L’inquiétude est forte chez les chefs d’entreprise du nord Franche-Comté. La reprise économique est timide. Les premières échéances financières se présentent. Et les rentrées d’argent sont limitées. Trois questions se posent. D’abord, comment faire face ? Mais surtout, comment se préparer au monde d’après ? Et avec quels moyens ? C’est aujourd’hui que cela se détermine. Les élus de la CCI du Territoire de Belfort ont quelques demandes pour y aider.
L’inquiétude est forte chez les chefs d’entreprise du nord Franche-Comté. La reprise économique est timide. Les premières échéances financières se présentent. Et les rentrées d’argent sont limitées. Trois questions se posent. D’abord, comment faire face ? Mais surtout, comment se préparer au monde d’après ? Et avec quels moyens ? C’est aujourd’hui que cela se détermine. Les élus de la CCI du Territoire de Belfort ont quelques demandes pour y aider.
« Dès que vous voyez une grue qui tourne, c’est une entreprise qui perd de l’argent. » Avec cette image, Alain Albizati, p-dg de l’entreprise du bâtiment Albizzati Père et fils, installée à Danjoutin, résume parfaitement la situation de la reprise économique pour les entreprises françaises. La reprise est lente. Et coûteuse. On estime à 15 % la baisse de la productivité liée au déconfinement progressif et à la mise en place des protocoles sanitaires.
À la chambre de commerce et d’industrie, lundi, aucun des élus de la CCI 90 ne remet en doute l’importance des mesures sanitaires, le confinement acté au mois de mars ou encore la décision d’un déconfinement progressif. Mais ils interpellent sur les fragilités des entreprises à l’heure de la reprise, lente, et de la disparition des mesures de protection actées au cœur de la crise sanitaire. Cette crise a été « un bouleversement total », constate Alain Seid, le président de la chambre consulaire. Pour ce dernier, il faut d’ors et déjà se projeter sur une nouvelle normalité, dans laquelle les habitudes de consommation risquent d’être modifiées. Il pense au poids de l’achat en ligne. À celui de la vente à emporter. Ou encore au poids du télé-travail. C’est l’enjeu de leurs requêtes : créer les conditions pour passer la crise, tenir dans la durée et préparer l’avenir. « Nous allons pouvoir avancer si les conditions économiques mises en places par le Gouvernement correspondent à la vraie vie, insiste-t-il Nous serons là, sur le devant de la scène, pour demander ce que nous avons besoin. »
Inquiétude pour la rentrée
Emmanuel Viellard, directeur général du groupe Lisi, dont le siège est à Grandvillars, et vice-président de la CCI 90, distingue trois phases dans cette période de reprise. La première a été les conditions de retour à l’activité. À présent, l’industrie est en redimensionnement, compte tenu de l’activité réduite. Et la dernière phase sera le positionnement stratégique face aux nouvelles données du marché. Le souci, c’est que les entreprises déjà fragiles avant la crise seront « dans l’incapacité de se redimensionner », interpelle l’industriel, dont l’entreprise travaille dans les domaines aéronautique, automobile et médical. « Il ne faut pas être dans un redimensionnement de survie, mais rebondir », invite Louis Deroin, assureur, vice-président de la CCI 90 et président de la CPME 90. Mais pour cela, il faut un coup de main. Le président de la CPME 90 salue la capacité d’improvisation qu’il y a eu pendant la crise, mais note aussi que ces interventions d’urgence précarisent certaines entreprises.
« Des pans entiers de notre industrie locale vont être endommagés à long terme », craint Emmanuel Viellard. « Trouvons les conditions, en local, proche de nos partenaires, pour que les efforts soient partagés », insiste-t-il, invitant à être innovant. « Toutes les entreprises sont fragiles. Elles ont surfé sur les prêts garantis par l’État et la baisse des stocks pour tenir, analyse Emmanuel Viellard. Mais à l’été, [nous devrons payer] les reports de charges – d’où notre demande d’annulation – mais nous avons un encaissement de chiffre d’affaires à 0. »
Le trou va grossir sur les mois d’été. La rentrée risque d’être délicate pour de nombreuses entités et les élus de la chambre de commerce et d’industrie redoutent de nombreuses cessations de paiement. Les élus de la CCI 90 invitent donc à une diminution des charges (lire par ailleurs), mais aussi à diminuer les impôts de production. « Nous n’avons aucune raison de taxer ce qui est produit en France », remarque à ce sujet Emmanuel Viellard.
