Ce matin, certaines rues de Belfort étaient bloquées pour permettre l’extraction sécurisée de plusieurs détenus. Le dispositif policier était impressionnant par son ampleur : de nombreux agents ont encadré le tribunal. En cause, un procès de démantèlement d’un vaste trafic de stupéfiants, prévu jusqu’au vendredi 3 juillet.
L’enquête, déclenchée en septembre 2023 à la suite d’informations anonymes, a mis au jour un trafic de cocaïne, d’héroïne et de cannabis s’étendant du Territoire de Belfort à Besançon, avec des ramifications en Haute-Saône, dans le Doubs et le Haut-Rhin. Les produits arrivaient de Lyon, de Belgique et des Pays-Bas.
Les enquêteurs ont identifié une organisation structurée : points de vente fixes et mobiles à Belfort, dans tous les quartiers, à Offemont également, logistique bien rodée, utilisation d’applications cryptées comme Telegram et Signal, systèmes de parrainage et de livraison via les réseaux sociaux, cadeaux fidélité, cartes SIM virtuelles, et recours à des « nourrices » pour le stockage.
En soixante semaines d’activité, le chiffre d’affaires est estimé en millions d’euros. Une estimation que l’un des avocats, Me Jérôme Pichoff, appelle toutefois à prendre avec prudence.
Les têtes du réseau
Parmi les douze prévenus, trois sont considérés comme des « chefs » du réseau. L’un d’eux, Elias Basbas, 25 ans, né à Belfort, est incarcéré depuis plusieurs années déjà. Déjà bien connu de la justice bisontine, il est soupçonné d’avoir dirigé le trafic depuis sa cellule. Son casier est lourd : plusieurs condamnations, dont une à 30 ans de réclusion pour assassinat, désormais en appel (lire notre article).
Le deuxième, Jibril B., né à Montbéliard, a été condamné en 2023 à trois ans pour trafic, puis à nouveau en 2024 pour port d’armes et conduite sous stupéfiants. Il est soupçonné d’avoir conservé la liste des clients sur une application et d’avoir transmis les consignes à ses complices.
Les deux autres sont frères : Romain et Bryan B. Romain est considéré comme un exécutant-clé du réseau, en charge des stocks, des points de deal, de la rémunération et des collectes, opérant principalement depuis Belfort. Il compte quatre mentions à son casier, dont port d’arme et trafic de stupéfiants. Son frère, Bryan, aurait quant à lui assuré un rôle de soutien logistique. Il a déjà été condamné pour trafic et usage de faux documents.
Des demandes de renvoi
L’audience a démarré dans un climat tendu. Plusieurs avocats étant indisponibles ou non remplacés, des demandes de renvoi ont été déposées dès l’ouverture. Des voix se sont élevées pour dénoncer une « atteinte grave aux droits de la défense ».
« On nous siffle, et on vient. On ne traite pas la défense comme ça. J’ai alerté le bâtonnier », a protesté Me Christophe Bernard, avocat de Bryan B., qui estime avoir été prévenu trop tard pour organiser sa défense correctement. L’avocate d’Elias Basbas ne pourra être présent que la deuxième semaine du procès, tandis que celle de Jibril B. est indisponible sur toute la durée. Toutes deux ont également sollicité un renvoi, les prévenus refusant d’être défendus par un avocat commis d’office.
Le parquet, représenté par la procureure Cindy Bernard, s’est opposé à ces demandes. Elle a rappelé que le calendrier était connu depuis février, qu’il était nécessaire, légalement, de juger dans des délais raisonnables, et que l’audience était difficilement reprogrammable.
Profils variés
Dans l’après-midi, les faits reprochés aux prévenus ont été détaillés. Parmi ces faits : usage, détention, offre, cession, et transport de stupéfiants, détention d’armes, notamment d’armes et matériels de guerre, violences, et association de malfaiteurs. Les chefs du réseau sont accusés d’avoir utilisé la violence pour maintenir leur autorité : menaces avec armes, représailles contre ceux qui voulaient quitter l’organisation.
La logistique était également bien huilée : faux papiers, voitures de location, livraisons dans toute la Franche-Comté, jusqu’à Mulhouse. Les maillons les plus vulnérables du réseau — souvent des consommateurs dépendants, sans emploi ni antécédents judiciaires — étaient utilisés comme relais, notamment pour le stockage.
Les douze prévenus présentent des profils variés : certains sont des novices sans casier, à l’image d’une jeune femme en CDI dans les ressources humaines ; d’autres sont des multirécidivistes lourdement condamnés.
Quatre prévenus étaient absents à l’ouverture et ont fait l’objet de mandats d’amener pour le mardi 24 juin. Elias Basbas a pour sa part indiqué qu’il ne souhaitait pas comparaître « dans ces conditions ». Les peines encourues, en raison des récidives, peuvent aller jusqu’à 20 ans de prison. Le délibéré sera connu d’ici le vendredi 4 juillet.