Les conseillers communautaires du Grand Belfort ont approuvé, ce jeudi soir, une motion regrettant la réduction forte des impôts de production, dont la cotisation foncière des entreprises (CVAE). Une position politique qui vient en écho au travail des syndicats de l’entité turbines à gaz de General Electric, qui ont engagé une procédure judiciaire contre le conglomérat américain. Les élus veulent comprendre le manque à gagner. Une première étape contre l’optimisation fiscale.
Les conseillers communautaires du Grand Belfort ont approuvé, ce jeudi soir, une motion regrettant la réduction forte des impôts de production, dont la cotisation foncière des entreprises (CVAE). Une position politique qui vient en écho au travail des syndicats de l’entité turbines à gaz de General Electric, qui ont engagé une procédure judiciaire contre le conglomérat américain (lire notre article). Les élus veulent comprendre le manque à gagner. Une première étape contre l’optimisation fiscale.
718 000 euros. Entre le budget 2021 et le budget 2022, le Grand Belfort enregistre une baisse de 718 000 euros des recettes liées à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). La perte cumulée estimée entre 2017 et 2022 est estimée à 10 millions d’euros. « Cette situation interroge », peut-on lire dans une motion approuvée par les élus du Grand Belfort ce jeudi soir et portée par l’élue belfortaine d’opposition, Mathilde Regnaud, d’En commun pour Belfort. Et les élus veulent comprendre ce delta.
En approuvant ce texte, les élus lance « une étude auprès de cabinets compétents pour établir ces informations ». Cette démarche s’inscrit directement dans les pas des syndicats Sud Industrie et CFE-CGC de l’entité turbines à gaz de General Electric, qui ont entamé une procédure judiciaire contre le conglomérat américain pour dénoncer le calcul biaisé du bénéfice du site belfortain (lire notre article), servant à calculer la participation des salariés. Ils dénoncent des pratiques fiscales défavorisant Belfort. « Ce sont malheureusement des manœuvres courantes dans les grands groupes, GE n’est sans doute pas la seule entreprise dans ce cas, mais cela pose une question simple : qu’est-ce que cela coûte à la collectivité ? » s’interroge la motion. « Il y a donc une opportunité d’étudier le montant et l’origine des pertes fiscales subies par l’agglomération du Grand Belfort, ainsi que la légalité ou non des manœuvres d’optimisation fiscale mises en cause », poursuit le document.
« Les habitants qui paient à la place de l’entreprise »
« [Avec cette motion], nous disons que nous ne sommes pas dupes et que nous n’avons plus envie de nous contenter des incantations », glisse l’élue d’En commun pour Belfort. « Avec cette étude, nous disons que nous agissons derrière l’intersyndicale, qui fait un gros travail sur ces pratiques fiscales », complète-t-elle. « Nous subissons une forte baisse de la CVAE. Nous n’avons aucune explication de ce qui augmente, de ce qui baisse », embraie Damien Meslot, président Les Républicains (LR) du Grand Belfort, joint par téléphone ce vendredi. Mathilde Regnaud de rappeler les enjeux symboliques de la démarche : « C’est pour que les gens se rendent comptes. Derrière ces impôts, ce sont les activités du conservatoire, les tarifs de la patinoire. » Ce sont aussi les infrastructures. Les investissements de la collectivité. Et de rappeler : « Nous avons augmenté la taxe foncière l’année dernière. Ce sont donc les habitants qui paient à la place de l’entreprise. »
D’où la volonté de comprendre ces mouvements : qui paie quoi ? Qui baisse ? Qui fait de l’optimisation ? Si la pratique d’optimisation est dans la règle – « malheureusement », dixit Damien Meslot – rien ne sera possible. Mais il sollicitera les parlementaires locaux pour porter ce dossier à l’échelle nationale et montrer les conséquences de ces pratiques fiscales pour les collectivités. Mais si l’optimisation se situe « dans des zones grises », glisse-t-il, il étudiera « les recours possibles ».
Des comptes à Amazon ?
« Il doit y avoir une équité devant l’impôt, ajoute Damien Meslot, qui poursuit : Je ne vois pas au nom de quoi un grand groupe pourrait s’exonérer [de l’impôt]. » « Ce serait bien que cette étude soit élargie », estime alors Bastien Faudot, élu d’opposition de la Gauche républicaine et socialiste (GRS) à Belfort, regardant du côté d’Amazon, qui s’implante à l’Aéroparc de Fontaine. Il rappelle les procédures judiciaires engagées par le géant américain contre trois collectivités (Montélimar, Orléans et Sevrey). « Ils font jouer la compétition entre les territoires », regrette-t-il, ciblant les investissements publics engagés par les collectivités pour attirer ces géants mondiaux.
« On dépense beaucoup d’argent public et on sait qu’elles pratiquent l’optimisation fiscale », dénonce-t-il. Et de rafraîchir le précédent General Electric. Les collectivités locales ont engagé 3,5 millions d’euros, selon lui, pour l’industriel américain dans l’aménagement de routes afin de faire passer une croissance de production des turbines à gaz. On connait la suite. Il appelle à de « la cohérence », tout en notant « le message fort », adressé par la collectivité. Cet acte politique s’inscrit dans une volonté « de lutte contre la fraude fiscale », relève Mathilde Regnaud. Si General Electric retient son intention, « la question d’Amazon se pose aussi », enchaine l’élue. « C’est un premier jalon », note-t-elle. Elle sera vigilante à la mise en place effective de cette étude