Les couteaux s’aiguisent. La campagne approche. Les oppositions ne veulent pas rater l’occasion de monter à la tribune. Lors du dernier conseil municipal, de nombreux rapports ont été l’occasion d’aborder l’aménagement du territoire et le dynamisme commercial.
Les couteaux s’aiguisent. La campagne approche. Les oppositions ne veulent pas rater l’occasion de monter à la tribune. Lors du dernier conseil municipal, de nombreux rapports ont été l’occasion d’aborder l’aménagement du territoire et le dynamisme commercial. Deux chevaux de bataille des oppositions. L’ambiance était crispée.
Six mois. C’est le temps qui sépare le dernier conseil municipal de Belfort le 25 septembre, du 1er tour des élections municipales, le 15 mars. Cette échéance se ressent dans les débats. Les oppositions ont attaqué. Successivement. Inlassablement. On a pu observer de l’agacement dans le comportement du maire, qui doit aujourd’hui assumer un bilan. Une position qu’il découvre.
Samia Jaber (groupe d’opposition Belfort innovante et bienveillante) a notamment regretté le manque d’investissements dans les « groupes scolaires ». Selon les calculs de Bastien Faudot (groupe d’opposition Réunir), la municipalité a investi 2,65 millions d’euros par an dans les bâtiments scolaires entre 2000 et 2014, contre 600 000 par an entre 2014 et 2019. Ce que contredit Damien Meslot, sans plus s’attarder. « Vous avez investi 2,5 fois moins que vos prédécesseurs », poursuit Bastien Faudot. Peu d’investissements, alors que la dette n’a diminué que de 4 % s’étonnent Samia Jaber et Bastien Faudot (lire par ailleurs). « Vous vous agitez beaucoup à l’approche des élections municipales, répond Damien Meslot, qui glisse : L’espoir fait vivre. » Il rappelle que la baisse des dotations de l’État a obligé à faire des économies, de l’ordre de 10 millions d’euros. Si l’on peut attaquer les investissements dans les écoles, Damien Meslot rappelle qu’il a beaucoup investi dans les stades, oubliés des précédentes majorités.
Dynamisme commercial en question
La tension était palpable. Acide par moment. Après les investissements, le débat s’est orienté sur le dynamisme commercial. C’est la deuxième salve organisée, après une tentative de René Schmidt (Réunir) d’avoir des réponses sur l’encadrement des dépenses du maire en déplacement. Sans succès. « Quelle est votre philosophie ? » a donc questionné Selim Guemazi, en évoquant le dossier de la vente de l’hôtel du District. Bastien Faudot est de son côté remonté dans les archives pour évoquer les positions du maires quant à la zone commerciale de Bessoncourt. Et dénonce l’incohérence de son discours actuel en faveur du centre-ville. « Après 20 ans d’attente et de blocage, notamment par la ville de Belfort, qui, pour des soucis bassement politiciens, refusait systématiquement l’agrandissement, cette décision va permettre à cette zone de se développer », déclare Damien Meslot dans L’Est Républicain, le 19 décembre 2002. En 2007, dans Le Pays, il estime que « L’extension de la zone de Bessoncourt permettra d’éviter en partie la fuite des consommateurs vers l’Alsace et d’attirer les Alsaciens dans le Territoire de Belfort ». À cette époque, La Grande Récré quittait le centre-ville pour aller dans la zone commerciale. En 2019, l’enseigne fait le chemin inverse.
De rapport en rapport, les oppositions sont régulièrement revenues sur ces sujets, se plaignant d’une parole restreinte. Le ton est monté. Bastien Faudot de constater : « Belfort a une vacance commerciale supérieure à des villes comme Dijon, Montbéliard, Colmar ou encore Épinal. Ayez le souci de réel. » Selon l’élu GRS, la situation « s’est aggravée » pendant le mandat. Dans un communiqué où Damien Meslot annonce qu’il va exposer ses actions pour le centre-ville dans le cadre des Rencontres Coeur de Ville, il précise que la vacance belfortaine est de 8 %, contre 12 % à l’échelle nationale. Il évoquera aussi la création de la société d’économie mixte Semaville, qui “doit aussi aider au renouvellement du tissu commercial et à mieux sélectionner les secteurs d’activités qui s’implantent”. Selim Guemazi a justement demandé en conseil municipal pourquoi cet outil au service de ce dynamisme commercial n’a été créée qu’au bout de 5 ans de mandat. « Vous ne l’avez pas fait pendant 37 ans », rétorque Damien Meslot. Sur les commerces, Florence Besancenot, adjointe chargée du commerce, a tenté de défendre son bilan. Elle évoque différentes initiatives, alors qu’elle est régulièrement critiquée pour les grandes photos apposées sur les locaux vides. Elle rappelle l’installation de la signalétique, « qui porte ses fruits ». Elle aborde aussi le retour de la braderie. Elle évoque enfin les nouveaux événements : Mois givrés, Festiv’été.
