Le Trois –

Confluence : « l’impréparation » du Département pointée du doigt [enquête]

Le spectacle Confluence du Centenaire

La forte affluence au spectacle du Centenaire du Territoire de Belfort, samedi, suscite des remous. Des voix s’élèvent contre d’importants soucis d’organisation pour un événement de cette ampleur. 

Thibault Quartier et Eva Chibane

La forte affluence au spectacle du Centenaire du Territoire de Belfort, samedi, suscite des remous. Des voix s’élèvent contre d’importants soucis d’organisation pour un événement de cette ampleur. Des couacs qui génèrent par ailleurs une forte tension. Le Département se défend et estime avoir été victime de son succès. Enquête. 

Se souvenir du Centenaire du département dans 100 ans. C’était l’objectif de Florian Bouquet, président Les Républicains du conseil départemental du Territoire de Belfort, lors de la conférence de presse de présentation du spectacle Confluence, début septembre (lire notre article). C’est une bronca qu’il a récoltée à la suite de ce qui devait être « le point d’orgue de l’année du Centenaire, véritable événement phare pour les Terrifortains et pour les publics cibles de notre stratégie d’attractivité », pour reprendre les termes d’une note adressée aux membres de la commission d’appels d’offres relative au marché pour l’organisation de ce spectacle, que Le Trois a pu consulter. 

Entre 9 et 10 000 personnes, selon le conseil départemental, sont venues à la presqu’île du Malsaucy pour profiter de ce spectacle, Confluence. Le spectacle a été pourtant dimensionné pour accueillir 5 000 personnes, comme il l’a été annoncé à la préfecture et préparé lors des réunions de sécurité. Cette prévision d’une petite affluence n’a pas été sans conséquences. 

Affluence surprise

À l’approche des trois coups du spectacle, prévus vers 21 h, les files de voitures s’allongeaient depuis le Malsaucy jusqu’à Valdoie, encombrant la R.D. 24, mais aussi la rue de Turenne, à Valdoie, qui longe le lycée agricole Lucien-Quelet ont constaté plusieurs témoins. Les gendarmes ont même dû aider les organisateurs à « extraire » André Manoukian des bouchons, afin qu’il puisse se produire sur scène.

« Les voitures se garaient le long de la route qui est d’habitude réservée pour les urgences pendant les Eurockéennes », raconte un élu, présent au spectacle et qui souhaite garder l’anonymat, étonné de cette organisation « chaotique ». « Les gendarmes devaient guider les voitures. Ce n’est pas leur job », raconte cette même source. « Les voitures ne savaient pas où aller, plusieurs sont reparties illico », s’étonne-t-il encore. L’organisation des parkings a posé problème, malgré les cinq navettes mises en place depuis le supermarché Colruyt en partenariat avec Optymo pour acheminer le public. Censées fluidifier la venue du public, elles se sont retrouvées prises dans les bouchons, car la route était encombrée. 

Du côté du Département, on précise qu’il était impossible de fermer la route pour un événement gratuit, sans billetterie, car sinon, comment accepter l’accès ou non à cette route et différencier les riverains des participants à la soirée. Il fallait donc remplir les deux parkings du Malsaucy d’abord, puis renseigner après sur leur état « complet ». Des messages ont été transmis aux automobilistes répond-t-on et des panneaux ont été installés sur le bord de la route, indique également le Département, pour inviter les spectateurs à emprunter la navette, une fois les parkings du Malsaucy, plein. Sans succès, regrette-t-on. Et fermer le site quand 4 000 personnes étaient arrivées était inenvisageable, glisse-t-on finalement.

