs potentiels. Elle rencontre un certain succès en étant présenté à l’étranger. Des revues publiés en Belgique et dans des états allemands en rapportent l’existence.

Sabin est aussi l’auteur d’une demi-douzaine d’ouvrages. Il évoque des sujets très divers allant de la réorganisation des services de santé militaire aux conditions sanitaires des opérations chirurgicales. Certains de ces ouvrages attirent l’attention des autorités. L’un d’entre eux est consultable aux archives de la Défense nationale. Les conditions de rédaction des ouvrages par Papillon sont assez surprenantes. Aux alentours de 1853, une maladie lui fait perdre la vue. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il quitte l’armée. Il n’en continue pas moins la rédaction,  aidé par des membres de sa famille. Ilest marié depuis 1845 à Juliette Ebneter. Cette jeune femme introduit le chirurgien dans l’aristocratie militaire belfortaine. Elle est la petite-fille du général François-Xavier de Mengaud. Cet officier est l’un des soldats belfortains les plus connus de l’histoire. L’union de Sabin et de Juliette voit la naissance de quatre enfants. Sabin Papillon décède en novembre 1873 à Belfort.

Une rue en honneur à Fernand Papillon à Belfort

Parmi les enfants de Sabin, Fernand, l’ainé, naît en 1847 à Belfort. Il se destine à une carrière de scientifique et de philosophe. Il semble acquérir le goût des sciences en aidant son père à la rédaction de ses ouvrages. Il publie à 16 ans un ouvrage biographique du chimiste alsacien Gerhardt. Fernand se passionne pour les travaux de celui qui contribue à la découverte de l’acide acétylsalicylique.

Fernand Papillon poursuit son œuvre en philosophie. Il intervient également dans la biologie médicale. Les publications se succèdent. Ses travaux attirent l’attention de la communauté scientifique française. Il écrit dans la plus prestigieuse des revues scientifiques : La Revue des Deux mondes. Promis à être un brillant esprit de la Belle Époque, Fernand disparaît à vingt-sept ans. Il est emporté par une péritonite en 1874. 

Au moment de son décès, il travaillait sur un ouvrage de vulgarisation, Histoire de la philosophie moderne, qu’il voulait lui-même comme tout « ce qu’on a pensé depuis Galilée jusqu’à nos jours, mais seulement ce qu’on a pensé de vrai, et l’influence effective de ces vérités philosophiques sur le travail scientifique, les relations permanentes et salutaires de l’esprit philosophique et l’investigation scientifique[i] ». Ce livre sortira sans modification deux ans après son décès.

La vie de Fernand Papillon a fait l’objet de biographies notamment dans le Dictionnaire biographique du Territoire de Belfort. La Ville de Belfort lui a rendu hommage en lui donnant le nom d’une rue située en face de l’ancien hôpital.

Les autres membres de la fratrie Papillon s’engagent dans une carrière militaire ou épousent des militaires. L’un des frères de Fernand, Edgar, commence sa carrière durant un événement marquant de l’histoire belfortaine, le guerre de 1871. Sous les ordres d’Emile Keller, Edgar sert pendant deux mois dans les forces irrégulières. Lorsque l’Alsace est annexée l’année suivante, le jeune homme, encore mineur, s’engage dans l’armée. Il va mener pendant plus de vingt ans, une grande carrière dans l’artillerie où il finira avec le grade de capitaine. Il reste également longtemps membre de la société d’émulation belfortaine. 

Après sa retraite, il va se marier en 1905 à Montbéliard et s’établir plus tard à Besançon. Il décède dans cette ville en août 1941 à l’âge vénérable de 91 ans. Les autres membres de la famille que ce soit des Papillon ou des descendants en ligne féminine connaîtront des carrières similaires. Au moins six parents de cette dynastie vont être décoré de la Légion d’honneur pour leurs exploits militaires.

Entre science et armée, le parcours de cette famille rappelle comment la seconde moitié du XIXe siècle a été marqué par ces deux thématiques. Les progrès scientifiques importants et les guerres successives façonnant le destin de cette famille associée à Belfort.


[i]Lettre du 20 aout 1870, cité dans Notice biographique par LEVEQUE Charles, in Histoire de la philosophie moderne dans ses rapports avec le développement des sciences de la nature, Paris, 1876, p. XXVIII

Sources

Fond Eleonore

Cote LH//2045/34  PAPILLON Claude Joseph

Cote LH//2045/36 PAPILLON Edgar Anatole Julien

 

Etat-civil des villes de Besançon et de Belfort.

Lisa 90

 

Annuaire officiel des officiers de l’armée active, 1845, 1847, 1848, 1850, 1852

Bulletin des lois de la République française, 1853

Journal de médecine et de chirurgie pratiques à l’usage des médecins praticiens · Volume 44, 1872

Le Petit Comtois, 17 août 1941

Moniteur belge, journal officiel, 1854

 

DES CILLEUL Jean-Lambert, CAUX (inconnu), L’hôpital militaire de Belfort in Bulletin de la société d’émulation belfortaine, 1932

HERBELIN Louis, DUBAIL-ROY, Biographie des Anciens Généraux du Territoire de Belfort in  Bulletin de la société d’émulation belfortaine, 1911

PAPILLON Fernand,  Histoire de la philosophie moderne dans ses rapports avec le développement des sciences de la nature, Paris, 1876

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