Avec l’AFP
« Gagner la guerre avant la guerre. » Tel était le credo du général Burkhard, chef d’état-major des armées, de juillet 2021 à ce mercredi 23 juillet 2025. « Sans dissuasion solide », pour reprendre les propos de Cédric Perrin, sénateur Les Républicains (LR) du Territoire de Belfort, président de la commission de la défense, des affaires étrangères et des forces armées du Sénat, « nos adversaires seront tentés de nous attaquer ».
Pendant quatre ans, Thierry Burkhard a montré la finesse de sa vision stratégique. Ces dernières années, celui qui est né à Delle le 30 juillet 1964, a porté une nouvelle vision en reformulant le traditionnel triptyque « paix-crise-guerre » en « compétition-contestation-affrontement », plus à-même de qualifier des relations internationales complexes. Le général Burkhard avait anticipé le retour de la guerre interétatique et fut le chef d’orchestre de ce changement de paradigme pour les armées françaises. Ce nouveau triptyque permet aussi de qualifier des relations avec des partenaires ou des alliés, qui ne sont pourtant pas toujours amicales.
Il a, par ailleurs, démocratisé les concepts de guerres hybrides, qui combinent la guerre conventionnelle à des outils comme les cyberattaques ou la désinformation. La guerre hybride dépasse le cadre strictement militaire et peut être menée dans des pays avec lesquels vous n’êtes pas forcément en guerre ; ces derniers mois, des opérations de désinformation en France ont pour origine la Russie, par exemple. Le recours, par le Kremlin, au groupe paramilitaire Wagner en Afrique pour déstabiliser les pays et fragiliser l’influence française là-bas est un autre moyen (lire notre article).
Pendant son mandat, Thierry Burkhard a accompagné la remontée en puissance des armées françaises face à un contexte international de plus en plus tendu qui a vu le retour de la guerre de haute intensité en Europe avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022. Au mois de février, le général Burkhard était venu à Belfort ; il avait passé en revue les troupes du 35e régiment d’infanterie et du 1er régiment d’artillerie, sur la place d’Armes de la cité du Lion (lire notre article).
« Un sens élevé du devoir » du général Burkhard
Thierry Burkhard a notamment servi au 2e régiment étranger parachutiste, où il a été chef de la section de commandos parachutistes. Au cours de ses différentes affectations, il a servi en Guyane, en Irak, en Ex-Yougoslavie, au Tchad et au Gabon, rappelle sa biographie du ministère des Armées.
« Merci au général Thierry Burkhard d’avoir servi la France avec honneur, courage et hauteur de vue. Respect et gratitude de la Nation », a posté sur X Emmanuel Macron. Pour le ministre des Armées Sébastien Lecornu, « son commandement s’est distingué par une vision stratégique lucide des menaces et par sa volonté constante d’adapter nos armées », qui étaient jusqu’ici adaptées à un modèle de guerre expéditionnaire et asymétrique contre des organisations non-étatiques. Cédric Perrin exprime, dans un communiqué de presse, sa « profonde gratitude ». D’ajouter : « Il a conduit nos armées pendant quatre ans avec rigueur, lucidité et un sens élevé du devoir. »
Le sénateur complète encore : « Dans le contexte extrêmement préoccupant que nous traversons, le général Burkhard aura marqué une période déterminante de notre histoire en sachant adapter nos armées à un monde où tout s’accélère : l’émergence des crises, les évolutions technologiques, les changements au sein des alliances… » Selon le sénateur, son mandat a permis « que les citoyens prennent progressivement conscience de la nécessité d’augmenter les investissements dans nos armées ».
Son départ potentiel agitait le monde politico-militaire depuis des mois, au terme d’un commandement dense et riche. Il a déjà été prolongé par Emmanuel Macron, qui avait toute sa confiance. Il est remplacé par un aviateur, le général d’armée aérienne Fabien Mandon, actuel chef d’état-major particulier du président (CEMP). Le CEMP est le plus proche conseiller militaire du Président de la République, chef des armées, et occupe un rôle-clé, notamment dans la dissuasion nucléaire, puisque c’est notamment lui qui lui parle du sujet le jour de son investiture.

Remplacé par un aviateur
Ancien pilote de Mirage (F1 puis 2000D), avec l’indicatif radio « Madoon », Fabien Mandon, 55 ans, est le premier aviateur à accéder à la fonction depuis le général Jean-Philippe Douin il y a 30 ans (1995-1998).
Sébastien Lecornu a fait part de sa « pleine confiance en sa capacité à poursuivre, avec rigueur et détermination, la transformation de nos forces dans un contexte sécuritaire toujours plus exigeant ». Le général Mandon a été déployé à l’étranger, comme en Centrafrique, au Tchad, ou à Douchanbé (Tadjikistan) d’où il effectuait des missions en Afghanistan.
« Être chef, ce n’est pas avoir les poils qui sortent de la chemise. C’est être juste, réfléchi, déléguer, savoir être ferme quand il faut », ajoutait celui qui a aussi commandé la base d’Avord (Cher), site-clé de la composante aéroportée de la dissuasion nucléaire française. « Il a délivré de l’armement au combat, il a eu la croix de la valeur militaire », souligne à l’AFP un pilote de chasse camarade d’escadron. « Une chose caractéristique, c’est qu’il est toujours d’humeur égale, d’une zénitude incroyable, toujours le sourire aux lèvres. Il a une résilience de dingue », dit de lui à l’AFP un autre camarade, pilote de Mirage 2000D.
« Cela fait huit ans qu’il suit les dossiers politico-militaires », rappelle cette même source, alors que Fabien Mandon est passé par la Direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS), chargée d’alimenter la réflexion stratégique des Armées. Il a fait un premier passage comme adjoint au CEMP, avant d’aller au cabinet de la ministre des Armées Florence Parly, puis Sébastien Lecornu, avant de devenir CEMP en 2023.
Le général Mandon succède à un chef d’état-major des armées dont « le commandement restera dans les mémoires et l’histoire », estime finalement Cédric Perrin, joint par téléphone.
