Pas à pas, Xzena, une rappeuse originaire d’Audincourt, trace son chemin sur la scène musicale française. Music, son single diffusé début novembre sur Youtube, enregistre déjà plus de 93 000 vues.
Pas à pas, Xzena, une rappeuse originaire d’Audincourt, trace son chemin sur la scène musicale française. Music, son single diffusé début novembre sur Youtube, enregistre déjà plus de 93 000 vues. Rencontre avec une femme à la voix authentique. À la plume incisive. Viscéralement attachée à la musique.
Les clichés ont parfois la vie dure. Du rap. Un quartier. Les raccourcis sont rapides. J’ai rencontré Leïla Chekhab, aka* Xzena. Une jeune femme originaire des Champs-Montants, à Audincourt. Une jeune femme adepte de musique urbaine. Et une jeune femme dont on file la parenté avec Diam’s. La voix. L’expression. Tout est là. Mécaniquement, on associe à la vie difficile des quartiers. Au discours contestataire. Et puis, finalement, on écoute ce qu’elle dit. Ce qu’elle chante. Car tout est écrit. Tout résonne dans ses chansons : son histoire ; son mal-être ; sa libération. « J’ai besoin de rapper. Toujours de rapper », scande-t-elle dans son single Music, qui raconte son attachement viscéral à la musique urbaine. « Tu es celle qui m’a fait naître », chante-t-elle en hommage à cette musique qui l’a émancipée. « Tu m’a forgée, telle une guerrière, pour affronter mes démons de minuit ! »
Une battante
« Toute petite, j’étais incomprise, confie Xzena avec ses grands yeux noirs, le regard profond. J’ai toujours été prise d’émotion quand j’écoutais de la musique. » Des enceintes de la brasserie du centre d’Audincourt où nous la rencontrons, résonnent Maître Gim’s. Elle chuchote les paroles. Bat le rythme avec sa tête. La musique, c’est sa vie. C’est en elle. Dès le plus jeune âge, elle manifeste sa volonté de faire du rap. Mais l’extérieur ne comprend pas. « Quand j’avais 9 ans, je savais ce que je voulais faire. C’était rare, mais on me pointait du doigt », souffle-t-elle. On lui dit que ce n’est pas pour elle. La musique, c’est bouché. Elle se renferme. « On ne comprenait pas la relation que j’avais avec la musique, tente d’expliquer la jeune femme. J’étais tellement en amour pour la musique, que j’ai perdu certaines notions, comme l’école. » Elle adorait les cours, notamment le français. Elle affectionne l’histoire, la poésie ou la philosophie. Mais elle est déconnectée. Elle se disperse. « La musique m’a vraiment charmée », susurre-t-elle, long manteau noir sur les épaules, pull rouge à col roulé et basket aux pieds.
Si son amour pour la musique l’a isolée, il l’a aussi émancipée. La musique a été son arme pour s’exprimer. La nuit, elle écrivait. Elle déclarait sa flamme à cette musique qui la faisait vibrer. Même si sa famille aménage dans le centre de la localité du pays de Montbéliard, elle retourne régulièrement aux Champs-Montants. « Je me sentais bien. C’était joyeux. Il y avait un sens du partage. Il n’y avait pas autant de peur. La musique était partout. Quand il y avait une 205, il y avait forcément 30 personnes autour qui se rassemblait. » Elle a choisi de se battre pour vivre son rêve, en le mettant en mots. « Les mots sont plus violents que les coups. C’est à travers les mots que l’on peut créer, allumer ou éteindre quelque chose. C’est l’écriture le plus important », estime la jeune femme, qui n’a pas choisi son blase par hasard. C’est un clin d’œil à l’héroïne de la série télévisée Xena la guerrière, diffusée dans les années 1990. Car Xzena est une battante. Elle a cumulé les p’tits boulots pour payer des séances aux studios, assurer la production de quelques freestyle. « Il faut croire en ses rêves, constate l’élue régionale Salima Inezarene, une proche de la famille. Elle a cru en elle. »
Un départ à Paris
La vie de Leïla a basculé le 22 novembre 2017. Marley Salem, producteur du label Addict music, en licence chez Play Two, qui est attaché à TF1, la repère sur les réseaux sociaux en visionnant une vidéo freestyle. Une vidéo faite dans une 205, dans les bois près de Dasle. « Pour ne pas réveiller les voisins », se souvient avec le sourire Xzena. « Je me suis dit qu’elle avait du talent et qu’elle allait y arriver », se remémore de son côté Marley Salem. Je trouvais qu’elle avait une singularité dans la voix et une ressemblance avec Diam’s. J’ai senti qu’elle avait des choses à raconter. C’est la base d’une artiste. » Il a aimé son authenticité. Sa sincérité. Il a été touché. Il l’a contactée et maintenant il la guide pas à pas dans le monde de la musique. Son clip Music, publié au mois de novembre, a été réalisé par la productrice de Maître Gims. Olivier Cachin, le journaliste spécialiste du rap, lui a dédié un EPK au mois d’octobre (à visionner ci-dessous) ; c’est une vidéo présentant l’artiste, son travail, son univers, son intimité. Discrètement, Xzena perce et met tout le monde d’accord. La reconnaissance arrive tranquillement. Et depuis le mois de novembre, son clip Music passe sur MTV. Maintenant, on l’attend sur une scène du nord Franche-Comté. « De la fenêtre de ma chambre, j’entendais Rencontres & Racines. Je me disais qu’un jour, c’est moi qu’on entendrait… » raconte-t-elle, en se promenant dans le parc de l’espace Japy. Aujourd’hui, la perspective se rapproche. À bon entendeur…
Diam’s, la grande soeur
Le flow de Xzena est fluide. Les paroles acérées. Elles sont tendres et profondes. C’est sensible. Quand elle chante, elle est habitée. Elle transpire la sincérité. Si aujourd’hui, on file la filiation avec Diam’s, la rappeuse a aussi servi de modèle à Xzena. « J’ai aimé sa sensibilité. Je me sentais comprise. Ses messages m’ont rassurée. » La petite banlieusarde, pour reprendre l’un des titres de Diam’s, a bousculé l’univers des musiques urbaines, totalement fermé aux femmes à l’époque. Aujourd’hui, même si elles sont rares, c’est possible. Cet été, le clip sorti par Xzena était intitulé Mélanie ; il rendait justement hommage à Diam’s et à son rôle dans la construction de la jeune artiste. Elle aime IAM ou encore Akhenaton. Mais elle aime aussi Jacques Brel ou Édith Piaf. Elle est sensible aux mots. Elle est sensible à l’émotion qui s’en échappe.
Depuis l’été, son producteur raconte, chanson après chanson, l’histoire de Xzena. Ce fut Mélanie, puis Music, qui raconte cet attachement. La prochaine chanson devrait évoquer sa relation avec la province. « J’explique l’étape où j’ai commencé à rapper et comment les gens me voyait. Puis je raconte mon arrivée à Paris », dévoile Xzena, une fan inconditionnelle de la série Plus belle la vie ; elle aimerait même y jouer ! Aujourd’hui, la jeune artiste comprend son rapport à la musique. L’histoire douloureuse. Mais aussi l’exutoire qu’elle représente. Elle sait gérer. « Je joue avec mon art, je m’éclate et je partage », glisse-t-elle avec un long sourire. Léïla est devenue Xzena. Le chant montant de la musique urbaine.
* As know as… C’est-à-dire « connue comme… »