Dans les dynamiques hydrogène du nord Franche-Comté, l’immeuble de Territoire Habitat qui doit être chauffé grâce à cette technologie est placé en bonne place. La concrétisation de cette innovation belfortaine, qui serait une première en France, tarde pourtant un peu par rapport aux premiers calendriers annoncés. Le point.
Dans les dynamiques hydrogène du nord Franche-Comté, l’immeuble de Territoire Habitat qui doit être chauffé grâce à cette technologie est placé en bonne place. La concrétisation de cette innovation belfortaine, qui serait une première en France, tarde pourtant un peu par rapport aux premiers calendriers annoncés. Le point.
Chauffer un immeuble du bailleur social Territoire Habitat grâce à de l’hydrogène, c’est d’abord une idée. Celle de Brigitte Vu, enseignante-chercheur à l’université de technologie Belfort-Montbéliard (UTBM), en charge de la filière performances énergétiques des bâtiments. Elle intervient également à l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, mais conseille aussi ministres et députés sur ces questions. À son actif, une quinzaine de bouquins, dont le dernier, Rénovations des bâtiments et performance énergétique, management est solutions, est paru fin août. « Le bâtiment est le premier consommateur d’énergies fossiles (43 % des énergies fossiles vont dans le bâtiment) et il émet 25 % des émissions de gaz à effet de serre », rappelle la chercheure. Le transport, de son côté, est responsable de 28 % de ces émissions. Autant dire que pour elle, la rénovation énergétique est un enjeu national. Mais elle va plus loin. Derrière la rénovation énergétique, la question est aussi celle de la précarité énergétique ! « Pour moi, il ne faut pas donner un chèque. Il faut baisser les charges des locataires », insiste-t-elle. Ainsi naît sa démarche auprès de Territoire Habitat sur la qualité des bâtiments.
Un brevet sur le concept
Pour les locataires de Territoire Habitat, il faut compter un coût, au mètre carré, de 8 à 10 euros par an pour la production d’eau chaude sanitaire et du chauffage. « L’objectif, baisser à 2 euros le mètre carré, voire à rien du tout », envisage Brigitte Vu. De là, elle a proposé de construire deux immeubles, de 15 logements chacun. Ils seront construits au parc à Ballons, près de la Savoureuse et de la promenade François-Mitterrand. Le terrain est situé dans l’angle de l’avenue du Champ-de-Mars et de l’avenue du Parc, en face de l’escadron 26/7 de gendarmerie mobile. Un terrain racheté à Mediater, un promoteur immobilier qui rayonne en Alsace et dans le Territoire de Belfort.
Mais on ne va pas construire n’importe quel immeuble. Brigitte Vu veut travailler sur les matériaux, la physique du bâtiment, l’exposition, les volumes, l’isolation… Pour qu’ils soient économes en énergie. Car comme elle le résume : « La meilleure énergie est celle que vous ne consommez pas. » Si l’un des immeubles aura un coût de 2 euros par an au mètre carré pour la production d’eau chaude sanitaire et du chauffage, l’autre doit revenir à 0, car il sera autonome en énergie.
Ce second immeuble sera doté de panneaux solaires qui produiront de l’électricité. Pour la consommation immédiate. Le surplus sera stocké dans des batteries et permettra de répondre à la consommation estivale, jusqu’à l’automne. Le surplus du surplus de cet immeuble de Territoire Habitat sera transformé en hydrogène, par électrolyse. Un hydrogène décarbonné, donc. Il sera stocké pour la consommation hivernale. En hiver, l’hydrogène alimentera une pile à combustible, qui produira l’électricité nécessaire à la pompe à chaleur. La chaleur dégagée par la réaction de la pile à combustible (qui produit de l’eau, de la chaleur et de l’électricité) permettra de son côté de préchauffer les ballons d’eau chaude. Le tout est géré par un automate, qui arbitre la production et le stockage de l’électricité. Un automate développé par Brigitte Vu et pour lequel elle va déposer un brevet. « On va équiper les deux immeubles de capteurs, au mêmes endroits, pour faire des comparaisons », précise également Brigitte Vu, qui a une idée bien précise du projet qu’elle mène depuis plusieurs mois pour Territoire Habitat. Et sur lequel elle est très vigilante.
Innovation
Ce projet est inscrit dans les 29 actions retenues par la dynamique Territoire d’Innovation. Le nord Franche-Comté est l’un des 24 territoires français retenus. On attendait toutefois le début des travaux de ces deux immeubles pour 2020, selon le calendrier annoncé en septembre 2019. Force est de constater que ce n’est pas le cas. Mardi, lors de sa conférence de presse de rentrée, le président du conseil départemental, Florian Bouquet, ne l’avait même pas non plus mentionné dans la longue liste de ses projets, alors qu’il était en bonne place l’an passé. Élément rectifié lors des questions.
Aujourd’hui, la question réside dans la manière d’agencer le déroulement du projet et dans la manière d’intégrer les meilleurs entreprises de chaque spécialité, pour construire le meilleur immeuble. Car Brigitte Vu est insistante sur la qualité de base du bâtiment : « Il faut que le bâtiment soit en cohérence avec le système que l’on va mettre dedans. On ne peut pas mettre un système performant dans un bâtiment non performant », insiste-t-elle. Pas facile, dans cette dynamique d’innovation, de passer par les schémas classiques des appels d’offre. « On veut rassembler tous ces professionnels », assure Florian Bouquet, qui est également président de Territoire Habitat. Il concède que ce n’est pas simple de pouvoir associer les meilleurs spécialistes de la fabrication des réservoirs d’hydrogène, avec les meilleurs fabricants de panneaux solaires et les meilleurs fabricants d’électrolyseurs. « On n’arrive pas à avoir un système d’intégration de tous ces sous-ensembles », s’étonne-t-il. Mais le président veut montrer la capacité « d’innover » du territoire.
Pour dépasser ces problématiques, on envisage aujourd’hui de faire un projet en conception-réalisation, afin de regrouper avec un même acteur les études et la réalisation du chantier. Selon le nouveau calendrier communiqué ce mardi par le président du conseil départemental, la maîtrise d’ouvrage du projet devrait être lancée fin octobre. En janvier 2021, le marché innovation doit être publié et celui de la conception au mois de mars. Le début des travaux est envisagé en septembre 2021. 18 mois de travaux sont projetés.