Un marché qui se rétracte
« Le bâtiment a eu beaucoup de difficultés, poursuit Alain Albizati, pour évoquer un autre secteur d’activité. Il a d’abord fait face au mépris du ministère du Travail. Pendant un moment, nous n’étions pas éligible au chômage partiel. On nous a accusés d’avoir déserté. Cela traduit les difficultés à dialoguer avec ce gouvernement-là. Nous ne sommes pas assez nouveau monde », glisse-t-il avec sarcasme.
Le secteur du bâtiment s’est donc organisé de lui-même pour éditer des protocoles sanitaires, autour des organisations professionnelles, et permettre la reprise. Mais ces protocoles ont un impact significatif : ils interdisent pratiquement la co-activité des entreprises sur les chantiers ! Les ralentissant et augmentant les coûts. « Les prix de négociation des chantiers ne permettent pas aujourd’hui de prendre en charge ces coûts », regrette l’entrepreneur. Si personne ne semble aujourd’hui menacer de pénalités de retard compte tenu des circonstances, il va falloir réfléchir à comment partager ces surcoûts. Et alléger rapidement, si possible, les contraintes sanitaires pour retrouver une activité proche de la normale.
Les demandes des élus
de la CCI 90
- La mise en place des mesures de reprise du travail généralisé avec la fin du déconfinement et la reprise des activités scolaires (actées pour le 22 juin, NDLR)
- L’allègement des conditions sanitaires mises en place dans l’urgence et qui pèsent aujourd’hui sur la productivité de nos entreprises
- La suppression et non le report de 3 mois d’impôts de production (C3S, CVAE, CFE, TLPE…)
- La suppression de 3 mois de charges patronales
- La pérennisation des conditions actuelles du chômage partiel
- L’ouverture des frontières particulièrement importante pour notre département (acté également lors de l’allocution du président de la République le 14 juin, NDLR)
- Rappel que tous les commerces sont ouverts et accueillent les consommateurs ; incitation à consommer local ;
- La création d’outils financiers supplémentaires pour selon les cas, la reconstruction des fonds propres et de la trésorerie ainsi que la restructuration de la dette
Mais Alain Albizati s’inquiète surtout de l’état du marché. Tout le monde veut garder « un appareil productif » proche de celui disponible avant la crise. « Mais le marché se rétracte », souligne-t-il. Les donneurs d’ordre privés, comme l’hôtellerie, la restauration ou les industries ne font pas de commandes. Et très peu de collectivités ont voté un budget permettant de lancer des commandes publiques. Les chantiers risquent donc de manquer. Il y a urgence.
Pour limiter ce risque, Alain Albizati invite à inciter les collectivités à investir. Comment ? En organisant le versement, en anticipation, du remboursement de TVA aux collectivités, octroyant une marge financière supplémentaire pour déclencher les travaux. Pour les particuliers, il invite à passer la TVA à 5,5 % sur les travaux particuliers. Des travaux qui peuvent être dirigés, par exemple, vers la rénovation thermique des bâtiments, qui s’appuient sur d’autres dispositifs d’incitations fiscales.
S’appuyer sur l’épargne des Français
Si Alain Albizati évoque les travaux des particuliers, c’est que la crise sanitaire a entraîné une situation singulière : les Français ont énormément épargné pendant le confinement. L’observatoire français des conjonctures économiques avance le chiffre de 55 milliards d’euros en huit semaines, soit 230 euros par semaine et par ménage qui ont été épargnés. Ce montant pourrait doubler d’ici la rentrée « si la consommation reste atone », analyse RFI, dans un article.
À ce sujet, Louis Deroin se demande s’il ne faudrait pas créer des fonds d’investissement territoriaux, dans lesquels les ménages pourraient aussi placer leur épargne. « Il faut que l’épargne serve les territoires, insiste Louis Deroin, avant d’inviter : Les banquiers doivent être imaginatifs pour remettre l’argent dans l’économie locale. » Car selon lui, l’économie doit être plus territoriale. « Aujourd’hui, le sujet est celui de la confiance », estime alors Patrick Robert, de l’entreprise Colas et secrétaire de la CCI 90. « Les idées, on les a. Mais comment rendre les choses pérennes ? » questionne-t-il. La balle est dans le camp du Gouvernement. L’objectif de cette prise de parole des élus de la CCI 90 était d’interpeller. C’est chose faite. « On n’a plus le temps d’attendre », conclut cependant Alain Seid.