Le deux-tons résonne à tout berzingue, accompagné d’une sirène assourdissante. Ici et là, de gros pétards explosent. Ce vendredi, les pompiers professionnels du Territoire de Belfort ont posé tonnelles et barbecue devant l’hôtel du conseil départemental pour manifester leur colère. Et se faire entendre. Ils ont été jusqu’à cinquante soldats du feu à crier leur mécontentement sous les fenêtres du président Les Républicains (LR) du Département, Florian Bouquet.
Depuis le 14 novembre, ils sont en grève pour maintenir leurs acquis sociaux, dans le cadre du passage du temps légal de travail à 1 607 heures annuelles, à partir du 1er janvier 2023 (lire ici notre décryptage). Si les syndicats se résignaient au passage à 1 607 heures, ils demandaient que les spécificités de leur métier soient prises en compte (pénibilité, travail de nuit…) pour réduire le temps de travail et compenser la perte des jours liés à l’ancienneté et aux médailles, supprimés par le nouveau cadre réglementaire. Ces sujétions sont ouvertes par l’article 47 de la loi de 2019.
« On limite la casse »
Selon les syndicats, le préfet a confirmé que l’on pouvait prendre en compte la pénibilité des anciens. L’équivalent d’un jour sera octroyé aux sapeurs-pompiers de plus de 40 ans, qui effectuent des gardes de 24 heures. L’équivalent de deux jours sera accordé aux pompiers de plus de 50 ans. Cela s’applique seulement aux pompiers qui effectuent des gardes de vingt-quatre heures. « On affiche 1 607 heures, convient Pierre-Arnaud Fillatre, du syndicat Force ouvrière, à l’issue de la réunion, mais selon l’âge, on bénéficie de plus de repos. » Le proposition est « cohérente », valide Pierre-Arnaud Fillatre. C’était l’idée qu’avait développée l’intersyndicale (Syndicat autonome, Avenir secours, CFTC-SPASDIS, FO SIS).
Sollicitée pour une médiation (lire notre article), la préfecture a confirmé la possibilité de mettre en place ces sujétions. Par ailleurs, auparavant, lorsque les pompiers faisaient des gardes de vingt-quatre heures, ils étaient payés 16,5 heure ; c’était aussi le temps compté pour obtenir le temps légal de travail. L’équivalence est portée à 16,94 heures, permettant de ne pas augmenter le nombre de gardes par an pour obtenir 1 607 heures.
« On limite la casse », convient le délégué syndical, alors que la réforme supprime de nombreux acquis hérités des pompiers du corps de la Ville de Belfort, avant la départementalisation du service, en 1999. Ils se sont battus, notamment pour les anciens, pour faire valoir un élément clé de la loi et les spécificités de leur métier souligne le délégué syndical. Alors qu’ils n’en bénéficiaient pas encore, contrairement à ce que stipule la loi, l’accord sur le temps de travail va aussi confirmer deux jours de fractionnement pour les agents du service départemental d’incendie et de secours. Si l’agent décide de diviser ses congés payés principaux et qu’ils les posent entre le 1er novembre et le 30 avril, il disposera alors de deux jours supplémentaires.
« À la demande du préfet, nous allons signer un protocole pour formaliser [cet accord] », indique le délégué syndical. La semaine prochaine, selon toute vraisemblance, pour mettre fin également à la grève. Le nouveau régime sera voté début janvier. Sollicité, Florian Bouquet n’a pas voulu s’étendre sur le dossier, appréciant que les deux parties aient fait un pas l’une vers l’autre, estime-t-il. « J’aurais l’occasion de m’exprimer plus longuement lors du prochain conseil d’administration (le 12 décembre, NDLR », a-t-il ajouté, par téléphone. « Je ne demandai rien, veut toutefois rappeler Florian Bouquet. C’est la loi de 2019 qui m’y contraint. Je la subis localement, mais cette loi a été promulguée par Macron. » Et d’ajouter : « Cela n’enlève en rien à la considération que je porte aux pompiers. »
Alors que le ton montait fortement ces derniers jours, les pompiers obtiennent une avancée, qui doit conduire à une sortie de crise. Cette situation les a par contre conduit à faire valoir d’autres droits. Un recours a été engagé par le Syndicat autonome au sujet du 1er-Mai, un jour férié et chômé, qui implique une prime si le jour est travaillé. Le syndicat réclame l’application de ce dispositif.
La Sainte-Barbe départementale menacée ?
La patronne des sapeurs-pompiers est la Sainte-Barbe, célébrée au mois de décembre. C’est un moment important pour le corps des sapeurs-pompiers. Un moment symbolique, où l’on remet notamment les médailles d’ancienneté ou pour acte de courage et de dévouement. Les syndicats se sont étonnés de l’annulation de l’édition 2022, qui devait se dérouler le 9 décembre, indiquent-ils. Ils regrettent que les pompiers ne puissent pas recevoir leur médaille, surtout que des médailles de l’an passé, non remise, doivent l’être. Les récipiendaires ne peuvent pas non plus bénéficier des avantages qu’elles confèrent pour quelques jours encore, regrettent les pompiers. Sollicité, le service départemental d’incendie et de secours du Territoire de Belfort n’a pas souhaité s’exprimer. Il a toutefois précisé que la date du 9 décembre, évoquée, n’avait jamais été formalisée. Rien ne dit, apprend-t-on, que la Sainte-Barbe départementale ne sera pas programmée prochainement.