En l’espace de quelques heures, on a créé une filière locale de production de masques, à Belfort, construite autour de la société de linge d’hôtellerie de luxe, RKF. Une petite centaine de couturières volontaires, recrutées en intérim, produisent ces masques qui manquent tant. Reportage.
En l’espace de quelques heures, on a créé une filière locale de production de masques, à Belfort, construite autour de la société de linge d’hôtellerie de luxe, RKF. Une petite centaine de couturières volontaires, recrutées en intérim, produisent ces masques qui manquent tant. Reportage.
Il est 12 h 20. Ce jeudi. Au cœur du Techn’Hom, rue Becquerel à Belfort. Des applaudissements résonnent dans un bâtiment de 1 000 m2. On salue 77 couturières qui s’affairent à produire des masques lavables. Le cliquetis de l’aiguille qui coud rythme le temps d’un bâtiment qui vient de reprendre vie, juste à côté de l’université de technologie de Belfort-Montbéliard (UTBM). Cette initiative a été encouragée par Valérie Ganzer, directrice générale adjointe de l’hôpital Nord-Franche-Comté. Si les soignants sont applaudis chaque soir, elle voulait qu’on pense à ces couturières qui contribuent à la sécurité future des habitants du nord Franche-Comté, qui porteront des masques en tissus lavables, réutilisables et fabriqués à Belfort.
Depuis lundi, une production a été lancée, en s’appuyant sur la société de linge d’hôtellerie de luxe RKF, basée au Techn’Hom. Pour répondre aux enjeux du déconfinement, préfecture, élus et RKF se sont associés. Samedi midi, la décision était prise de lancer une production locale de masques. Dans le week-end, un atelier de 1 000 m2 a été trouvé et aménagé au Techn’Hom par la société d’économie mixte Tandem.
Forte demande
Si les demandes affluent de partout, l’objectif est d’abord de travailler pour Belfort et son bassin. La Ville de Belfort a commandé 60 000 masques. Le conseil départemental 200 000. Riadh Bouaziz confirme également une commande de 50 000 masques par la mairie de Montbéliard et évoque près d’un demi-million de masques commandés par les entreprises locales. La commande de masques de la mairie de Belfort sera transférée ensuite à Raon-l’Étape pour que chaque masque soit emballé dans un sachet plastique, avant distribution. Plusieurs collectivités attendent des masques avant le 11 mai.
Volonté politique
Lundi matin, 6 couturières répondaient à l’appel aux volontaires. Jeudi, elles étaient 77. Prochainement, elles seront une centaine. Et le p-dg de RKF, Riadh Bouaziz, aimerait même en compter 150, voire 200 dans plusieurs semaines. Elles se sont présentées pour participer à cet élan de solidarité. Comme un seul homme. Ou comme une seule femme ! Riad Bouaziz espère rapidement atteindre un chiffre de production de 10 000 masques par jour, voire 12 à 15 000 masques. « Je vise 130 à 140 000 masques par semaine si nous gardons la même équipe », promet le p-dg.
« Ce qui a été fait est remarquable », salue de son côté le préfet du Territoire de Belfort, David Philot, qui note la rapidité et la réactivité pour mettre en place cette filière locale. Une démarche qu’il a initiée. « C’est un rassembleur, un fédérateur », a loué Riad Bouaziz, pour qualifier le préfet. « Quand il y a une vraie volonté politique [tout est possible] », souligne pour sa part Damien Meslot, maire de Belfort.
Dans l’atelier, les couturières, qui sont venues avec leur machine à coudre, sont espacées d’1,6 mètre. Les arrivées et les pauses sont organisées ; il y a trois tournées, espacées chacune de trente minutes. Chaque table dispose de gel hydro-alcoolique. Et en arrivant, on prend la température de tout le monde. Précautions sanitaires obligent.
Recrutement express
Avant de commencer, les couturières volontaires passent un test. S’il est concluant, elle travaille dès le lendemain matin, voire l’après-midi si elles ont été testées le matin. « Le temps de faire le contrat », sourit Riadh Bouaziz. On vérifie aussi les machines. « Nos équipes encadrent et forment », garantit l’entrepreneur, très fier de voir ces volontaires s’intégrer dans un process industriel. Cette formation « est un avantage pour elles, demain », souligne-t-il.
Cette production belfortaine doit être complétée d’un atelier de découpe et de conditionnement. Et cette unité de la cité du Lion renforce le site industriel de Luxeuil-les-Bains de RKF. « L’usine de production [de Luxeuil-les-Bains] s’est transformée en un temps record pour travailler pour l’hôpital de Belfort », affirme également Riadh Bouaziz. Un modèle de sur-blouse, validé par l’hôpital Nord-Franche-Comté, y est produit, précise-t-il. Sa volonté : 1 500 blouses par jour et 10 000 blouses par semaine. Un autre atelier, à Luxeuil-les-Bains, doit fabriquer 100 000 masques par semaine. Riadh Bouaziz précise que l’usine haut-saônoise compte « normalement » une « trentaine » de salariés. Actuellement, une soixantaine sont en intérim pour répondre à la demande. Et une centaine de salariés sont envisagés prochainement indique la direction.
Aujourd’hui, RKF s’appuie sur les machines à coudre des volontaires. « Nous avons commandé une cinquantaine de machines, mais elles tardent à venir », justifie Riadh Bouaziz. On envisage déjà de faire durer ces ateliers, pour « faire des stocks », note notamment Damien Meslot.