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La population du nord Franche-Comté retrouve son total des années 1970

Vue de Belfort et vers le pays de Montbéliard depuis le sommet du Salbert (© CC BY 2.0 – Thomas Bresson).
La dynamique démographique du nord Franche-Comté est à la baisse. Elle dépasse difficilement les 300 000 habitants. En poursuivant cette tendance, il n’y aurait plus que 290 000 habitants en 2030 dans le nord Franche-Comté. Analyse.

mis à jour le 19 janvier 2023 à 8h17

2020 est une année charnière. Pour la première fois, les courbes de la natalité et de la mortalité se croisent dans le Territoire de Belfort. En 2020, on enregistre plus de décès que de naissances dans le département. Le solde est de – 200. En 2000, le solde naturel était de 700. En 2010, il était de 640. Ce déficit du solde naturel est une réalité de toute la région.

Certes, l’année 2020 est singulière. Elle est marquée par la pandémie de covid-19, entraînant une hausse de la mortalité (+ 16 % par rapport à 2019 dans le Territoire de Belfort). 1 590 personnes, domiciliées dans le Territoire de Belfort, sont mortes en 2020, contre 1 200 à 1 300 par an, en moyenne, ces quinze dernières années. Malgré cet effet, « le nombre de décès est orienté à la hausse depuis 2010 », observe l’Insee Bourgogne-Franche-Comté dans une analyse de mai 2021, même si le taux de mortalité du département (11,4 ‰) reste inférieur à celui de la région (12,1 ‰). Le vieillissement de la population et « l’arrivée des générations nombreuses du baby-boom à des âges avancés de forte mortalité » explique aussi cette tendance, ajoute l’Insee.

Car si les décès augmentent, les courbes se croisent aussi car la natalité chute. Quand on enregistrait 1 890 naissances par an en 2000 et 1 800 en 2010, elles n’étaient plus que de 1 390 en 2020. Et entre 2019 et 2020, c’est une chute de 4,4 % des naissances que l’on enregistre. « Depuis 2007, la tendance est de plus en plus marquée », confirme Christophe Basso, directeur régional adjoint de l’Insee Bourgogne-Franche-Comté, chef du service Études-Diffusion. Et l’enchaînement des crises (sanitaires, énergétiques, climatiques) ne favorise pas la confiance en l’avenir ; et le taux de natalité s’en ressent.

« La population féminine de 15 à 49 ans diminue également de façon continue depuis 1997, observe l’Insee. De 25 % en 2000, elle est désormais de 20,7 % en 2020. » Même s’il est plus élevé que globalement dans la région, l’indicateur conjoncturel de fécondité passe de 2,02 enfants par femme en 2000 à 1,84 en 2020. Le nombre de femmes en âge de procréer (15-49 ans selon le classement de l’Insee) passe, quant à lui, de 34 000 en 2000 à 32 800 en 2010, puis à 29 000 en 2020. Et la diminution de cette catégorie de la population s’accélère. Alors que la baisse était de 3,53 % dans la première décennie du XXIe siècle, elle était de 11,59 % dans la seconde. Ce déficit devient donc structurel. Il se cumule à un déficit migratoire important – il y a plus de personnes qui quittent le territoire que d’autres qui y viennent – avec une dégradation forte de cette tendance ces dernières années, observent les démographes. Dans les années 2000, on perdait 100 à 150 personnes par an dans le Territoire de Belfort. Entre 2014 et 2020, c’est de l’ordre de 800 personnes par an schématise un analyste.

Garder sa population

Au 1er janvier 2020, population légale, le nord Franche-Comté compte 300 763 habitants. Il a accueilli jusqu’à 309 229 personnes, en 1982. Ces vingt dernières années, il a enregistré jusqu’à 307 168 personnes en 2011 et 307 101 personnes en 2012. Depuis, il perd des habitants. En 1968, il y avait 272 991 habitants et 304 697 en 1975.

Là encore, ce qui interpelle, c’est l’accélération de la tendance baissière. Quand la population a baissé de 0,38 % entre 2011 et 2015, elle a chuté de 1,71 % entre 2015 et 2020. Certes, ce n’est pas un cas isolé dans la région. La Bourgogne-Franche-Comté est la première région métropolitaine à perdre des habitants. Elle recule de 0,1% par an depuis six ans alors la France métropolitaine croit de 0,3 % par an. Les jeunes quittent ces territoires, même si dans la région la dynamique est moins marquée en Côte-d’Or et dans le Doubs, grâce à Dijon et Besançon, cités attractives. Dijon Métropole a gagné plus de 6 000 habitants en six ans et le Grand Besançon près de 4 000. Auparavant, le solde naturel limitait les effets du solde migratoire négatif. Ce n’est plus le cas.

Le pays de Montbéliard a perdu 828 habitants en 6 ans. Et Belfort est la ville qui connaît la baisse la plus importante (lire notre article), suivie de Nevers, rappelait l’Insee en fin d’année 2022. Il est vrai que quelques cités, comme Montbéliard, gagnent des habitants. Mais c’est anecdotique. Auparavant, les communes péri-urbaines gagnaient aussi des habitants, c’est beaucoup moins vrai aujourd’hui. Il y a quelques années, l’Insee avait modélisé des projections (à partir des tendances passées) de la démographie du nord Franche-Comté. Et aujourd’hui, la courbe suit son hypothèse basse. Elle est même légèrement en-dessous. Si on poursuit sur cette dynamique, le nord Franche-Comté comptera 290 000 habitants en 2030.

La vision globale du territoire est inquiétante observe un analyste avisé de la région. « Ce n’est pas la création de logements qui augmente le solde migratoire, c’est l’emploi », raille cette même source, qui souhaite conserver l’anonymat et qui dénonce une logique communale de la démographie à défaut d’une réflexion d’envergure. « Il y a un problème d’attractivité », convient Christophe Basso. Un réalité qui n’est pas spécifique au Territoire de Belfort, ni au nord Franche-Comté. Elle l’est aussi dans la Nièvre. On répond que la dynamique enclenchée autour de l’hydrogène doit aussi rendre attractif le territoire, avec la venue de grandes entreprises à l’instar de McPhy. À l’inverse, rappelons que le territoire a perdu des milliers d’emplois ces dernières années dans les plans de licenciements de General Electric ou encore dans la baisse des effectifs de Stellantis à Sochaux, passés de près de 12 000 en 2010 à 6 000 en 2022. Et l’industrie pèse pour un quart des emplois dans ce territoire, souvent qualifié de « sous-tertiarisé », comme le décrivait le géographe Laurent Chalard dans nos colonnes l’an passé (lire notre article). De manière générale, on a observé ces dernières années un recul de l’emploi (lire notre article).

Mais avant d’attirer des gens, il faut aussi réussir à conserver ses habitants observe Christophe Basso ; le déficit de jeunes femmes, un peu plus marqué que dans la région pour les 20-24 ans, en témoigne. Cette dynamique démographique pose des questions autour de la valeur des biens immobiliers, de la mise en place de politiques publiques. Plusieurs centaines de lois font référence à la population légale et à ses seuils.

Y a-t-il une urgence démographique ? Dans tous les cas, les dynamiques migratoires et du solde naturel sont loin d’être favorables. Et les raisons sont multi-factorielles. Appréhender ce sujet à l’échelle du nord Franche-Comté permettrait aussi de se prémunir du mirage des migrations internes au territoire, satisfaisant à l’échelle d’une commune, mais loin de répondre aux réels problèmes du territoire consécutifs à la désindustrialisation. Des problèmes qui sont devenus structurels.

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