Une femme meurt tous les trois jours, en France, sous les coups de son compagnon. Mais la lutte contre les violences faites aux femmes est un défi du quotidien. « Tout le travail consiste à essayer de libérer la parole », insiste Raphaël Sodini, préfet du Territoire de Belfort. Ce vendredi 25 novembre, peut avant 12 h, il vient d’acheter une baguette de pain à la boulangerie Demeusy, à Bavilliers. Une baguette à l’emballage singulier. Elle comporte le numéro d’alerte 3919, la plateforme nationale de référence pour les femmes victimes de violences. C’est l’un des moyens mis en place lutter contre ces violences. « Mais pour que [ce dispositif] marche, nous devons le faire connaître », note le préfet.
À l’occasion de la journée internationale pour l’élimination des violences à l’égard des femmes, 10 000 baguettes ont été distribuées par le réseau local de boulangeries Demeusy avec une pochette comportant ce numéro d’appel : trois à Belfort ; une Valdoie ; une à Bavilliers ; et une à Grandvillars. « Le pain est un outil du quotidien », replace le représentant de l’État. Un produit qui entre dans beaucoup de foyers. « Ce numéro sauve des vies chaque jour ou permet à des femmes de sortir de l’anonymat », confie Raphaël Sodini. Cette journée internationale a été l’occasion de souligner de nombreux dispositifs mis en place dans le département pour lutter contre ces violences.
La gendarmerie nationale a par exemple inauguré une maison de protection des familles, en fonction depuis le 1er septembre, et qui fonctionne 24h/24 et sept jours sur sept. Cette maison se matérialise par l’aménagement d’une salle d’accueil des victimes dans les locaux du groupement de gendarmerie départemental, à Belfort. « Par son expertise dans le domaine des violences intrafamiliales, la maison de protection des familles est chargée de conseiller les militaires des autres unités et de réaliser les auditions (mineurs témoins ou victimes, majeurs handicapés ou victimes de violences intra-familliales) », détaille la gendarmerie sur ses réseaux sociaux. Avec ce dispositif, les militaires peuvent aussi renforcer le réseau des partenaires de cette lutte. La maison de protection des familles est constitué de trois gendarmes, référents violences intrafamiliales. Une convention a été signée avec l’union départementale des premiers secours du Territoire de Belfort (UDPS 90) pour assurer le transport de femmes victimes de violence (en dehors des cas d’urgences), pour faciliter leur prise en charge et les mettre à l’abris.
Éviction du conjoint violent
Entre 2021 et 2022, les faits constatés de violences intrafamiliales ont fortement augmenté dans l’agglomération belfortaine, passant de 257 à 379 (+ 47 %) ; depuis le début de l’année, 150 de ces violences sont des violences conjugales. Selon le préfet, c’est aussi le résultat d’un accroissement du nombre de déclarations ; ces violences existaient mais n’étaient pas connues. Et le but est bien d’en « déceler plus ». On note aussi une croissance des garde-à-vue, qui passent de 54 à 154 sur la même période. « C’est une chose de déceler. C’est une chose de prendre en charge. C’en est une autre de judiciariser », détaille le préfet. Et l’augmentation du nombre des garde-à-vue des auteurs de violence indique que cette judiciarisation s’accroit. « C’est le premier acte qui va permettre de pénaliser l’auteur », note-t-il.
De nouveaux outils de prise en charge des auteurs sont également sur la table, notamment des programmes « d’éviction » du domicile, pour limiter la double peine des victimes : être victime de violences et devoir partir de son domicile, particulièrement lorsqu’il y a des enfants. Il existe 4 places de ce type, dans le Territoire de Belfort. L’auteur, sous contrôle judiciaire, est inscrit dans un dispositif, avec des prises en charges sociales et psychologique. « Il faut favoriser la prise de conscience et limiter la récidive », détaille le préfet. 10 places devraient être ouvertes dans ce dispositif, en 2023. Le département dispose également de 18 téléphones « grave danger » et de bracelets anti-rapprochement.
Cette lutte « est un travail de longue haleine », convient l’ensemble des partenaires. Que ce soit pour libérer la parole, sensibiliser ou prendre en charge. Victimes et auteurs.