« Quand on est éleveur, on a peur que la dermatose nodulaire contagieuse arrive dans son exploitation », confie Claude Monnier, éleveur, à la retraite, de vaches laitières, à Croix. Dans le Territoire de Belfort, aucun cas de dermatose nodulaire contagieuse n’a été recensé pour le moment.
Cette maladie qui s’attaque aux bovins a déjà fait des ravages dans le Doubs et le Jura. Début décembre, un cheptel de 83 bovins a été abattu près de Besançon (lire notre article). Comme les autorités l’imposent, lorsqu’une des vaches est détectée positive à la dermatose nodulaire contagieuse, tout le troupeau est abattu. Et cela afin d’éviter que la maladie ne se répande.
« Le système d'abattage total est quasi insupportable »
La peur de découvrir une vache contaminée dans son cheptel crée un climat anxiogène chez les éleveurs. Au-delà de l’aspect financier, cet abattage systématique affecte émotionnellement les éleveurs. Partout en France, des manifestations ont été organisées contre ce système. Cela a notamment été le cas près de Besançon, où des échanges tendus ont eu lieu entre les centaines de manifestants et les forces de l’ordre. Et pour cause, Claude Monnier le rappelle, un cheptel ne se crée pas en quelques années, mais sur plusieurs générations. « Le système d’abattage total est quasi insupportable pour n’importe quel éleveur », développe-t-il.
Pourtant, il l’assume de façon honnête : « Si la maladie se déclare dans un élevage loin de chez moi, je suis plutôt favorable à l’abattage total, parce que ça protège le restant. Mais si ça venait chez moi, je ne sais pas si je serais vraiment d’accord ». Pour lui, toute la difficulté de cette crise est qu’elle allie l’économie et l’émotionnel. Certes, un abattage aura pour l’éleveur des conséquences financières, mais aussi psychologiques. C’est un aspect évoqué par la Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles (FDSEA) 90. « Quand on est éleveur, on aime nos animaux », développe Jean-Noël Monnier, président de la fédération et fils de Claude Monnier.
La Mutualité Sociale Agricole (MSA) a mis en place une cellule de crise pour accompagner les éleveurs. Avec des assistantes sociales, les éleveurs sont accompagnés psychologiquement. Une solution qui est considérée comme « impérative » par la FDSEA 90. « Il y a un besoin d’information et d’accompagnement psychologique justement parce que cette maladie crée beaucoup de craintes », explique Jean-Noël Monnier. Pourtant, la Confédération Paysanne du Doubs et du Territoire de Belfort, assure que les soutiens promis aux agriculteurs ne sont pas à la hauteur. « On a pu le constater à Pouilley-Français: l’accompagnement, il n’y en a aucun », regrette Laetitia Genty, membre de la Confédération Paysanne.
L’abattage d’un cheptel n’est pas le seul point pouvant affecter un éleveur. Claude Monnier a pu échanger avec les éleveurs de Savoie, les premiers éleveurs touchés par la dermatose nodulaire contagieuse cet été: « C’est une maladie catastrophique, parce que les animaux qui sont atteints souffrent de manière importante ».
Des conséquences financières pour les agriculteurs
Même si l’affect prend une grande part dans cette crise, les enjeux économiques sont importants. Pour lutter contre cette dermatose bovine, la France a fait le choix de l’abattage et de la vaccination ciblée. Et cela pour une raison : pouvoir maintenir les exportations. Lorsque l’animal est vacciné, sa viande ou son lait ne peuvent plus être exportés dans des pays étrangers. « Si l’exportation se ferme, je ne sais pas comment on va gérer le plan économique », se questionne Claude Monnier.
Du côté de la FDSEA 90, la vraie solution aurait été de maîtriser les déplacements des animaux dès les premiers cas. « La vaccination a un impact économique sur les fermes vaccinées », précise le président de la Fédération. Qui dit pas d’exportation, dit moins de chiffre d’affaires. Pour la Confédération Paysanne, la vaccination est la clé de cette crise. Ce que le syndicat demande : élargir la vaccination et les zones vaccinales. Dans le Doubs, une partie des exploitations sont concernées par la vaccination : « Ça crée vraiment des paniques chez les paysans et ça laisse peu d’espoir aussi aux jeunes générations ».
Lorsqu’un cheptel est abattu, l’éleveur reçoit des aides financières pour reconstruire son cheptel. Une indemnité calculée en fonction du préjudice lié à l’animal abattu. « C’est à peu près correct sur le plan strictement financier », explique Claude Monnier. Cependant, il développe l’idée qu’acheter un nouveau cheptel, n’est pas la même chose qu’acheter de nouveaux outils. « Ces animaux viennent de différents lieux et ne se connaissent pas. Il faut du temps avant qu’ils s’habituent à un tel changement », explique-t-il. Du côté de la Confédération Paysanne, Laetitia Genty met en évidence les délais d’indemnisation : « L’éleveur de Pouilley-Français est en plein dans le parcours de l’indemnisation et c’est hyper complexe », regrette-t-elle.
Se préparer à d’autres crises
Pour Laetitia Genty et Claude Monnier, le constat est le même: il faut se préparer à ce que ce genre de crise se reproduise. Notamment à cause du changement climatique. « Certains pays connaissent ces maladies depuis longtemps. Aujourd’hui ça arrive chez nous; on n’est pas du tout préparé et ça fait des dégâts », explique l’agriculteur à la retraite. La Confédération Paysanne demande que soit mis en place un protocole à suivre en cas de crise comme celle-ci. « Aujourd’hui, c’est la dermatose nodulaire contagieuse, mais demain ce sera autre chose », conclut Laetitia Genty.