L’association d’aide sociale Aléos, de Mulhouse, a ouvert, le 2 avril un centre de confinement, médicalisé, pour SDF présentant les symptômes du covid-19. Une prouesse réalisée en quelques jours, dans cette lutte contre le nouveau coronavirus. Reportage.
Damien Stroka – AFP
L’association d’aide sociale Aléos, de Mulhouse, a ouvert, le 2 avril un centre de confinement, médicalisé, pour SDF présentant les symptômes du covid-19. Une prouesse réalisée en quelques jours, dans cette lutte contre le nouveau coronavirus. Reportage.
“Je suis fatigué, j’en ai marre de cette maladie !” À Mulhouse (Haut-Rhin), une dizaine de SDF ou de personnes en grande précarité, tous malades du Covid-19, prennent leur mal en patience dans un centre de confinement spécialement conçu pour eux.
À sa sortie de l’immeuble gris en bordure des voies ferrées, Luce-Danièle ne boude pas son plaisir : après deux semaines de confinement strict, cette jeune femme de 37 ans et sa fille de 10 mois, considérées comme guéries, sont libres. “C’est pénible d’être toujours enfermé. On ne voit l’extérieur que par la fenêtre (…) Mais bon, on se dit que c’est pour notre bien” et “quand on sort, on est toute joyeuse !” lâche dans un grand sourire cette demandeuse d’asile camerounaise.
Luce-Danièle et sa fille font partie de la dizaine de SDF ou personnes dans une extrême précarité actuellement hébergées dans ce foyer géré par l’association d’aide sociale mulhousienne Aléos. La structure, unique dans le Haut-Rhin, a ouvert le 2 avril dans une résidence gérée par Aléos, à un jet de pierre de l’hôpital de Mulhouse, l’une des villes les plus touchées par le coronavirus en France.
"Travail de dingue"
Elle dispose actuellement de 35 chambres de confinement, avec la possibilité de monter jusqu’à 48, explique le directeur d’Aléos, Loïc Richard. L’idée, c’est d’accueillir des personnes, “identifiées comme malades du covid-19 mais avec des symptômes non graves” qui sont sans domicile ou vivent dans des hébergements d’urgence ou des foyers sociaux où tout confinement est impossible, poursuit Loïc Richard.
Réparti sur trois des sept étages de la résidence Aléos, ce foyer a été “monté” en une dizaine de jours, entre fin mars et début avril, explique-t-il. Recrutement des volontaires dans les structures Aléos, élaboration du protocole sanitaire, achat de matériel… : “On a fait un travail de dingue, on a bossé comme des fous”, confie Loïc Richard.
Au total, une vingtaine de personnes y travaillent, la plupart bénévolement. Se porter volontaire “était une évidence”, explique Alain Delrue, 54 ans, l’un des quatre infirmiers du centre. “Il faut s’occuper de tout le monde, des malades du covid-19 en situation de précarité, qui sont dans la rue, ou dans des logements sociaux…”
Confinés dans leur chambre d’une dizaine de mètres carré où ils prennent seuls leurs repas livrés quotidiennement, les malades y disposent d’une douche et d’un réfrigérateur. Toilettes et laverie, communes, sont désinfectées plusieurs fois par jour.
L’accès aux étages covid-19, considérés comme une zone contaminée, est encadré par des règles strictes : combinaison, charlotte, surchaussures, gants, masque et lunettes sont obligatoire pour les soignants. Ils doivent systématiquement les ôter, à l’exception du masque, avant leur retour en zone dite non contaminée.
Quant aux malades, ils doivent toujours porter un masque sur le visage lorsqu’ils ouvrent la porte de leur chambre, par exemple lors de la distribution de médicaments. Trois fois par semaine, Henri Metzger, médecin généraliste à Thann, près de Mulhouse, assure seul les consultations.
Ce lundi matin, il examine un homme de 67 ans. Ancien ouvrier chez Peugeot PSA, ce Français d’origine cambodgienne a dû être placé en réanimation et intubé à l’hôpital de Mulhouse, avant d’être évacué le 26 mars en TGV sanitaire vers Angers (des évacuation ont aussi été réalisées par avion).
"Toujours fatigué"
“Je suis fatigué, toujours je suis fatigué. Quand j’ai dormi, c’est bien mais quand je me réveille, je suis fatigué. Oh, j’en ai marre de cette maladie!” se lamente le sexagénaire qui souhaite rester anonyme. “Il a déjà un parcours important”, avec des symptômes qui ont débuté le 10 mars, explique Henri Metzger. Dans le centre, “il se remet lentement”.
Originaire de Guinée-Conakry, Mohamed, 16 ans, est lui confiné depuis “une semaine”. Après une brève accalmie, fatigue et toux sont revenues “depuis trois jours”, explique-t-il sur le pas de sa porte, la voix étouffée par son masque.
Pour tuer le temps que le confinement rend encore plus long, il regarde la télé, écoute de la musique, dessine. Et puis, il y a cette lettre qu’il a commencée et qu’il tient absolument à achever. Elle sera dédiée “aux
soignants” du foyer : “Je dois les remercier, ils prennent soin de moi…”