Vers un plan local d’urbanisme intercommunal ?
Le nouveau plan local d’urbanisme (PLU) a été adopté par le conseil municipal de Belfort, le 25 septembre. Samia Jaber a regretté de recevoir un document aussi important seulement quelques jours avant le conseil, limitant les possibilités d’études. « Il ne prépare pas l’avenir de Belfort », regrette-t-elle. Bastien Faudot a mis sur la table la nécessité de construire un PLU intercommunal (PLUI), face à la baisse de la démographie belfortaine et à l’exil vers la première et la deuxième couronne. Il regrette le dumping d’Héricourt pour attirer les entreprises. « On aurait dû peser en ce sens, y compris nous, glisse-t-il. « L’ensemble des maires de l’agglomération doivent comprendre que si Belfort s’enrhume, c’est toute l’agglomération qui tousse. » Damien Meslot a dit être favorable à un PLUI. « J’ai réuni tous les conseillers municipaux du Grand Belfort à l’Atria [à ce sujet], confie-t-il. Mais ils ne sont pas mûrs. » Les oppositions, en aparté, ont remarqué qu’elles n’avaient pas été invitées à ce regroupement. Damien Meslot ne veut pas imposer cette idée « aux forceps », mais glisse : « Les maires sont conscients qu’un équilibre doit se faire. »
Une fin de séance très tendue
Paradoxalement, alors qu’un rapport portait précisément sur le dynamisme commercial, avec le vote d’une opération de revitalisation du territoire (ORT), les débats avaient déjà eu lieu. Cet ORT consiste en « la mise en œuvre d’un projet global de territoire destiné à adapter et moderniser le parc de logements et de locaux commerciaux et artisanaux ainsi que le tissu urbain de ce territoire, pour améliorer son attractivité, lutter contre la vacance des logements et des locaux commerciaux et artisanaux ainsi que contre l’habitat indigne, réhabiliter l’immobilier de loisirs, valoriser le patrimoine bâti et les friches urbaines, dans une perspective de mixité sociale, d’innovation et de développement durable », indique le rapport. Cet outil, inscrit dans le dispositif Action Cœur de ville, permet des mesures dérogatoires (lire par ailleurs) signifiées dans la loi Elan (23 novembre 2018). Le rapport a été approuvé sans esclandres. 38 conseillers municipaux ont voté en faveur de ce dossier et 4 ont voté contre.
Mais le ton est remonté en fin de conseil municipal. Les oppositions avaient déposé deux motions. L’une, portée par Belfort innovante et bienveillante, a été ajoutée en cours de conseil car le cabinet ne semblait pas l’avoir reçu du groupe d’opposition. Les deux se renvoient la balle. La première portait sur la prise en charge des transports scolaires par la ville. Bastien Faudot a demandé à reprendre la parole après la réponse de la majorité, comme le permet le règlement intérieur dans ce cadre-là. Damien Meslot a refusé et a décidé de clôturer le conseil municipal. Il était 22 h 55. Il n’a pas regardé la deuxième motion, ce qui a ulcéré Samia Jaber. « Quand Damien Meslot était député, il votait les lois, maintenant il fait la loi », a tancé dans un brouhaha Bastien Faudot. Cette deuxième motion concernait un moratoire sur les constructions neuves à Belfort. De l’aménagement du territoire… La campagne est lancée. Le ton est donné. Il risque d’être agressif.
Les mesures dérogatoires octroyées par l’ORT
- l’exemption d’autorisation commerciale pour les projets situés dans les secteurs d’intervention
- la possibilité pour le préfet de suspendre pendant au plus 4 ans l’instruction d’un projet d’implantation commercial hors périmètre d’ORT, à la demande de la collectivité ou de sa propre initiative
- la possibilité de concrétiser des projets à travers des dispositifs expérimentaux, comme le permis d’innover ou le permis d’aménager multi-site
- la possibilité pour les communes concernées par l’ORT de bénéficier de l’outil de défiscalisation Denormandie
- instaure le droit de préemption urbain renforcé et le droit de préemption sur les fonds artisanaux, les fonds de commerce, les baux commerciaux et les terrains faisant l’objet de projets d’aménagement commercial
- facilite la mise en œuvre de la procédure liée à l’abandon manifeste d’une partie d’immeuble,
- instaure l’obligation d’information préalable du maire et du président de l’EPCI six mois avant la fermeture d’un service public de l’Etat,
- favorise les opérations immobilières mixtes logements-commerces en centre-ville.