Le conseil départemental se défend : le public est arrivé tardivement, ce qui a renforcé le sentiment « d’un goulet d’étranglement » sur la rue d’Évette. « Si nous avions senti que la jauge était tendue, nous n’aurions pas lancé un appel sur France 3 », rétorque-t-on. « Nous ne sommes pas irresponsables. S’il y avait eu déjà du monde, nous n’aurions pas fait cet appel à venir », ajoute cette même source, qui se dit choquée et surprise par le barouf généré par ce spectacle. Elle ne veut plus « refaire le match » et souhaite « continuer l’année du Centenaire sereinement ». L’événement était ouvert dès 17 h, mais la météo n’a pas encouragé à se déplacer en fin d’après-midi pour déguster des produits locaux analyse-t-on au Département. Les organisateurs avaient imaginé l’évènement comme un lieu pour flâner. Pour déguster. Et non pas comme un lieu où devaient se restaurer en même temps des milliers de personnes. Le message n’est pas passé ainsi. 

« Si une personne avait fait un malaise »

Si une jauge avait été définie, il n’y avait pas pour autant de système de contrôle, s’étonne un élu. Pourquoi n’a-t-on pas mis alors en place une billetterie gratuite, sur réservation ? « Si nous faisions un système de billetterie, nous étions obligés de fermer le site », répond le Département. Or, il concevait Confluence comme une fête familiale et populaire, avec des possibilités de venir en fin d’après-midi au village gourmand et de repartir avant le spectacle par exemple. Sans restriction. Le Département a été surpris par l’affluence. « Nul n’avait imaginé un tel succès », argumente le Département dans un communiqué de presse. La campagne de communication a pourtant été très forte et a largement dépassé les frontières du Territoire de Belfort, répondant à l’ambition du projet, comme on peut le lire dans cette note sur le choix du prestataire : « Développer le rayonnement du Territoire de Belfort en France et à l’international. » 

En termes de sécurité, on regrette ici et là des organisateurs mal identifiés, un site peu adapté à l’affluence et à l’événement. « Si une seule personne avait fait un malaise, cela aurait été une catastrophe », raconte un spectateur. « On a eu beaucoup de chance, cela aurait pu être pire en termes d’affluence s’il avait fait beau », remarque-t-il. On ne peut que repenser à l’ouverture des Eurockéennes, le 30 juin, à la tempête et au besoin de conserver cette voie en cas de problème. « Ce raté final ne me surprend pas, observe Francis Cottet, délégué syndical Force ouvrière au Département, ancien élu de gauche au conseil régional Bourgogne-Franche-Comté. Il confirme l’état général du Département : de l’impréparation dans tout. »

Cette impréparation est sur de nombreuses lèvres. Un sentiment d’un spectacle fait à la va-vite, à la dernière minute. Et que la note aux membres de la commission d’appel d’offres, consultée par Le Trois, ne peut que renforcer. Elle présente le prestataire retenu pour l’événement. Mais c’est la date qui interpelle : le 13 juin. 89 jours seulement avant l’événement. Et un observateur avisé de la vie politique belfortaine de s’étonner du peu d’argumentations transmises dans cette note sur le prestataire et son projet. « Le mémoire technique a été réalisé de manière à répondre précisément à l’appel à projets, peut-on lire sans plus de détails. Un texte introductif fait référence à l’importance de célébrer le centenaire du département en positionnant le projet dans son contexte. Le programme est attractif, varié et pluridisciplinaire entre le théâtre de l’eau, le concert et le show pyrotechnique pour finir. » En tout, l’argumentation fait 21 lignes.

