Depuis lundi soir, un piquet de grève s’est constitué devant l’unité n°1 de l’usine SMRC, à Rougegoutte, un équipementier de PSA. Les salariés s’insurgent contre la décision de la direction française de remettre en cause des acquis, notamment issus de l’accord des 35 heures. Elle veut signer un accord de performance et de compétitivité.
Depuis lundi soir, un piquet de grève s’est constitué devant l’unité n°1 de l’usine SMRC, à Rougegoutte, un équipementier de PSA. Les salariés s’insurgent contre la décision de la direction française de remettre en cause des acquis sociaux, notamment issus de l’accord des 35 heures. Elle veut signer un accord de compétitivité.
« On sort pour ne pas perdre quelque chose. Avant, on sortait pour revendiquer. On revient au Moyen Âge. » À Rougegoutte, au pied du ballon d’Alsace, dans le froid – et par moment sous la neige – Géraldine Faudot, déléguée syndicale centrale Force ouvrière, est remontée. Depuis lundi, 22 h 30, des salariés tiennent un piquet de grève sur le parking situé juste en face de l’unité 1 de l’usine SMRC (Ex-Reydel), un équipementier de PSA. En 2018, Reydel a été racheté par un groupe Indien, Motherson ; l’entité devient alors Samvardhana Motherson Reydel Companies (SMRC).
Le 19 novembre, les représentants du personnel ont reçu un courrier dans lequel la direction annonçait qu’elle dénonçait des accords d’entreprise. Notamment les accords instaurant les 35 heures, qui datent de 1999 ! Une décision qui s’inscrit dans une volonté de signer un accord de performance collective ; en clair, un accord de compétitivité. Le projet a d’abord été présenté cet été aux représentants du personnel. Ils ont refusé de discuter au cœur de l’été, alors que les salariés sont en vacances. Rendez-vous est pris à la rentrée. Les propositions étaient « uniquement axées sur les acquis des salariés », dénonce Thierry Thieriot, secrétaire du comité social et économique (CSE) de l’établissement, de la CGT. « Ils n’ont même pas écouté les propositions des syndicats », tance-t-il.
Taux horaire
Aucun accord n’ayant été trouvé, la direction a envoyé cette lettre le 19 novembre. « Cette dénonciation est rendue nécessaire pour que nous puissions nous adapter et ainsi restaurer notre compétitivité face à nos principaux concurrents mais également maintenir l’emploi et les investissements en France », se justifie la direction dans ce document, que Le Trois a pu consulter. L’idée générale de ce plan de compétitivité est de baisser « le taux horaire des sites français », souffle un salarié présent sur le piquet de grève.
Si des négociations devraient être ouvertes pour discuter des prochains accords collectifs, l’idée réside quand même dans une volonté de réduire ces acquis et de diminuer les RTT. Les accords sont jugés « obsolètes » par la direction, qui veut aussi « harmoniser les règles relatives à l’organisation et la durée du travail au sein de nos différents établissements ».
Mais au-delà de ces acquis inscrits dans des accords, des acquis « d’usage » sont déjà remis en cause. C’est notamment le cas de l’organisation des pauses. Les salariés de production bénéficient notamment de 30 minutes de pause (inscrite dans la convention de la plasturgie), mais aussi de 2 fois 10 minutes de pause dans la journée ; c’était un usage à SMRC Rougegoutte. Les 20 minutes sont remis en cause. Cela doit permettre d’économiser 40 000 euros estime un représentant du personnel.
4,8 millions d’euros de rebus
Les représentants des salariés sont d’autant plus remontés que le rebut – pièces jetées pour malfaçon – s’élève, chaque année, à 4,8 millions d’euros. Selon eux, les cadences infernales, les renouvellements importants des intérimaires sur les lignes conduisent à cette situation. « On ne peut pas être compétitif en ayant 400 000 euros de rebut chaque mois », dénonce Thierry Thieriot, qui évoque aussi le poids de l’absentéisme. Une situation marquant un certain « mal-être » dans l’entreprise confirme Agnès Auger, élue Force ouvrière à la commission de santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT). « Si les gens arrêtent, c’est qu’ils sont dégoutés », rappelle-t-elle. Et Géraldine Faudot de conclure, alors que la nuit tombe : « Il faut qu’ils arrêtent de taper sur les petits salaires ! »
Sollicitée sur place, la direction de l’établissement a précisé qu’elle ne faisait « pas de communication ».
SMRC, un équipementier de PSA
Selon les représentants des salariés, SMRC emploie 436 salariés et environ 300 intérimaires, répartis sur les deux unités de production. Celle au cœur du village de Rougegoutte fabrique les panneaux de porte et l’unité n°2, au nord du village, fabrique les tableaux de bord. Ce sont des équipements que l’on retrouve sur les Peugeot 3008 et 5008, ainsi que sur l’Opel Grandland X. En 2023, SMRC a la confirmation de conserver la réalisation de ces équipements. Pourtant, selon les syndicats, si les tableaux de bord seront toujours bien réalisés dans l’unité 2, les panneaux de porte devraient être faits à l’usine de Nitra, en Slovaquie. Une situation qui étonne les syndicats, alors que l’entreprise SMRC à Rougegoutte vient d’être éligible au fonds de modernisation automobile et qu’elle a reçu 800 000 euros. Lors de la présentation du plan de relance du Gouvernement, le préfet du Territoire de Belfort, Jean-Marie Girier, soulignait que cette subvention permettait de confirmer l’installation de l’usine dans le village de Rougegoutte. Les syndicats questionne alors l’obtention de cette enveloppe si une partie de la production est programmée, à partir de 2023, en Slovaquie.