Jade Belleville et Eva Chibane
« Le RHaine n’a pas le monopole de la France », lit-on sur une pancarte au cœur de la manifestation. Au bord de la route, devant la sous-préfecture de Montbéliard, ils étaient environ 150, ce mardi 11 juin, selon les forces de l’ordre. Le brouhaha, couvert par le bruit des voitures qui continuent de passer sans discontinuité à 18h, agace certains manifestants. Mais il faut se faire entendre. « Peu importe les conditions », souffle un manifestant. Car les résultats des élections européennes placent le Rassemblement national en tête nationalement avec 31,77 % des voix. Cette victoire du RN est d’autant plus marquée dans le nord Franche-Comté. Le Territoire de Belfort fait partie des seuls départements où la liste de Jordan Bardella est arrivée en première place dans toutes les communes.
« Il est nécessaire de réagir face aux résultats des élections », indique Elvire Celma, membre de la fédération syndicale unitaire (FSU). Après les résultats de dimanche, beaucoup sont venus aujourd’hui pour montrer leur mécontentement. « Il faut faire bloc contre les idées du RN », insiste-t-elle. Un avis que partage Anna Maillard, ancienne candidate aux élections européennes pour Europe écologie les verts (EELV). Un drapeau de son parti à la main, elle se dit « affolée » par la montée de l’extrême droite. « C’est comme un fleuve qui monte. » Même constat fait par deux étudiantes, Noémie et Serane, avec leur sac de cours encore sur les épaules. « Les résultats des élections européennes sont inadmissibles. Le RN nous fait peur », s’indignent-elles. Durant leurs études, elles ont travaillé sur la montée de l’extrême droite dans l’histoire. « On n’a pas envie que cela recommence », s’inquiètent-elles.
Tous, dans le cortège, se répètent. « Pas d’extrême droite au pouvoir.» Dans la manifestation, les personnes associent le vote d’extrême droite parfois à un « vote colère », d’autres fois à un « vote raciste ». « C’est aussi désormais un vrai vote d’adhésion », note une manifestante.
« Faiblesse politique de la gauche »
François Lapprand, professeur des écoles et délégué syndical FSU, affirme toutefois que : « C’est un vote sans surprise. Il y a une faiblesse politique des organisations de gauche.» S’il juge le gouvernement d’Emmanuel Macron responsable en partie de cette montée de l’extrême droite, il l’attribue également à François Hollande, qui a « profondément déçu les électeurs de gauche ». Pour lui, le rassemblement sert à montrer, symboliquement, qu’une partie de la société « milite », « n’abandonne pas » contre l’extrême droite. « Mais le délai de trois semaines est fait pour compliquer les choses.»
Avec l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron, les partis de gauche repartent en campagne avec un Nouveau front populaire. François Lapprand souhaite que cela fonctionne. « Leur programme peut donner espoir. Mais cela marchera seulement s’il y a un projet qui dépasse le cadre des élections. Ils se doivent de porter une politique de gauche.»
Elvire Celma, elle, se dit « favorable » à cette union de la gauche. Mais n’oublie pas non plus que les « délais sont très courts ». A seulement trois semaines du premier tour des élections législatives, le parti nouvellement créé doit encore s’accorder. Elvire Celma se veut rassurante sur ce point. « C’est une union de la gauche, mais c’est aussi une union de ceux qui combattent le RN.»
Du côté des écologistes, Romaric Thurel salue cette union : « Le front populaire, c’est une chance. » Cependant, il n’occulte pas les difficultés. « Il faut déconstruire le RN point par point. » Noémie et Serane pointent une autre problématique, liée à la jeunesse : « Les personnes de notre âge ne sont pas allées voter pour les européennes. » Et si les deux étudiantes espèrent que le taux d’abstention chez les jeunes va changer pour les législatives, elles ne se font pas trop d’illusions. « Dans mon lycée, beaucoup de personnes ont voté pour Jordan Bardella parce qu’ils l’ont vu sur les réseaux sociaux. Ils n’ont même pas lu son programme », regrette Serane. Les manifestants appellent à une manifestation massive ce samedi 15 juin, soutenue par Martial Bourquin, le maire PS d’Audincourt sur place ce mardi soir.