La tribune VIP qui fâche

Si l’organisation est pointée du doigt, des voix s’élèvent aussi sur le ton des évènements du Centenaire. La tribune VIP a souvent gêné. Selon nos informations, ce sont environ 800 personnes : élus, invités d’honneur, entreprises, partenaires, gagnants de concours, journalistes qui ont pu accéder à cette tribune… laissant le reste des spectateurs derrière ce mur, ou sur les côtés et devant, pour quelques chanceux. « Je me suis senti mal à l’aise », souffle une personnalité politique belfortaine, de gauche. « Cette histoire de tribune, c’est très gênant. La façon d’appréhender les élus posent de véritables questions. D’autant plus que ce n’était pas un spectacle protocolaire », s’insurge une élue du Département. Sur les réseaux sociaux, les spectateurs ont peu apprécié cette différenciation. « C’était pas plus simple de mettre tout le monde au même niveau, élus et population… par terre, les pieds bien posés sur le sable du Malsaucy au lieu de vous percher sur votre tribune et vos privilèges ? » lit-on sous un post. La tribune était « peut-être mal placée », reconnaît Florian Bouquet, sur France Bleu Belfort-Montbéliard, ce mercredi soir. Au Département, on insiste pour dire que plus de 4 000 personnes ont profité dans de bonnes conditions du spectacle.

Un spectacle qui ne manque pas non plus de critiques. On questionne le lien avec le Territoire de Belfort. Le spectacle, bien que beau, ne donnait pas l’impression de retracer l’histoire du département depuis les années 1920. Les commentaires sur les liens entre les actes se multiplient. Sur son site internet, le conseil départemental évoque Confluence comme « une rencontre unique, cherchant à faire converger les arts vers l’émotion d’un spectacle inédit, retraçant un siècle d’histoire. » Si on salue l’artiste André Manoukian, on se demande l’intérêt de le faire venir pour un spectacle du Centenaire, à part « pour vendre son prochain album ». Les critiques sont acerbes. Les déceptions, fortes. Sur le Centenaire, Bastien Faudot, élu d’opposition de la gauche républicaine et socialiste (GRS), regrette justement un manque « de sens ». Il aurait imaginé une logique « prospective ». Mobiliser les citoyens pour imaginer l’avenir. « Il y avait des enveloppes pour les associations. Il suffisait d’avoir trois photos historiques pour avoir une subvention, critique-t-il. C’est essentiellement de la communication.»

Tensions vives

« Si je me replace comme agent du Département, c’est désastreux pour l’image du département », regrette Francis Cottet. Un agent pointe « une tache » dans les événements du Centenaire. En interne, plusieurs sources confirment des tensions au sein des services. On entend de la peur dans les voix. On craint une recherche de coupables. Le Département s’étonne de cette crainte. Et se veut rassurant : « Il n’y a pas un agent qui est ici en danger. Florian Bouquet est un homme modéré », replace un membre de son entourage. On salue à qui veut l’entendre que le travail des agents a été de qualité dans cette préparation et que le spectacle résulte « d’un an de travail colossal ». Si l’idée de tensions au Département est balayée d’un revers de la main dans l’entourage de Florian Bouquet, Le Trois est en mesure de confirmer, de sources externes, que Belfort Tourisme a été pointé du doigt. 

Et commenter le spectacle est aussi un sujet qui fâche ces derniers jours. Lors d’une conférence de presse sur la venue de la Garde républicaine, ce mercredi, le président du Département plaisante sur la question des jauges. « Si les gens venaient à 17 h, franchement, ils trouvaient de la place sur les parkings ! » Ensuite, il avance : « Et puis, pour la tribune, le site du Malsaucy était assez grand pour la contourner. » France Bleu Belfort-Montbéliard est pris à partie pour son article évoquant un  « flop  ». Le ton est monté. « Je vous ai dans le viseur. », a-t-il lancé à France Bleu, avant de quitter la conférence de presse quelques minutes plus tard. On reconnaît « une maladresse », dans l’entourage du président.

Le spectacle Confluence a coûté 260 695 euros, selon des documents auxquels Le Trois a eu accès. Le conseil départemental avait précisé, lors de la présentation, avoir reçu de nombreux soutiens d’entreprises pour le financer. Un million d’euros avait été inscrit également au budget pour les évènements du Centenaire, portés notamment par les associations du département et soutenus par le conseil départemental.

Nous avons tenté de joindre, sans succès, le prestataire du spectacle, Porte Quinze.

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