Le syndicat Sud PTT envisage des recours en justice contre l’entreprise de relation Client Teleperformance, dès le mois de juin. Il dénonce un non-respect des accords d’entreprise, mais surtout un non-respect des protocoles d’édition du document unique de prévention des risques professionnels. Comme pour Amazon.
Le syndicat Sud PTT envisage des recours en justice contre l’entreprise de relation Client Teleperformance, dès le mois de juin. Il dénonce un non-respect des accords d’entreprise, mais surtout un non-respect des protocoles d’édition du document unique de prévention des risques professionnels. Comme pour Amazon. Mis à jour le 4 janvier 2021 à 7h40.
Le confinement venait d’être acté. On est le 18 mars. Des salariés de l’entité belfortaine de Teleperformance débraient. Ils dénoncent les conditions de travail pendant la pandémie liée au nouveau coronavirus. L’absence de protocoles sanitaires. De respect des distances entre les postes. « On était une centaine de salariés à travailler, rappelle un délégué syndical de Sud, qui ne souhaite pas que son nom apparaisse. On avait la crainte d’un cluster. » Sud PTT dépose alors un droit d’alerte pour danger grave et imminent (DGI). Mais aucune suite n’est donnée dans les jours qui suivent. Le délégué syndical n’en revient toujours pas. Le 19 mars, on suspecte un covid-19 chez une salariée. Le site ferme. Pendant près de 15 jours. Ironie de l’histoire, une partie des salariés de Teleperformance assuraient le service du numéro vert sur le coronavirus pour le Gouvernement.
Un mois plus tard, Teleperformance est poursuivi devant l’OCDE (organisation de coopération et de développement économique) par Uni Global Union, présent dans 150 pays. Le recours dénonce des « conditions de travail dangereuses » dans 10 pays dans le cadre de la gestion de la pandémie du covid-19. On reproche à Teleperformance d’avoir « fait dormir des salariés par terre aux Philippines sur le lieu de travail » et « avoir tenté de ne pas payer les employés en avril 2020 en Tunisie », rappelle le syndicat Sud dans une communication. En France, ce recours a été relayé par les 3 organisations syndicales affiliées à Uni Global Union : CFDT, CGT et Force ouvrière. Cette démarche est « symbolique », rappelle la CFDT dans une communication interne.
Quand Teleperformance Belfort (géographiquement au centre de l'épidémie) appel les flics pour faire cesser une grève contre l'ouverture du site... Si tu dois mourir fait le en production pic.twitter.com/jEuUfygeWH
— SUD centres d'appels (@sudcallcenter) March 18, 2020
Risques professionnels
Aujourd’hui, Sud PTT met en demeure la direction de Teleperformance sur trois sujets. Si elle ne bouge pas, le syndicat envisage un « dépôt d’une requête introductive d’instance » explique le syndicat Sud.
Premier grief : le document unique des évaluations des risques professionnels (DUERP). « Ce document doit être mis à jour tous les ans », rappelle le délégué syndical, en filant la comparaison avec le jugement rendu au mois d’avril contre Amazon, l’obligeant à évaluer les risques liés à l’épidémie. Le tribunal a jugé qu’il ne l’avait pas fait. « Ce document doit être mis à jour dès qu’il y a un risque nouveau », interpelle le syndicat. La direction de Teleperformance, sollicitée, répond que la première mise à jour du document a été faite le 2 mars, pour présentation le 10 mars en comité social et économique (CSE). Et elle garantit qu’il est mis à jour régulièrement, « à chaque évolution des mesures et de la situation ». Mais Sud de remarquer : « Il doit être mis à jour avec les représentants du personnel. » La direction se défend en précisant qu’elle a organisé une réunion avec les représentants de proximité de Belfort, le 29 avril. « L’inspecteur du travail a fait une visite sur le centre le 6 mai et a rappelé que l’on doit faire un document unique par établissement », insiste le délégué syndical. Alors que le document actuel existe seulement à l’échelle nationale.
