À moins de 250 km de Belfort et de Montbéliard, une station-service délivre de l’hydrogène à la pompe, comme un vulgaire gazole. Elle ravitaille des camions dont les réservoirs Faurecia sont faits à Bavans.
À moins de 250 km de Belfort et de Montbéliard, une station-service délivre de l’hydrogène à la pompe, comme un vulgaire gazole. Elle ravitaille des camions Hyundai dont les réservoirs Faurecia sont fabriqués à Bavans.
« L’hydrogène, c’est l’énergie du futur », s’enthousiasment les optimistes. « Et ça le restera », ricanent les sceptiques. Nos voisins suisses ont pris cet été une belle longueur d’avance pour clore le bec aux sarcastiques. A Saint-Gall, à moins de 250 km de Belfort et de Montbéliard, une station-service délivre de l’hydrogène à la pompe, comme un vulgaire gazole. Elle permet aux – rarissimes- conducteurs de voiture à hydrogène de faire le plein comme n’importe quel automobiliste. Elle permet surtout de ravitailler les premiers camions d’une flotte dont l’exploitation commerciale débute.
Ces Hyundai Xcient Fuel Cell, des 36 tonnes électriques alimentés par une pile à combustible sont déjà 10 à parcourir la Suisse, ils seront 50 d’ici la fin de l’année, le projet en prévoit 1600 dans moins de cinq ans.
Vu du côté français de la frontière, tout ça présente un petit côté série d’anticipation. Plus encore si l’on imagine que l’opération ne coûte pas un franc suisse d’argent public. Cette expérimentation en grandeur réelle émane d’un consortium d’entreprise privées qui mettent leurs compétences et leurs moyens en commun pour décarboner les routes helvètes.
Un prix kilométrique déjà comparable au diesel
Au cœur du dispositif, une association baptisée « Mobilité H2 Suisse ». Créée en 2018, elle regroupe les principaux distributeurs de carburant du pays (Avia, Migrol, Tamoil etc.), des entreprises de logistique, la grande distribution (Coop, Migros) et des fabricants d’électricité. Deuxième intervenant, « H2 Energy », entreprise suisse capable de fabriquer de l’hydrogène « vert » dans la centrale hydroélectrique d’Aarau, en Argovie. Troisième pilier : le constructeur coréen Hyundai qui fabrique en série un camion à hydrogène.
En avril 2019, Hyundai et H2 Energy fondent « Hyundai Hydrogen Mobility ». Une joint-venture qui se fait fort de fournir et faire rouler les camions, qu’elle loue ensuite aux transporteurs en « pay per use ». Compte tenu de la fiscalité suisse sur le trafic des poids-lourds, dont les véhicules non-polluants sont exonérés, le coût kilométrique de l’hydrogène est dès aujourd’hui comparable à celui du diesel. Et ne peut que baisser au fur et à mesure de l’augmentation des volumes.
La co-entreprise Hyundai Hydrogen Mobility (HHM) ne cache pas son ambition, une fois la Suisse équipée, de s’attaquer au marché européen d’abord, américain ensuite.
Le Hyundai Xcient Fuel Cell
Il se déplace dans un silence quasi-total et ne rejette que de l’eau pure. Le Hyundai Xcient Fuel Cell est un châssis cabine d’un empattement de 5,31 mètres pour un poids à vide de 9,8 tonnes. Son poids maximal en charge est de 19 tonnes en version fourgon, 36 tonnes en version semi-remorque. Son aspect extérieur et son équipement diffèrent peu d’un camion à motorisation classique. Dans ses entrailles en revanche tout change, deux piles à combustible (fuel cell) de 190 kw chacune alimentent, via une batterie de 661V et 73.2 kWh, un moteur électrique Siemens qui développe une puissance de 350 kW (approximativement 475CV) et 3400 Nm de couple. Fournis par le centre Faurecia de Bavans [lire ci-dessous], ses sept réservoirs contiennent 32,09 kg d’hydrogène compressé à 350 bars. De quoi parcourir 400 km entre chaque plein. Une autonomie suffisante pour le marché suisse. Une version 1000 km viendra étoffer la gamme lorsqu’il s’agira d’élargir le rayon d’action.
Un premier plein d'hydrogène en vidéo
Les réservoirs à hydrogène « made in nord Franche-Comté »
Les sept réservoirs qui équipent chacun des Hyundai Xcient Fuel Cell livrés en Suisse sont fabriqués dans le nord Franche-Comté. Dans le centre d’expertise Faurecia de Bavans (25) précisément. L’équipementier a en effet annoncé début février avoir remporté un contrat « important » auprès du constructeur coréen Hyundai pour livrer des systèmes de stockage d’hydrogène qui équiperont des véhicules électriques à piles à combustible. « Faurecia fournira l’intégralité du système de stockage à hydrogène, dont 10000 réservoirs », a expliqué l’entreprise dans un communiqué. Faurecia équipera d’abord les 1600 poids lourds Hyundai, qui seront livrés en à Hyundai Hydrogen Mobility d’ici 2025. L’autonomie et le temps de ravitaillement des camions équipés devraient être équivalents aux diesels sans aucune émission de gaz polluant.
Un premier pas : « Au cours des dix à quinze prochaines années, la technologie des véhicules électriques à piles à combustible sera appelée à jouer un rôle important dans l’offre de motorisations, particulièrement sur le segment des véhicules commerciaux », affirme le directeur général de Faurecia, Patrick Koller. Faurecia prévoit que deux millions de nouveaux véhicules, dont 350000 utilitaires, seront équipés de la technologie de pile à combustible en 2030. Faurecia avait annoncé en mars 2019 la création d’une coentreprise avec Michelin, baptisée Symbio, afin de produire et commercialiser des systèmes de piles à combustible pour différents types de véhicules.