Les travaux de rénovation de la chapelle Notre-Dame du Haut, à Ronchamp, œuvre de Le Corbusier, vont débuter. On aperçoit déjà les premiers échafaudages, qui vont permettre de colmater les fissures. La fin des travaux est attendue en 2024.
Les travaux de rénovation de la chapelle Notre-Dame du Haut, à Ronchamp, œuvre de Le Corbusier, vont débuter. On aperçoit déjà les premiers échafaudages, qui vont permettre de colmater les fissures et de renforcer l’étanchéité. La fin des travaux est attendue en 2024.
Il est 12 h. Le campanile de Jean Prouvé, qui trône à quelques mètres de la chapelle Notre-Dame-du-Haut, œuvre de Le Corbusier à Ronchamp, résonne. Les cloches réchauffent les cœurs alors que des vents glaciales fouettent les visages. Elles emplissent le sommet de la colline de Bourlémont d’une atmosphère unique. Particulière. Elles l’habitent, alors que le lieu est déserté par les touristes depuis des mois. Crise sanitaire oblige.
Sur le mur sud de la chapelle façonnée par Le Corbusier et inaugurée en juin 1955 ont été installés quelques échafaudages. Les premiers d’une longue série. Dans cette période étrange, pleine de solitude et de doutes, la chapelle entame sa résurrection. La première restauration d’envergure de l’édifice du maître de l’architecture moderne entame sa phase opérationnelle. Une restauration qui doit être menée jusqu’en 2024 ; elle s’élève à 2,3 millions d’euros.
Une restauration d’autant plus nécessaire que la chapelle est inscrite depuis 2016, avec d’autres sites Le Corbusier, au patrimoine mondial de l’Unesco. Aucun site ne doit faire défaut, sinon tous sont retirés relève Benoît Cornu, maire de Ronchamp, et qui a porté le dossier de reconnaissance.
Le campanile de Jean Prouvé résonne à côté de La Chapelle Le Corbusier à #Ronchamp alors que les travaux 🚧 de restauration sont lancés @CNDH_Ronchamp pic.twitter.com/CajEIURZ7n
— Le Trois (@letrois_info) February 12, 2021
Un corps creux
Ici et là, le regard croise des fissures. Le fait que la chapelle n’ait pas été repeinte depuis 1995 accroît la visibilité du phénomène. La chapelle n’est pas en péril. Mais il faut s’en occuper. Comme toutes constructions, il faut un entretien, d’autant plus quand celle-ci n’est pas chauffée et qu’elle subit des variations climatiques importantes comme c’est le cas au sommet de la colline. On constate notamment sur la chapelle des épaufrures. « Ce sont des éclats de surface qui résultent du gonflement des ferraillages par oxydation liée à la migration d’humidité dans les microfissures du béton », explique l’association Œuvre Notre-Dame du Haut, propriétaire des lieux. On observe aussi des fissures, conséquence « d’un appareillage de maçonnerie mal liaisonné ou par manque de chainage », indique l’association. Mais se pose aussi des questions d’étanchéité.
Jean-Jacques Virot, le président de l’association, le rappelle. La construction de cette bâtisse n’a appelé qu’un seul corps des métiers, celui des maçons. À l’époque, le chantier a été particulièrement dur. Il n’y avait pas d’eau au sommet. L’hiver 1954 a été très rude. Il a fallu tout monter et la route d’accès n’existait pas. « Elle a été construite avec des pelles, des truelles et des cordes, sourit Jean-Jacques Virot. C’étaient des conditions assez rudimentaires de chantier. » On a aussi testé des méthodes qui n’étaient qu’expérimentales à l’époque et on a eu recours à de nombreux matériaux de récupération.