Accord d'entreprise non respecté selon Sud
Sud PTT ne veut pas aller en justice pour rien. Dans son recours, le syndicat envisage également d’insérer le non-respect de l’accord d’entreprise, « qui n’est pas respecter depuis 10 ans ». Les plannings des salariés changent énormément. Ils ne sont connus que cinq semaines à l’avance rappelle le délégué syndical. Normalement, il existe une bourse d’échanges pour donner de la flexibilité aux salariés. Pour s’échanger les emplois du temps. À Belfort, les échanges ne peuvent se faire que semaine par semaine, et non jour par jour, regrette un délégué syndical. « J’ai 4 ans de réclamation en lettres, mails. Je n’ai pas le choix de saisir le juge pour obtenir cela pour les salariés ». La CFDT confirme que la bourse d’échanges ne fonctionne pas. Ce n’est pas le son de cloche de la direction. « Une bourse d’échanges a été déployée sur le site de Belfort. Celle-ci a été présentée à plusieurs reprises en CHSCT début 2019, conformément à une disposition sur les échanges de planning. Depuis, aucune anomalie n’a été signifiée à la direction, les échanges de planning sont possibles et répondent à nos engagements en la matière », garantit la direction.
Sud PTT interpelle enfin sur le traitement des réclamations écrites individuelles et collectives (RIC), formulées depuis le 15 novembre 2019. « On se renvoie la balle. Mais on n’a toujours pas de réponse », dénonce le syndicaliste. De son côté, la direction précise que « la réunion RP (représentants du personnel, NDLR) du mois d’avril fera l’objet d’un compte-rendu, ce qui permettra de visualiser la correcte prise en charge des réclamations de nos salariés », glisse-t-elle sans vraiment répondre. Et le délégué syndical de déplorer : « Cela fait 6 mois qu’on attend. » Fabienne Roussel, délégué centrale CFDT, confie de son côté qu’elle doit rencontrer la direction la semaine prochaine. Elle doit faire « ces remontées ». Aujourd’hui, la CFDT n’a pas l’attention d’emboiter le pas de Sud PTT si le syndicat engage une action judiciaire.
Le mal de dos je confirme, ça me coupe même la circulation aux niveaux des jambes.. 😱 pic.twitter.com/C1eoJaMK9u
— Tele Souffrance (@Camssou1) May 11, 2020
Dialogue social difficile
Les relations entre les partenaires sociaux et la direction n’ont pas l’air simple à Teleperformance. Ils sont plusieurs à regretter « le dialogue social dégradé ». La crise sanitaire l’a accentué. « Teleperformance s’est retrouvée un peu court, confirme Fabienne Roussel, faisant référence aux ratés au début de la crise sanitaire. Mais ils ont rétabli le tir. » Pendant plusieurs semaines, les syndicats ont quand même dû faire des pieds et des mains pour que les salariés puissent solliciter une chaise de bureau afin de travailler à leur domicile. « C’est possible depuis lundi », se réjouit ce délégué syndical, qui avait sollicité l’intervention de la médecine du travail. Fabienne Roussel précise que les considérations matérielles liées au télétravail – utilisation du téléphone ou d’un ordinateur personnel par exemple – seront abordées prochainement en CSE. « Une indemnisation est envisagée », confie-t-elle. « Mais il a fallu deux mois pour en arriver là », souligne-t-il. Et qui souligne : « Le télétravail, ce sont aussi de nouveaux risques. Je veux qu’il soit identifié dans le DUERP. » Qui doit donc être mis à jour… Des craintes s’expriment aussi chez les salariés autour du télétravail et de la garde d’enfant. Là encore, le dialogue est délicat.
Teleperformance compte 331 000 employés dans le monde. L’entreprise a été créée en 1978 et emploie près de 2 200 salariés sur treize sites en France précise Sud PTT. À Belfort, les effectifs sont de 246 salariés le 31 mars (contre 201 le 29 février), dont 129 sont en CDI. Les salariés belfortains effectuent les relations clients de Lidl, EDF et assume le numéro vert dédié au nouveau coronavirus.
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