"Le président nous a fixé une mission"
La transformation de la base aérienne de Luxeuil – Saint-Sauveur est le plus gros projet de l’armée française pour les dix prochaines années, a rappelé le colonel Emmanuel Roux, commandant de la base aérienne 116. Ainsi, lorsqu’Emmanuel Macron est venu à Luxeuil en mars 2025, ce n’était pas que pour annoncer une bonne nouvelle : « Le président est venu nous confier une mission : nous avons dix ans pour construire la première base de France », a précisé le commandant de la BA116. Un challenge en soit, qu’il a pris soin de replacer dans un contexte international extrêmement tendu : il a ainsi rappelé que le chef d’état-major des armées françaises a clairement indiqué se préparer à « un choc avec la Russie d’ici trois ou quatre ans », tout en précisant que ce choc ne se produirait probablement pas sur le territoire national, mais se traduirait par « un engagement massif dans un conflit en Europe ».
Un creux avant un pic
L’effectif de la base aérienne est d’environ 1100 personnes aujourd’hui, il devrait être d’environ 2000 personnes en 2036, au terme de la transformation de la base aérienne. Mais comme l’a pointé une étude de l’Insee publiée fin septembre (lire notre article ici), les effectifs connaitront un creux intermédiaire en 2030 avec un effectif de l’ordre de 600 personnes. « En revanche, il y aura des ouvriers en plus », a souligné le commandant de la base, puisque les travaux auront commencé. La nature de la consommation provenant de la base aérienne dans son environnement proche sera donc modifiée. Lors de ce creux, il devrait y avoir besoin de 300 logements en moins et de 190 emplois de conjoints en moins (actuellement, 80 % des conjoints des personnels de la base occupent des emplois dans le secteur) ; de même 250 enfants en moins seront scolarisés dans les écoles du secteur. Le pic des travaux est attendu entre 2029 et 2032, avec par exemple 900 camions par jour sur le site. Les premiers travaux sont prévus dès 2026.
De gros enjeux financiers
La transformation de la base aérienne représente un investissement de 1,5 milliard d’euros. A cela s’ajouteront des marchés de maintenance et de fournitures. A titre d’exemple, le colonel Emmanuel Roux a indiqué que 26 000 PME et ETI (petites et moyennes entreprises et entreprises de taille intermédiaires) ont un contrat avec l’armée, ce qui représente 200 000 emplois en France. Le chantier de transformation de la base aérienne représente donc une opportunité pour les entreprises, mais aussi le développement du fonctionnement quotidien de la base. Pour les travaux, il y aura bien sûr les nouvelles constructions, mais aussi les travaux préparatoires de nouveaux accès pour le chantier sur la base, des parkings, des besoins en matières premières (sable et ferrage pour le béton, par exemple), les réseaux associés (eau, électricité, chauffage), mais aussi des travaux de déconstruction en amont. Pour le fonctionnement, cela va de la fourniture de repas quotidiens à l’entretien des pistes et de leur balisage en passant par le carburant, les voiries d’accès. Les différents représentants des services d’achats des armées se sont attachés à lister l’ensemble de leurs besoins pour créer des déclics chez les chefs d’entreprise et les inciter à se positionner aussi bien sur les marchés de construction que sur les marchés de fourniture et de maintenance.
Secret défense et habilitation
Jean-Louis Albizati, président de la fédération du bâtiment du Territoire de Belfort, s’est inquiété du risque de voir les plus gros marchés attribués à de grosses entreprises et non à des entreprises locales, et qui plus est à de grosses entreprises faisant appel à des entreprises sous-traitantes éloignées, voire étrangères. Si l’attribution des plus gros marchés à « des majors » a bien été confirmée comme probable, les représentants des services des achats des armées se sont voulus rassurants : compte-tenu de la nature des travaux et du chantier (une base nucléaire), ces marchés s’adressent à des entreprises françaises et à des entreprises sous-traitantes françaises : « On ne veut pas de départ d’informations à l’étranger ». Ainsi certaines entreprises seront-elles amenées à se faire habiliter comme fournisseur de l’armée.
Quoi qu’il en soit, les marchés publics des armées sont publiés sur la plateforme des marchés de l’Etat : https://www.marches-publics.gouv.fr/entreprise
