Bien que le conseil scientifique prône de ne pas rouvrir les établissements scolaires avant septembre 2020, le gouvernement en a décidé autrement. Pour prévenir le décrochage scolaire. Les maires se retrouvent face à l’énorme chantier de la reprise des écoles dans le respect des consignes sanitaires. Tour d’horizon dans le nord Franche-Comté.
Manon Hilaire
Bien que le conseil scientifique prône de ne pas rouvrir les établissements scolaires avant septembre 2020, le gouvernement en a décidé autrement. Pour prévenir le décrochage scolaire. Les maires se retrouvent face à l’énorme chantier de la reprise des écoles dans le respect des consignes sanitaires. Tour d’horizon à Étouvans, dans le pays de Montbéliard, où le maire a pris un arrêté interdisant la réouverture des écoles, et dans le Territoire de Belfort. – mis à jour le 5 mai, à 21h21.
« Il y a une véritable incohérence dans le discours du gouvernement. On n’ouvre pas les bars et restaurants mais on ouvre les écoles », dénonce Nicolas Pacquot, maire d’Étouvans, une commune d’un peu plus de 800 habitants dans le pays de Montbéliard. Il fait partie d’une longue listes de maires qui ont décidé d’interdire la réouverture de leurs écoles à partir du 11 mai, comme le rappelait BFM TV il y a quelques jours. Cela confirme une information relayée par France bleu Belfort-Montbéliard et L’Est Républicain. Pour Nicolas Pacquot, c’était une question de bon sens. Impossible de respecter le protocole sanitaire de 54 pages, « très dur », qui leur a été transmis récemment. Un défi d’autant plus complexe que « si on ne respecte pas des critères du protocole sanitaire, la responsabilité des maires est engagée ».
C’est pour cette raison que même si les écoles dépendent de l’État, le maire a pris un arrêté pour interdire leur réouverture. Les mairies mettent les locaux à disposition et le tout doit se faire dans le respect des normes de sécurité. Une sécurité qui se trouve compromise par une trentaine de raisons, listées dans son arrêté envoyé le 4 mai à la préfecture. Il n’a pour l’instant eu « aucun retour » de celle-ci.
Service minimum pour les soignants
Pour Nicolas Pacquot, la réouverture des écoles est « une prise de risque inutile ». Elle ne répond pas à la volonté des enseignants, ni des parents de cette école de 95 élèves. « 100 % des élèves étaient connectés à l’école virtuelle ce lundi de rentrée, confirmant que c’est un système qui fonctionne très bien », apprécie-t-il également. Un argument de plus en faveur d’une école fermée, alors que sa réouverture ne permettrait pas l’accueil de tous les élèves.
Cette décision a été prise après avoir sondé enseignants et parents d’élèves. Le maire confirme que « toutes les familles ont accès à un ordinateur et qu’il n’y a aucun problème d’équipement ». À la suite du sondage, il est aussi apparu que quelques familles avaient des problèmes de garde. “On étudie le service d’accueil”, confie le maire. Ce sont trois ou quatre familles. Mais celui-ci ne se fera pas à l’école.
Inquiétude dans le Territoire de Belfort
Cette inquiétude est partagée dans les communes du Territoire de Belfort. Et les échanges à l’occasion de la dernière conférence hebdomadaire avec l’inspection académique ne sont pas pour les rassurer. Les maires sont « restés sur [leur] faim », regrette Pierre Rey, président de l’association des maires du Territoire de Belfort et maire d’Autrechêne. « Difficile dans ces conditions d’envisager la reprise des écoles », tempête-t-il.
Pour connaître le ressenti du terrain, il a transmis à tous les maires du Territoire une simple question : « Êtes-vous oui ou non en capacité d’ouvrir vos écoles ? » Leurs réponses sont sans appel. Sur les 65 à 70 % des communes qui ont répondu, plus de 60 % estiment ne pas pouvoir en être capables et 20 % le sont mais avec des conditions. Il assure pourtant que les maires « veulent tout mettre en œuvre pour assurer la réouverture des écoles » mais que la « priorité sanitaire » reste de mise.
Selon Pierre Rey, un consensus se dégage parmi les maires quant à une ouverture des écoles par étape. C’est le choix retenu par Damien Meslot, maire de Belfort. Dans la cité du Lion (masqué !), les crèches ouvrent le 11 mai. Puis les écoles élémentaires, le 18 mai. Enfin, les écoles maternelles, le 25 mai. Aujourd’hui, les maires du département attendent les réponses « des parents pour connaître leur intention sur un retour à l’école ou non de leurs enfants », confie Pierre Rey. Les maires, directeurs d’école et le directeur académique des services de l’éducation nationale (Dasen) doivent donc « travailler de concert », invite Pierre Rey, pour organiser au mieux ce retour à l’école.
Réouverture des écoles #COVID19
— Académie de Besançon (@acbesancon) May 4, 2020
Le protocole sanitaire précise les modalités pratiques de réouverture et de fonctionnement. En savoir plus ⤵️https://t.co/E1AC3Iy3hr#TousMobilisés #EnSécurité pic.twitter.com/PoELLghL9Y
Responsabilité trop lourde pour les maires
Nombre de questions épineuses restent sans réponse malgré tout. Parmi elles, le transport scolaire qui représente un défi majeur pour les maires. Pour le président de l’association des maires du Territoire de Belfort, c’est « inimaginable de penser que les bus pourront être empruntés sans être réellement désinfectés entre chaque trajet et que les enfants respecteront la distance d’un siège sur deux ». Le préfet du Territoire de Belfort indiquait lundi, en marge d’une visite des Restos du Cœur, que ces questions devraient avoir une réponse jeudi au plus tard.
Pierre Rey a envoyé ce mardi après-midi une nouvelle consultation à destination des maires pour qu’ils répondent cette fois-ci à la question suivante : « Avez-vous réussi à mettre en place une reprise de vos écoles qui respecte le protocole sanitaire ? » Les réponses sont attendues pour l’habituelle réunion covid ce jeudi, permettant de faire « mieux avancer » le dossier sur la réouverture des écoles. Il espère que les maires seront plus nombreux à affirmer qu’ils pourront ouvrir leurs écoles.
Pierre Rey dénonce quand même une responsabilité trop conséquente qui pèse sur les épaules des maires. « On a l’impression que l’État a transféré la patate chaude sur [notre] dos », tance-t-il. Des maires qui, pour certains, devaient rendre leur fauteuil à l’issue des élections municipales de mars, dont le second tour a été reporté et dont l’installation des nouveaux conseils municipaux, pour ceux déjà élus, est toujours en suspens.