Depuis quelques mois, le niveau d’activité des urgences est très soutenu à l’hôpital Nord Franche-Comté. Pascal Mathis, le directeur, évoque une cinquantaine de passages au-delà de ce qui est attendu normalement. La situation est difficilement tenable. Le moindre arrêt maladie est redouté.
Depuis quelques mois, le niveau d’activité des urgences est très soutenu à l’hôpital Nord Franche-Comté. Pascal Mathis, le directeur, évoque une cinquantaine de passages au-delà de ce qui est attendu normalement. La situation est difficilement tenable. Le moindre arrêt maladie est redouté.
« Nous sommes au bord de la rupture », prévient le directeur de l’hôpital Nord Franche-Comté, Pascal Mathis, au sujet de la situation aux urgences. Depuis plusieurs mois, le nombre de passages par la case urgence est très dense. Trop dense. Il en appelle à la responsabilité de tous. « La situation actuelle risque de générer un blocage dans peu de temps. Nous sommes inquiets de cette aggravation », explique le directeur. Il faut absolument éviter les passages indus, prendre rendez-vous si ce n’est pas urgent ou aller chez son médecin traitant, détaille-t-il. Le but : gagner 10 à 15 % des passages, de la sorte.
Il évoque le problème rencontré par les urgentistes : des passages pour de la bobologie (maux de ventre, de gorge, d’oreille) qui engorgent les urgences. D’un service dimensionné pour 200 patients, les urgences en reçoivent quotidiennement 250-260. Avec un pic plusieurs jours de suite à 300 patients, ce mois de juin. « Aujourd’hui, si un seul de nos médecins se met en arrêt, on ne sait pas comment on va faire derrière », s’alarme le Dr Luc Sengler, chef de pôle.
« Sur les passages journaliers, 50 à 60 se traduisent par des hospitalisations », détaille le chef de pôle. Mais dû au temps passé sur des soins de « bobologie », les cas les plus graves doivent attendre. « Il y a un effet cumulatif qui nous empêche de gérer les vraies urgences », décrypte le directeur de l’hôpital. Pour illustrer la situation de rupture, le Dr Sengler donne le cas d’un patient qui a dû attendre aux urgences 57 heures pour être transféré entre les urgences et le service d’hospitalisation. « Tous ces aléas et cet engorgement entraînent des réelles insécurités pour les patients », souffle-t-il.
Bobologies en série
Sur les 250 passages journaliers au minimum, le Dr Sengler évoque au moins 30 renvois par jour. « Pour expliquer aux familles et au patient pourquoi on le renvoie, cela peut prendre du temps. Parfois 20 minutes. C’est un moment chronophage et difficile. » Parmi ces renvois : des consultations pour des otites, des angines, des états grippaux bénins. « Il ne passe pas un jour sans avoir ce type de consultation. Les gens n’ont pas de limite. »
Selon ses estimations, 95% des radios faites aux urgences reviennent normales et au moins 50 patients pourraient attendre la prise de rendez-vous ou le passage chez leur médecin traitant, chaque jour. Cela permettrait de prendre en charge plus vite « une plaie à suturer, la déformation d’un membre ou un traumatisme crânien avec vomissement ». Et d’éviter des temps d’attente trop longs, qui suscitent de l’agacement chez les patients et les praticiens.
Ce qu’il manque ? De la régulation, s’accordent les professionnels. « Les gens n’appellent plus assez le 15, qui permet de réguler et réorienter, estiment-ils, avant de nuancer : Mais même eux (au centre régional, ndlr) sont débordés, alors ils redirigent vers les urgences de leurs côtés, ce qui n’est pas une solution. »
Épuisement et manque de personnel
Ce point de non-retour aux urgences se superpose à des années de pandémie qui ont épuisé les équipes, précise la direction. « Nous avons des médecins qui accumulent entre 150 et 700 heures supplémentaires », sur la période du 1er janvier à fin août (en prenant en compte des heures déjà programmées sur l’été).
Quant au personnel paramédical, la coordinatrice générale des soins, Karine Demesy-Nycz, évoque des effectifs « minimums, même en deçà ». Malgré des recrutements très prochains grâce aux diplômés de l’IFMS (institut de formation aux métiers de la santé) de Montbéliard, il manquera encore environ 55 infirmiers et infirmières pour combler les trous (lire notre article), confie-t-elle.
Les professionnels évoquent aussi la difficulté pour les patients de continuer à consulter en médecine de ville, alors que beaucoup de médecins libéraux partent à la retraite et que le renouvellement est plus que compliqué. « Nous avons toujours eu ces mouvements de départ. Mais il y a de plus en plus de difficultés pour remplacer les médecins après les départs en retraite », expose le directeur. Ce qui amplifie, encore plus, le déplacement des populations vers les urgences.
L’agrandissement des urgences au stade du plan
Un agrandissement ? « On en a plus que besoin », confirme le directeur de l’hôpital. Pour le moment, le projet est au stade des plans qui, espère-t-il, devraient être finalisés dans les prochains jours.
Au total, la direction espère développer une structure de 500-550 m2 en facade, opérationnelle d’ici 2 ans, 2 ans et demi (notre article). « La difficulté que l’on a, c’est que les travaux risquent de perturber le fonctionnement des urgences déjà en difficulté », même s’il y a un vrai besoin, affirme le directeur. Toutes dépenses confondues, le projet est chiffré à 6 millions d’euros.