C’est un ballet millimétré, presque silencieux. Quatre bras articulés, tendus au-dessus d’un (faux) patient allongé, s’activent avec une précision chirurgicale. À quelques mètres, assis à une console, un chirurgien manie deux manettes et cinq pédales. La scène ressemble à un jeu vidéo high-tech. Mais ici, pas de droit à l’erreur. Le Da Vinci Xi, dernier modèle du robot chirurgical arrivé à l’HNFC, prolonge les mains humaines dans les zones les plus inaccessibles du corps. Le procédé est impressionnant. Depuis mars, il a remplacé son prédécesseur, le Da Vinci X, en poste depuis 2018. Un investissement de 3 millions d’euros sur sept ans, comprenant la maintenance.
Ici, le robot ne remplace pas l’humain, il le démultiplie. C’est le message martelé par le Dr Thomas Delapparent, gynécologue. Comme en cœlioscopie, le chirurgien fait plusieurs petites incisions au niveau du ventre du patient, de la largeur du doigt, pour passer les trocarts, ces tiges métalliques, avec au bout, des petites pinces. Assis à la console, le chirurgien pilote avec une vision 3D haute définition de l’intérieur du patient. « La machine donne des superpouvoirs au chirurgien, celui d’être Shiva et d’avoir quatre bras avec des pinces multifonctionnelles, mais ce n’est pas le robot qui opère à la place de l’homme. »
À ses côtés, le Dr Vincent Richard, urologue, ajoute que les bras sont « comme des petites mains », sauf que la leur peut bouger sur quatre plans alors que les pinces peuvent se mouvoir sur huit. Cela leur permet d’opérer des chirurgies dites « mini-invasives ».
« Aucune douleur »
En 2018, Marie-Agnès était l’une des premières patientes à bénéficier de la robotique à Trévenans. Elle doit subir une opération gynécologique. Elle se souvient, émue : « Au début, j’ai eu un peu peur, mais le chirurgien m’a rassurée en me disant que c’était lui qui commandait la machine. Lorsque je suis entrée dans la salle d’opération, c’était impressionnant. Mais au réveil, je n’ai eu aucune douleur. Je suis sortie le lendemain, en ayant l’impression de ne pas avoir été opérée. »
Elle ajoute : « L’intervention était risquée, la vessie était proche. Il y avait un risque qu’elle soit touchée et que je me retrouve avec une poche à vie. Heureusement, tout s’est bien passé. Auparavant, j’avais déjà été été opérée sept fois, sous cœlioscopie et je n’étais pas dans le même état.»
Vision optimisée, précision accrue, ergonomie améliorée, dissection plus fine, absence de transmission des tremblements… Autant d’atouts offerts par le robot, qui expliquent la bonne récupération évoquée par Marie-Agnès.
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Moins de sang, moins de douleurs, moins d’hospitalisation
L’impact pour les patients est considérable : moins d’hémorragies, des cicatrices quasi invisibles, un retour à domicile rapide grâce à une bonne récupération. Cela est d’autant plus important pour les personnes qui récupèrent difficilement : les personnes âgées, notamment. Ou celles en surpoids. La précision du robot, qui élimine les tremblements et permet une chirurgie ciblée, en fait un outil de choix pour atteindre des zones complexes sans abîmer les tissus sains. « C’est un nouveau robot pour plus d’humain », résume le Dr Delapparent. « Il révolutionne la manière d’opérer en faisant de la chirurgie sur-mesure. Nous avons repoussé nos limites techniques, nous pouvons quasiment tout faire. C’est une nouvelle ère », détaille le Dr Richard.
Depuis son arrivée, le Da Vinci Xi est utilisé en gynécologie, urologie et chirurgie digestive. « Il permet de réaliser deux opérations quotidiennes, trois au maximum », précise le Dr Delapparent. Notamment car celui-ci est utilisé pour des chirurgies longues, qui durent plusieurs heures.
1 200 opérations en sept ans
En urologie, il opère des cancers de la prostate, de la vessie ou du rein. « On compte en France 60 000 nouveaux cas de cancers de la prostate chaque année », rappelle le Dr Richard. « L’espérance de guérison est de 93 %, mais l’intervention est difficile, car l’accès est contraint dans le pelvis. Le robot permet d’éviter des effets secondaires lourds comme l’incontinence ou les troubles érectiles. »
« Il faut un intérêt pour le patient ou le chirurgien, car le robot reste trois à quatre fois plus cher que la cœlioscopie », poursuit le Dr Thomas Furderer.
Depuis 2018, 500 opérations robot-assistées ont été réalisées en urologie à Trévenans, dont la première cystectomie avec remplacement de vessie en Franche-Comté. En chirurgie digestive, le robot est utilisé pour le rectum, l’œsophage, ou encore les chirurgies bariatriques. Pour la gynécologie, il est utilisé pour les cancers du col de l’utérus, pour ceux de l’endomètre, pour des fibromes, de l’endométriose ou encore l’ablation d’utérus. 1 200 opérations ont été réalisé au total en sept ans.
Former les chirurgiens de demain
Derrière la machine, une équipe. En 2018, chirurgiens et infirmières du bloc ont suivi une formation universitaire de chirurgie robotique. Aujourd’hui, l’apprentissage passe par le compagnonnage et une plateforme nommée Roboskill. « Nous avons des outils de simulation pointus, sur console, qui reproduisent les conditions d’opération avec des logiciels en 3D », explique le Dr Delapparent. « Avec différents exercices, nous apprenons à manipuler les pédales et les touches pour être à l’aise. »
Et demain ? La machine ouvrira aussi de nouvelles perspectives en télé-enseignement. « Avant, les experts devaient venir sur place. Désormais, ils pourront guider à distance, en temps réel. » Le robot pourrait aussi être utilisé par des services d’oto-rhino-laryngologiste (ORL). Pascal Mathis le confirme : à terme, l’hôpital espère « partager le plateau technique avec des opérateurs externes, tels que des médecins libéraux sous contrat ». « Disposer d’un plateau technique performant est attractif pour les jeunes, mais ça profite aussi aux 350 000 habitants », explique Pascal Mathis, directeur de l’HNFC.
Pour l’instant, au bloc opératoire, le robot s’installe dans la routine. Mais derrière ses bras articulés, une équipe humaine reste au centre. « Au bloc, c’est comme sur une course de Formule 1 : chacun à sa place. Le chirurgien coordonne l’opération. Mais il a besoin de l’équipe et des compétences de chacun autour du patient qui est au centre », conclut le Dr Delapparent.