Le dossier de General Electric s’était largement politisé. Aujourd’hui, le timing est à l’union sacrée. C’était en conseil communautaire extraordinaire du Grand Belfort, ce mardi soir. Avec la volonté d’appuyer les projets auprès du gouvernement.
Le dossier de General Electric s’est largement politisé. Mais aujourd’hui, le timing est à l’union sacrée. C’était en conseil communautaire extraordinaire du Grand Belfort, ce mardi soir. Avec ou sans General Electric, l’ambition est d’envisager l’avenir industriel de Belfort et du nord Franche-Comté. Une motion a été approuvée (lire ci-dessous) par les élus (retrouvez notre dossier complet).
Mardi soir, Belfort a compté ses forces. Prête à livrer bataille. Et elle l’a affirmé haut et fort. Déterminée. Damien Meslot, président du Grand Belfort, a convoqué un conseil communautaire extraordinaire pour adopter une position commune face à la situation inquiétante de General Electric. Autour de lui, les élus communautaires, le Département, les deux députés, mais aussi Marie-Guite Dufay, présidente de la région Bourgogne-Franche-Comté. Le président de l’agglomération avait aussi convié les élus syndicaux de General Electric. On a parlé « d’union sacrée ». Les élus n’étaient pas dupes de tous les enjeux, notamment électoraux, mais ils étaient conscients que la division ne mènerait nulle part. On était là pour parler « de l’avenir de notre tissu industriel et de l’attractivité du territoire », adhère Samia Jaber. Même si quelques piques ont été lancées ici et là !
Les syndicats parlent aux élus
Pendant deux heures et demie, les élus se sont exprimés. De manière presqu’unanime, ils se sont émus de la situation et ont rejeté le « pillage organisé des savoir-faire », dixit Damien Meslot. Mais ils ont d’abord écouté. Écouté trois élus syndicaux, représentants de Sud, de la CGT et de la CFE-CGC. Comme un symbole de l’entente possible entre différents organes politiques lorsque la situation l’exige. « Nous pouvons nous féliciter de ce type d’exercice », a salué l’ancien parlementaire Jean Rosselot. On a donc parlé du marché des turbines à gaz. De cette situation qui n’est pas aussi dramatique que le suggère General Electric. « Si le marché du gaz 60 Hz a chuté de 55 %, le marché du gaz 50 Hz, bien plus important, n’a baissé que de 25 % », relate la motion. On a aussi évoqué les programmes de diversification autour de l’aviation, de l’hydrogène et du plan grand carénage. Des programmes que l’intersyndicale façonne depuis de longs mois. « Nous sommes contents de sortir de l’entreprise, confie Jean-Louis Vignolo, délégué CFE-CGC, un syndicat de cadres. Je suis content de normaliser nos relations. Nous avons beaucoup de choses à nous dire. »
Michel Zumkeller s’est attardé sur l’attitude du géant américain et du Gouvernement. Notamment sur la pénalité de 50 millions, observée comme une aide et non comme une amende. « Dans quel pays un haut fonctionnaire qui a préparé une fusion devient directeur [de cette entité] », a également questionné le parlementaire, visant la nomination de Hugh Bailey à la direction de GE France, alors qu’il avait été au cabinet d’Emmanuel Macron. Selim Guemazi, élu d’opposition à Belfort, s’est attardé sur les 63 % des salariés de GE qui dénonçaient leurs conditions de travail. « Le mal semble être fait depuis bien longtemps, sournoisement », regrette-t-il. N’oubliant pas de glisser, comme un secret de Polichinelle, à l’adresse de Damien Meslot : « Nous attendions des cadres, nous avons des licenciements. »
« Soyons unis, déterminés et fiers »
« Il faut prendre la mesure de ce qui se joue », a déclaré pour sa part Bastien Faudot (GRS), rappelant que les turbines des centrales nucléaires et des sous-marins lanceurs d’engins sont détenues par General Electric depuis 2015. Il a surtout formalisé un hommage appuyé à Jean-Pierre Chevènement et Christian Proust pour leur engagement sur la prise en charge de l’immobilier d’entreprises, à la suite du départ de Bull. Le fameux Techn’Hom. L’élu d’opposition, s’il souscrit à la motion, a regretté son ton « vindicatif ».
« Nous sommes dans un bras de fer, lui a répondu Damien Meslot. Si nous nous comportons comme un petit garçon avec un doigt sur la couture, cela ne marche pas. » Et de rappeler comment, en 2016, leur refus de la fermeture de l’usine d’Alstom à Belfort avait permis d’annuler une décision qui avait été formulée avec une fin de non-recevoir. « On a montré les dents », rappelle-t-il à l’assemblée.
« Nous avons la légitimité, au nom de notre écosystème, de parler pour dire au Gouvernement : « Agissez ! » », a relevé de son côté Marie-Guite Dufay. Elle appelle à ce que l’État soit “stratège” de la politique industrielle. Il a les leviers pour agir. « Soyons unis, déterminés et fiers », a-t-elle lancé aux élus, leur rappelant que le nord Franche-Comté est « le poumon industriel de la Bourgogne-Franche-Comté » et qu’il est un élément central de la politique industrielle de la France.
Un appel au président de la République
La motion (ci-dessous), de trois pages et 1 300 mots, a été approuvée par 91 voix pour et 1 voix contre. Elle sollicite le président de la République pour qu’il tienne ses engagements pris à Belfort en 2015, qu’il étudie les propositions de diversification, qu’il prenne les mesures à la préservation de l’emploi et de l’industrie à Belfort et qu’il reçoive les élus du Territoire pour aborder la situation.
Elle sera transmise à l’ensemble des communes et collectivités du Territoire de Belfort, « pour que l’ensemble du territoire puisse s’en saisir », a conclu Damien Meslot. « Les seuls combats perdus d’avance sont ceux que l’on ne mène pas », a-t-il glissé, paraphrasant Jacques Chirac. Les élus sont en marche contre la fatalité.
Des activités ont déjà quitté Belfort
La motion approuvée par les élus rappelle que General Electric multiplie les annonces défavorables aux sites de Belfort. Elle liste quelques décisions :
– l’activité d’impression 3D sera implantée à Greenville ;
– les équipes de direction, les brevets, les activités commerciales et de gestion de projet (profitables) sont transférées en Suisse et aux États-Unis ;
– la fabrication de pièces stratégiques et l’assemblage de 3 modèles de turbines ont été transférés de Belfort à Greenville ;
– les politiques successives de réduction des coûts impactent la qualité des produits depuis 2008 et toute nouvelle suppression de postes pourrait menacer la pérennité des activités du site.