M-Plus, groupe industriel de 350 salariés répartis sur trois sites – à Lachapelle-sous-Rougemont (180 salariés), Issoire (Puy-de-Dôme) et en Hongrie – traverse une période charnière. Une transition profonde, rendue nécessaire par la baisse des commandes de son principal client historique, GE Vernova, et qui l’a conduite à miser résolument sur deux marchés porteurs : l’aéronautique et la défense.
« Aujourd’hui, GE Vernova a des stocks excédentaires. Il y a une baisse passagère des commandes, ce qui fait que l’année est plus compliquée », confie François Cortinovis, président du groupe. Le chiffre d’affaires consolidé en 2024 atteint 49 millions d’euros, mais l’équilibre reste fragile. L’entreprise a dû enclencher un plan de licenciements concernant neuf salariés. Une décision difficile, assumée.
M-Plus est née dans les années 1980 d’un lien industriel fort avec Alstom, puis General Electric. L’entreprise ne travaillait alors que pour le domaine de l’énergie. Une spécialisation qui a fait sa force, mais aussi sa dépendance. « GE représentait quasiment 100 % de notre activité. C’était un client unique qui pesait très lourd dans notre économie », retrace François Cortinovis.
Dès 2020, les premières réflexions sont enclenchées pour s’extraire de cette situation. « Il a fallu restructurer notre business développement, adopter les spécifications propres à ces nouveaux marchés et créer une académie de formation en interne. »
Que fait M-Plus ?
Le groupe M-Plus conçoit et fabrique des solutions chaudronnées complexes. Ces pièces métalliques de haute technicité sont essentielles dans les secteurs de l’énergie, de l’aéronautique et de la défense. Historiquement positionné sur les turbines à gaz pour le compte d’acteurs comme Alstom ou General Electric, le groupe a su développer un savoir-faire reconnu en usinage, soudure, assemblage de métaux spéciaux et superalliages. L’entreprise travaille sur des composants critiques, destinés à des environnements exigeants : moteurs d’avion, turbines nucléaires ou encore équipements de défense.
Une diversification pensée en profondeur
La « M-Plus Academy » , certifiée Qualiopi, a formé depuis 2020 plusieurs promotions. « Tout le monde a été formé pour se diversifier », insiste Philippe de Abreu, ancien directeur général, aujourd’hui en charge du développement industriel et technologique. Face à la pénurie de personnel – notamment soudeurs et fraiseurs – l’entreprise a parié sur la reconversion de profils internes. « Certains n’avaient rien à voir avec notre métier à l’origine. On les a accompagnés avec des formations ciblées. »
Mais la diversification vers l’aéronautique et la défense implique aussi une rigueur accrue. « Cela implique de prendre en compte, plus que tout, les risques humains. Il faut que notre logique de détection de l’erreur soit parfaite pour qu’elle ne se répercute pas chez nos clients », détaille Arnaud Ehrhardt, directeur général de M-Plus France.
L’ensemble des collaborateurs a été sensibilisé à ces exigences. « Le cerveau humain a des bugs 6 à 7 fois par heure », rappelle-t-il. « Les formations aident à rendre conscient les gens à la perception. On leur apprend à identifier les biais cognitifs qui peuvent conduire à une erreur. »
Un outil maison pour structurer l’excellence
Pour structurer cette mutation industrielle, M-Plus a développé « Propulse », un outil interne conçu avec les équipes, dédié à l’excellence opérationnelle. « C’est un outil technique, adapté à nos réalités, qui permet de faire remonter toutes les informations du terrain, de structurer nos rituels qualité et nos plans d’actions », explique François Cortinovis. La digitalisation de cet outil est en cours pour accroître sa réactivité et son efficacité. L’objectif : détecter au plus tôt les anomalies et garantir un niveau d’exigence compatible avec les standards aéronautique ou nucléaire.
