« Nous n’avons pas choisi la Bourgogne-Franche-Comté par hasard », assure, sourire aux lèvres, Fabrice Le Saché, vice-président du Medef, en charge de l’Europe. Dans les locaux du groupe industriel Lisi, à Grandvillars, il vient de déjeuner longuement avec des entrepreneurs comtois, en compagnie de Christophe Grudler, député européen Modem, et d’Emmanuel Viellard, directeur général du groupe Lisi et président de la holding Viellard Migeon & Compagnie (VMC), membre des Hénokiens, associant les entreprises familiales qui ont plus de 200 ans ; l’entreprise a été fondée en 1876. Emmanuel Viellard est aussi président du Medef Territoires francs-comtois.
Ce choix est « un signal », assure Fabrice Le Saché, par ailleurs fondateur d’AeraGroup. Un signal vis-à-vis de l’industrie, un sujet de préoccupation, mais aussi d’un territoire touché par la concurrence suisse (lire notre article). Aujourd’hui, le contexte mondial est turbulent. Torturé. Les crises se multiplient. Et les crises deviennent la norme. « Nous sommes très exposés, notamment les industriels », convient Emmanuel Viellard, qui souligne le cas particulier de l’automobile. Localement, la situation est aggravée par la proximité avec la suisse.
Objectif : décarbonation
« La France a un avenir industriel », assure Fabrice Le Saché. Mais il veut aussi s’assurer que la politique de décarbonation se poursuive « sans effet boomerang ». « Le Parlement européen a beaucoup de pouvoir avec sa capacité à amender les textes », replace Fabrice Le Saché, bien au fait des arcanes européennes. De son côté, les chefs d’entreprise veulent que leurs préoccupations soient « entendues », assure Emmanuel Viellard. Grudler : « C’est important d’avoir ces remontées, convient Christophe Grudler. Les industriels, pour investir, ont besoin de lignes de conduite claires, d’un cap. » D’ajouter : « La volonté de décarbonation est bien comprise. On demande davantage de souplesse. » La décarbonation doit « renforcer » les industries et non pas les « fragiliser », interpelle Fabrice Le Saché. « On demande aussi la neutralité technologique. Il faut faire attention aux innovations drivées par la réglementation. Nous voulons de la flexibilité et de la liberté pour nos innovations. C’est le métier des entrepreneurs. »
« L’industrie et l’économie européenne sont à la croisée des chemins », estime Christophe Grudler, coordinateur de la commission industrie et énergie, notamment président de l’intergroupe « nucléaire ». Le député européen dévoile alors qu’un texte d’importance est attendu à la fin de l’année. Il doit accélérer la décarbonation de l’industrie. D’ici là, il faudra se « bagarrer » sur les questions d’énergie, notamment pour reconnaître les financements de l’hydrogène bas carbone, fabriqué à partir d’énergie nucléaire.
« Nous avons besoin d’un coût de l’énergie compétitif, stable et à long terme », valide Fabrice Le Saché. Autre mesure à l’étude : la préférence européenne. « C’est réconfortant », valide Emmanuel Viellard. Selon le député européen, il faut aujourd’hui inciter la demande, construire des incitations financières, pour baisser les prix. Et pour financer cette politique, le député européen croit en l’emprunt. « Je crois en la capacité d’endettement de l’Europe », confie-t-il. Ses finances sont saines. Mais l’emprunt commun doit être remboursé « par des ressources propres », prévient l’élu.
Agir à l’échelle de l’Europe
Selon Christophe Grudler, il faut définir « le chemin » pour que « l’Europe reste le premier marché au monde et que les entreprises restent ». Surtout, il faut produire « localement » sans dépendre d’autres territoires. Et d’assurer : « Si nous voulons que l’Europe puisse peser dans le monde, il faut être le plus intégré possible. »
Afin de peser à l’échelle européenne, le Medef a construit une maison des entreprises de France à Bruxelles « pour accueillir des délégations d’entreprises françaises et mieux nous défendre », défend Fabrice Le Saché. « Les règles du jeu de nos business sont européennes. Il faut que nous y soyons », argumente l’entrepreneur. L’organisation patronale est également présente dans toutes les capitales européennes, afin de façonner une « diplomatie européenne ». « Nous voulons montrer que la France peut se glisser dans d’autres projets portés par d’autres », explique-t-il. « Les entrepreneurs sont fondamentalement européens », assure, finalement, Emmanuel Viellard.