Une page se tourne aux Eurockéennes de Belfort. Alors que les premiers noms de l’édition 2026 devraient être connus prochainement, un visage ne sera pas présent à la traditionnelle présentation des premières têtes d’affiche. Le responsable de la communication du festival, Hervé Castéran, est parti pour de nouvelles aventures. Le quadra, adepte des gilets de costume bien cintrés, connait parfaitement la boutique. Il y est depuis 2003. Il est d’abord passé par la programmation (2003), avant un premier passage à la communication (2004-2009) puis un arrêt au service partenariat-marketing (2010-2011). Il deviendra responsable de la communication en 2012.
À l’heure de boucler les cartons pour prendre la direction de La Chaux-de-Fonds (Suisse), les souvenirs se bousculent. Ce concert de Radiohead en 2003 (lire ci-dessous). Ou encore celui de Daft Punk en 2006, qui se poursuit en After Show jusqu’au petit matin, pour tous les travailleurs du festival, au bord de l’étang de la Veronne. Il y a d’autres souvenirs plus douloureux, évidemment. C’est le cas de l’orage supercellulaire de 2022, avec ce sentiment de vertige qu’il l’envahit lorsque l’on apprend qu’il y a des blessés. C’est aussi cette tension ressentie lors de la grève des intermittents en 2013, où la tenue du festival ne tient qu’à un vote à main levée. Tout cela est vite balayé lorsque l’on entend la Grande Scène vibrée d’une seule voix, citant par exemple le concert d’Indochine, en 2023. Ça prend aux tripes. Autant d’histoires qui façonnent l’ADN des Eurockéennes : « Aux Eurocks, les relations humaines sont plus fortes. » Jean-Paul Roland, l’iconique directeur des Eurocks, aime souvent à rappeler que le festival est une parenthèse enchantée, à distance des bruits du monde. Hervé Castéran ne dit pas autre chose.
En deux décennies, le festival a considérablement changé. Cela s’est professionnalisé. Hervé Castéran l’a bien constaté. Et combien de festivals existant en 2003 sont encore vivants aujourd’hui ? Une poignée seulement. Les cachets se sont envolés. Les coûts d’organisation aussi. Les festivals tirent la langue. En 2024, selon le centre national de la musique (lire ici), 48 % des 877 festivals de musique et d’humour analysés sont déficitaires. Pis, parmi les 70 festivals atteignant un taux de remplissage de plus de 90 %, 44 % sont déficitaires. 23 % atteignent simplement l’équilibre financier (lire notre article). Si les Eurocks sont encore là, ce n’est pas pour rien valide Hervé Castéran. « Des choix stratégiques ont été bien faits ces dernières années », salue-t-il, en rendant hommage à l’équipe en place.
L’ambitieux projet de La Chaux-de-Fonds
Celui qui aimait ramené des figures médiatiques au festival – à l’instar de Guillaume Meurice ou encore Benjamin Laverhne ces dernières années –ne part pas très loin. Mais c’est un autre monde qui s’ouvre à lui, en passant la frontière suisse. Ce qui est certain, c’est qu’il ressentait « une vraie pulsion de changement ». Il avait envie de voir de « nouvelles couleurs », de « nouvelles choses » et de « nouvelles odeurs ». Il intègre l’équipe de communication de la 1re édition de la Capitale de la culture suisse, programmée en 2027, à La Chaux-de-Fonds. Ville singulière classée à l’Unesco pour son patrimoine horloger. La patrie de Le Corbusier se lance dans un projet d’envergure, au budget de 18,5 millions de francs suisses, soit près de 20 millions d’euros ; à titre de comparaison, les Eurocks ont un budget avoisinant les 12 millions d’euros. Ce qu’il aime dans ce projet, c’est son côté « pluri-disciplinaire ». Le programme n’est pas encore connu, mais des brides ont déjà été dévoilées. On parle d’un skate park inspiré des œuvres de Le Corbusier ou encore d’habitats temporaires fabriqués avec le bois récupéré lors de la tempête de 2023, qui avait ravagé la cité horlogère le 24 juillet.
Le Belfortain connaît bien la Suisse. Déjà par Les Eurockéennes, qui ont multiplié les contacts avec des festivals helvètes (le Paléo, Montreux) ou des institutions médiatiques, comme Couleur3. Hervé Castéran y est investi aussi personnellement. Il officie comme arbitre de football, licencié au club de Boncourt, de l’autre côté de la frontière.
Un souvenir marquant
« En 2003, le soir où Radiohead – l’un de mes groupes culte – faisait trembler la Grande scène des Eurocks. J’étais alors simple stagiaire à la programmation, perdu quelque part entre les fiches techniques et l’émerveillement. Je me souviens d’avoir levé les yeux, de m’être soudain rendu compte de la démesure du lieu et cette foule qui vibrait déjà avant même la première note. Un pur moment d’intensité et le sentiment d’être le témoin privilégié d’un instant suspendu. »
En bon communicant qu’il est, une question nous taraude forcément. La pluie, mythe ou réalité aux Eurockéennes ? « Elle fait partie du casting, même si elle n’est pas toujours là », sourit Hervé Castéran. Qui file encore l’analogie : « C’est une cousine éloignée. Elle est toujours invitée, mais elle n’est pas forcément là. » Il a le sens du storytelling. C’est l’histoire de La Chaux-de-Fonds qu’il va dorénavant narrer.
