AFP – Par Angela Schnaebelé
Elias Basbas, 24 ans, et Melk Ghezali, 31 ans, ont été reconnus par la cour d’assises du Doubs coupables d’avoir assassiné Houcine Hakkar et tenté d’assassiner le passager qui l’accompagnait. Ils ont été respectivement condamnés vendredi à 30 et 25 ans de réclusion criminelle. Mohamed Mordjane, 31 ans, en fuite à l’étranger et désigné comme le chef de leur clan, a été reconnu coupable de complicité du crime en l’ayant commandité et facilité, notamment en fournissant arme, voiture et téléphones cryptés aux tueurs. Il a été condamné à 30 ans d’emprisonnement.
L’avocat général, Étienne Manteaux, avait requis 30 ans contre Melk Ghezali, qui a reconnu avoir conduit la voiture de l’échappée meurtrière malgré « l’omerta qui fait le ciment de ces clans de trafiquants de stupéfiants ».
« Je ne dirai que la vérité, mais je ne parlerai que de moi », avait annoncé Melk Ghezali lors de son audition, refusant catégoriquement de mettre en cause ses deux co-accusés. « En avouant, il prend des risques considérables pour sa vie et celle de ses proches », ont confié ses avocats, Robin Binsard et Sylvain Cormier, évoquant de multiples menaces de mort.
"Un coup de pression"
Le soir du 8 mars 2020, les membres du « clan Mordjane » pensent que « les Parisiens » affiliés au clan adverse, qui leur ont tiré dessus quelques jours plus tôt, sont dans le quartier Planoise à Besançon, au volant d’une Renault Mégane. « On nous a dit d’aller faire un tour pour voir si on les voyait ou pas », raconte Melk Ghezali à l’audience. Avec son passager armé, ils croisent une Mégane sombre et la poursuivent. Mais il s’agit en réalité de la voiture conduite par Houcine Hakkar, un jeune mécanicien totalement étranger au trafic de stupéfiants. « La mission, c’était de leur mettre un coup de pression », assure-t-il, soutenant qu’il pensait « intimider » la bande adverse. Il se porte à la hauteur du véhicule des victimes, finalement immobilisé par un accident. Son comparse abat d’une balle dans la tête Houcine Hakkar, dont le passager, blessé de deux balles, réussit à s’enfuir. Ils réaliseront leur erreur sur l’identité des victimes quelques heures plus tard.
Au procès, Élias Basbas maintient pour sa part qu’il n’a rien à voir dans les faits. « Je n’étais pas dans cette voiture », affirme l’homme désigné par plusieurs membres de son propre clan comme étant le tireur. Des accusations confortées par le déchiffrage de ses discussions via les téléphones cryptés PGP, équipés du logiciel Sky ECC, selon le ministère public. Ses avocats, Florence Vincent et André Buffard, mettent en garde les jurés contre une possible « manipulation » de ceux qui accablent leur client, les appelant à « se méfier des évidences » et des « menteurs ».
"Le vrai chef"
Présenté comme le chef du clan, Mohamed Mordjane, 31 ans, est accusé de complicité d’assassinat et de tentative d’assassinat, pour avoir fourni l’arme (un fusil-mitrailleur HK-MP5), la voiture et les téléphones. Le déchiffrage des conversations sur « les téléphones PGP font clairement apparaître le vrai rôle de Mohamed Mordjane: c’est lui le vrai chef », tance Étienne Manteaux. « Il utilise les membres de son clan comme des pions, restant confortablement installé au Maroc », accuse le magistrat. Une vision combattue par son avocat, Xavier Moroz, qui dénonce un manque de preuves et le « postulat » selon lequel « monsieur Mordjane est responsable » parce qu’il a un rôle dans le trafic de stupéfiants.
Les trois accusés ont déjà été condamnés à de multiples reprises pour trafic de stupéfiants, violences et association de malfaiteurs. Et l’assassinat du mécanicien de 23 ans a marqué l’épilogue d’une guerre de territoires entre deux bandes rivales à Besançon, entre novembre 2019 et mars 2020. « Je voulais dire aux plus jeunes (du quartier), là dans le public, de bien nous prendre en contre-exemple, car à part de la traîtrise, il n’y a rien à gratter » dans le trafic de stupéfiants, conclut Melk Ghezali.