Le vélo Peugeot est une véritable madeleine de Proust, dans le pays de Montbéliard. Il est inscrit dans l’ADN des habitants. Les échanges autour de la mise en place d’un pôle territorial de coopération économique (PTCE) dans le pays de Montbéliard, cette année, l’ont parfaitement montré (lire notre article). Le pôle, animé par la Recyclerie des forges, rassemble quatre types d’acteurs : collectivités territoriales ; établissements d’enseignement supérieur ; entreprises ; et structures de l’économie sociale et solidaires.
Le projet a passé la première étape de la labellisation PTCE, échouant de peu à être retenu dans la phase 2, ouvrant un soutien de 100 000 euros permettant de financer l’animation du pôle ; un autre projet du haut Doubs a été retenu dans cette phase. Ce n’est que partie remise. Les acteurs du pays de Montbéliard pourront postuler de nouveau l’année prochaine, assure Sylvie Siffermann, sous-préfète de l’arrondissement de Montbéliard. Il faut renforcer la structuration juridique du pôle et ajuster quelques éléments du projet, mais la dynamique est lancée. Surtout, le projet a déjà permis « de mettre autour de la table des acteurs qui ne se connaissaient pas », salue la sous-préfète, en poste depuis l’été 2023.
Les potentialités d’une filière vélo avaient déjà été identifiés par des consultants, dans le cadre du programme Territoire d’industrie, au même titre que l’hydrogène, le machinisme agricole ou le ferroviaire. « J’ai juste remis une pièce dans le juke-box », sourit la représentante de l’État, qui a impulsé cette nouvelle dynamique.
Une maison du vélo ?
« Ce n’est pas encore une révolution », convient-elle. Mais lors de la table-ronde du 27 novembre, à Valentigney, on a pu voir de vrais projets engagés. Le premier d’entre eux, c’est celui du recyclage de batteries, financé par le conseil régional et l’agence de la transition énergétique (Ademe), porté par la recyclerie des Forges, à Audincourt, et le Crunch lab, de l’université de technologie de Belfort-Montbéliard (UTBM). Aujourd’hui, on lance les études et les tests. « Dans 2 ans, il y aura un atelier à Montbéliard de recyclage de vélo à assistance électrique », se réjouit Sylvie Siffermann. « C’est une nouvelle activité, qui va générer des emplois », replace celle qui aime engager des initiatives.
La Maison pour tous de Bavans et la MJC Saint-Exupery d’Audincourt ont souligné le potentiel inclusif de cet objet, mais aussi sa dimension émancipatrice. On pense aussi aux travaux d’aménagement de nombreux hôtels du pays de Montbéliard pour construire des garages à vélo. « Ce sont de petits succès », se réjouit Sylvie Siffermann, qui souligne l’implication du tissus associatif et de l’économie sociale et solidaire dans la démarche. Une économie sociale et solidaire qui a souvent été pionnière dans de nouvelles activités économiques, comme celle du recyclage, porté aujourd’hui par des multinationale. Elle en accepte l’augure.
Cette table-ronde a également présenté le potentiel des véhicules intermédiaires. Plus tout à fait un vélo. Pas encore une voiture. L’UTBM est fortement engagé dans cette direction. Pour les industriels, cela peut être une porte de diversification, alors que la filière automobile « est en grave danger », note la sous-préfète. « Les industriels de l’automobile doivent trouver d’autres créneaux », invite-t-elle, consciente, toutefois, que le virage n’est pas facile. Mais ces prototypes ont aussi besoin d’industriels pour être convertis.
Le territoire a le potentiel pour se positionner sur la fabrication d’éléments ou d’accessoires dédiés au vélo, insiste, encore et encore, la sous-préfète. Il dispose aussi de la force d’innovation. Un annuaire des acteurs vélo du nord Franche-Comté a été lancé ; il est porté par l’agence de développement économique du nord Franche-Comté (ADNFC). Il permettra de se connaitre et de se contacter. C’est essentiel dans la démarche d’une filière. C’est ce qu’a fait France Vélo après la signature du contrat de filière, au mois de juin.
Le processus sera « long et lent », acquiesce Sylvie Siffermann. Aimé Césaire n’évoque-t-il pas, justement, dans son poème Chemin, « la force des graines selon leur entêtement à murir » ? « Le territoire est tellement marqué par le cycle que je ne peux pas imaginer qu’il n’y ait pas un renouveau du cycle », confie-t-elle. De conseiller : « Il faut refaire un événement autour du vélo tous les ans ! » Une graine a été semée. Le territoire s’en est saisi en 2024. Aujourd’hui, cette filière aurait peut-être besoin d’un totem. Une maison du vélo par exemple ? De nombreux acteurs, notamment associatifs, en formulent le vœux depuis quelques mois.