« Tout cela, ça a plu aux clients », assurent les dirigeants. Des visites sont régulièrement organisées sur le site de Lachapelle-sous-Rougemont pour présenter les installations, les process et les formations. Mais l’évolution a été lente. « C’est très très long, cette diversification. Au début, le chiffre d’affaires lié à l’aéronautique et la défense n’était pas significatif », reconnaît François Cortinovis.
Domaero, le déclic stratégique
Le véritable tournant a eu lieu en 2023 avec l’acquisition de Domaero, une entreprise 100 % positionnée sur l’aéronautique. « Elle a eu un effet extraordinaire », confient les dirigeants. Ce rachat a permis de gagner en crédibilité, d’entrer plus facilement dans les panels de fournisseurs des grands donneurs d’ordre.
Aujourd’hui, les échanges avec Dassault, Safran ou ArianeGroup se font en direct. « Et toutes les demandes sont centralisées ici, à Lachapelle-sous-Rougemont », précisent les dirigeants. Le site, autrefois entièrement dédié aux turbines à gaz, devient une base avancée pour le développement de nouvelles filières stratégiques.
Une période charnière
Mais cette transition industrielle a un coût humain et économique. Le creux d’activité entre la baisse de charge côté énergie et la montée en cadence côté aéronautique est inévitable. « La période de creux va durer entre six mois et trois ans, le temps de qualifier les produits. Il va forcément y avoir un trou », explique Arnaud Ehrhardt. « Mais il faut faire preuve de discernement. Oui, c’est un passage difficile, mais nous avons toujours été transparents avec les équipes. »
La presse a relayé les tensions : d’un côté, M-Plus licenciait ; de l’autre, elle recrutait. « On a pu nous dire que ce n’était pas normal, puisqu’on embauchait de l’autre bout. Mais les compétences ne sont pas les mêmes », défend François Cortinovis. Les postes techniques très spécifiques sont recherchés : usinage de haute précision, matériaux complexes, maîtrise des superalliages.
Les dirigeants restent confiants. « Les carnets de commandes sont désormais pleins. Trop pleins même ! » sourient-ils. « On est rentrés du Salon du Bourget avec les valises pleines », plaisantent-ils encore.
L’enjeu de la transformation industrielle
Le défi des prochains mois sera la transformation industrielle de cette dynamique commerciale. « Ce sont des produits complexes et, désormais, nous avons les marchés. Mais maintenant, il faut que l’on transforme les projets en produits », détaille François Cortinovis. La phase d’industrialisation s’ouvre.
« C’est une période charnière. On est au taquet. Les clients ont ouvert les portes et la charge accélère vitesse grand V. On a mis du temps, mais désormais, on va aller de plus en plus vers le complexe », complète Pierre Petitjean, directeur général du groupe.
M-Plus estime que la diversification commence à porter ses fruits, même. À terme, l’objectif est de faire passer la part de GE Vernova sous les 30 % du chiffre d’affaires à l’échelle de tout le groupe. Une manière de réduire les dépendances et d’ancrer le groupe dans des marchés d’avenir. « On aurait pu faire ce virage plus tôt, mais on n’était pas prêts. Aujourd’hui, on l’est. Et on avance », concluent les dirigeants.
Enjeux écologiques
Pour Pierre Petitjean, directeur général du groupe, insiste sur les enjeux RSE du groupe. Côté environnement, M-Plus a rejoint récemment le collectif « Coq Vert », porté par Bpifrance et l’Ademe. « La Communauté du Coq Vert est une communauté de dirigeants et de dirigeantes convaincus de la nécessité d’agir et déjà engagés dans la transition écologique et énergétique », peut-on lire sur le site.
L’entreprise travaille activement à sa stratégie de décarbonation à horizon 2030, en mesurant son empreinte carbone jusqu’aux usages finaux de ses pièces. Une consultante externe accompagne ce travail sur les fameux « scopes 1, 2, 3 et 4 », les plus complexes à établir.