Un soutien financier fort
L’ensemble du chantier coûte 2,3 millions d’euros. 90 % des financements sont assurés par l’État (50 %), le conseil régional Bourgogne-Franche-Comté (20 %) et le conseil départemental de Haute-Saône (20 %). Pour les 10 % restant, l’association a mis en place une collecte, par l’intermédiaire de la fondation du patrimoine. 78 000 euros ont déjà été collectés, auxquels s’ajoute du mécénat. Plus de Plus de 120 000 euros doivent être collectés pour poursuivre le chantier. « Les dons doivent continuer », note à cet égard la fondation du Patrimoine, présente à la conférence de presse.
Si l’on voit en cette chapelle une ode au béton, il faut aussi se méfier. « Le bâtiment est plus hétérogène qu’on ne le pense », note le président, qui a enseigné l’architecture. La part du béton est relativement réduite. « D’un point de vue structurel, c’est un corps creux, porté par des pilotis », poursuit-il. La coque, par exemple, est composée de deux voiles de béton de 6 cm, séparées de 2,5 mètres.
La société Albizzati pour restaurer
Le chantier de maçonnerie est confié à une entreprise belfortaine bien connue. Et reconnue. La société Albizzati. Elle est intervenue sur le lion de Belfort en 2019 (retrouvez ici l’article de notre partenaire Traces écrites news). Elle a participé, dernièrement, au chantier du nouveau palais de justice de Paris, imaginé par l’architecte de renom Renzo Piano, qui a aussi façonné le monastère Sainte-Claire et la Porterie, sur la colline Notre-Dame du Haut. « Il y a beaucoup de respect », confie Alain Albizzati, p-dg de la société. Pour une société de maçonnerie, la chapelle Le Corbusier est à part. C’est l’image du béton. « C’est une matière que l’on adore », sourit l’architecte de formation. Tout en notant que l’importance du lieu confère « une charge supplémentaire », qui invite à toujours « se questionner ».
Depuis le lancement de ce projet de restauration, l’association en a beaucoup appris sur cette chapelle, classée aux Monuments historiques depuis 1967. Et elle compte bien encore agrémenter ses connaissances. « La vérité est à lire dans le bâtiment lui-même », estime Jean-Jacques Virot. On s’attend à ce que le chantier nous donne plus d’informations sur lui-même. » Il y a quelques années, l’association a récupéré des photos du chantier originel, réalisées par Bueb (quelques extraits ici) qui ont aussi permis de renseigner sur la nature de cette bâtisse.
Un travail de médiation culturelle sera mené autour du chantier pour que les visiteurs voient comment cela se passe. « Il faut que le chantier rende curieux », invite Jean-Jacques Virot.
Ce mardi, un nouveau comité scientifique se réunit avec l’architecte des Bâtiments de France, la fondation Le Corbusier, l’association et les entreprises pour discuter des derniers détails et des protocoles d’intervention. Après cinq années d’études, le chantier est lancé.
Cinq grandes phases
- Phase 1 : les travaux, d’un montant de 539 000 euros, concernent la façade sud et la sous-face de la coque, avec du décapage, du colmatage de fissures et la reprise de treillis métalliques oxydés. Des travaux d’étanchéité seront aussi réalisés. Le tout sera remis en peinture. L’Abris du pèlerin et la maison du Chapelain seront mises hors d’eau ; ce sont des mesures conservatoire. Des relevés volumétriques seront prochainement faits sur la chapelle, par des drones (calendrier : jusqu’en octobre 2021) ;
- Phase 2 : restauration des façades Est et Nord, ainsi que des tourelles, pour 235 000 euros. Décapage, reprise des fissures, étanchéité et remise en peinture (calendrier : novembre 2021 – juillet 2022) ;
- Phase 3 : le chœur extérieur (façade Est) et la grande tour, pour 513 000 euros. On reprend notamment une grande fissure traversante sur la tour (août 2022 – juin 2023) ;
- Phase 4 : restauration des badigeons intérieurs, pour 264 000 euros (juillet 2023 – janvier 2024) ;
- Phase 5 : restauration de l’abri du Pèlerin et de la maison du Chapelain, pour 745 000 euros (février à août 2024). Pendant l’ensemble du chantier, on intervient sur les vitraux, de la chapelle.